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TRAITÉ

DE

L'ART D'ÉCRIRE.

DEUX choses, Monseigneur, font toute

Deux choses å considérer dans le style: la netteté et

la beauté du style : la netteté et le ca- le caractère.

ractère.

la netteté du tyle.

La première demande qu'on choisisse, ce qui constituo toujours les termes qui rendent exactement les idées; qu'on dégage le discours de toute superfluité; que le rapport des mots ne soit jamais équivoque; et que toutes les phrases, construites les unes pour les autres, marquent sensiblement la liaison et la gradation des pensées.

le caractère.

Vous savez que le caractère d'un homme, Ce qui constitue dépend des différentes qualités qui le modifient. C'est par-là qu'il est triste ou gai, vif ou lent, doux ou colère, etc. Or les différens sujets que traite un écrivain, sont également susceptibles de différens caractères, parce qu'ils sont susceptibles

de différentes modifications. Mais ce n'est pas assez de leur donner le caractère qui leur est propre, il faut encore les modifier suivant les sentimens que nous devons éprouver en écrivant. Vous ne parlerez pas avec le même intérêt de la gloire et du jeu; car vous n'avez pas et vous ne devez pas avoir une passion égale pour ces deux choses vous n'en parlerez pas non plus avec la même indifférence. Réfléchissez donc sur vous-même, Monseigneur : comparez le langage que vous tenez lorsque vous parlez des choses qui vous touchent, avec celui que vous tenez lorsque vous parlez des choses qui ne vous touchent

pas; et vous remarquerez comment votre discours se modifie naturellement de tous les sentimens qui se passent en vous. Quand vous prenez vos leçons en pénitence, vous êtes triste, je suis sérieux, et les leçons sont aussi tristes que vous, que vous, et aussi sérieuses que moi. N'êtes-vous plus en pénitence? ces mêmes leçons deviennent un jeu : elles nous amusent l'un et l'autre, et nous trou vons du plaisir jusques dans les choses qui paroîtroient faites pour nous ennuyer

Le caractère du style doit donc se former de deux choses: des qualités du sujet qu'on traite, et des sentimens dont un écrivain doit être affecté.

Chaque pensée, considérée en elle-même, Les mêmes pen

peut avoir autant de caractères, qu'elle est susceptible de modifications différentes: il n'en est pas de même, lorsqu'on la considère comme faisant partie d'un discours. C'est à ce qui précède, à ce qui suit, à l'objet qu'on a en vue, à l'intérêt qu'on y prend, et en général aux circonstances où l'on parle, à indiquer les modifications auxquelles on doit la préférence; c'est au choix des termes, à celui des tours, et même à l'arrangement des mots, à exprimer ces modifications: car il n'est rien qui n'y puisse contribuer. Voilà pourquoi, dans un cas donné, quel qu'il soit, il y a toujours une expression qui est la meilleure, et qu'il faut savoir saisir.

Nous avons donc deux choses à considérer dans le discours: la netteté et le caractère. Nous allons rechercher ce qui est nécessaire à l'une et à l'autre.

sées prennent différens

fires cractères,

tances,

LIVRE PREMIER.

Pour savoir comment nous devons il faut

écrire savoir

nous concevons.

Des constructions.

LA netteté du discours dépend sur-tout

comment des constructions, c'est-à-dire, de l'arrangement des mots. Mais comment connoîtrons-nous l'ordre que nous devons donner aux mots, si nous ne connoissons pas celui que les idées suivent, quand elles s'offrent à l'esprit ? Découvrirons-nous comment nous devons écrire, si nous ignorons comment nous concevons? Cette recherche vous paroîtra d'abord difficile; cependant elle se réduit à quelque chose de bien simple. En effet, lorsque nous concevons. nous ne faisons et ne pouvons faire que des jugemens; et, si nous observons notre esprit,florsqu'il en fait un, nous saurons ce qui lui arrive, lorsqu'il en fait plu

sieurs.

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