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nobles actions, ces traits d'humanité qui font estimer et chérir le caractère moral des hommes en qui la vertu fut l'auxiliaire du génie.

Les actes de bienfaisance de Voltaire, ce qu'il a fait pour les Calas, pour les Sirvens, les Montbaillys, pour tant d'autres infortunés qu'il a secourus de sa fortune, soutenus de son crédit, protégés de sa renommée, tout cela, dis-je, est si connu qu'il serait au moins inutile de faire plus qu'en rappeler le souvenir. Les actions généreuses de Montesquieu eurent moins d'éclat, et sont encore aujourd'hui moins célèbres. J'en rapporterai une seule, telle qu'elle fut consignée dans l'Année littéraire, en 1775. Les amis des lettres ne la liront point sans cette vive satisfaction qu'on éprouve à pouvoir aimer ce qu'on admire. Elle suffirait sans doute pour faire apprécier toute entière l'âme simple, élevée et sensible de l'auteur de l'Esprit des Lois.

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» dame d'Héricourt, à Marseille. Il respirait un soir » près du port. Il voit un jeune homme dans une barque, il juge que ce jeune homme attend le batelier le » promener sur l'eau. Il entre aussi dans la barque : » étonné de voir le jeune homme ramer, il l'inter»roge, et apprend qu'il est joaillier de profession,

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qu'il se fait batelier les fètes et les dimanches pour » gagner quelque argent, et seconder les efforts de sa » mère et de deux sœurs; tous les quatre travaillent, » économisent pour amasser deux mille écus, et ra » cheter leur père esclave à Tétuan. Montesquieu,

» s'informe du nom du père, du nom du maître à qui » il appartient, et se fait conduire à terre, donne à » son batelier une bourse contenant huit doubles louis » et dix écus en argent, et s'échappe ».

» Six semaines après arrive le père, l'étonnement » de la famille l'étonne lui-même : on ne l'attendait pas, il croyait être attendu, et leur devoir sa déli» vrance: l'état de misère où il les trouve dérange >> toutes ses idées sur le paiement de sa rançon, sur » les cinquante louis qui lui ont été remis en entrant » dans le vaisseau qui l'a ramené en France, sur les » frais de son passage et de sa nourriture payés, sur les habits dont on l'a revêtu.

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» Le père et la mère n'osent interroger leur fils; ce» lui-ci soupçonne une seconde générosité de l'inconnu. » Deux ans se passent. Le fils rencontre Montesquieu » dans la rue se jette à ses genoux, le conjure de » venir partager la joie de sa famille, et recevoir les » marques de leur gratitude. Montesquieu ne veut pas » reconnaître le jeune homme, la foule s'assemble au» tour d'eux; le bienfaiteur se dérobe.

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>> Il serait encore inconnu si ses gens sent trouvé dans ses papiers, à sa mort, une note a de 7,500 livres envoyées à M. Main, banquier anglais établi à Cadix. Ils demandèrent des éclaircisse» mens. M. Main répondit qu'il avait fait usage de

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cette somme pour délivrer un Marseillais nommé Rɔ

»bert, esclave à Tétuan, conformément aux ordres de » M. le Président de Montesquieu. »

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Page 52. Ce fut donc sur ce principe l'état d'enfance, c'est-à-dire à la vie sauvage, mais à cette espèce de siècle viril, qu'il voulut ramener, d'abord les hommes, et il écrivit sur l'éducation ; bientót les gouvernemens eux-mêmes, et il écrivit sur la nature et sur les fondemens du Pacte social.

Sans doute il ne se dissimulait point à lui-même combien était borné le nombre des applications utiles qu'on pouvait faire encore de ses théories dans l'état présent de nos mœurs, mais il était loin de prévoir les applications dangereuses qu'on tenterait d'en faire un jour. Qu'est-ce en effet, par exemple, que ce Traité du Contrat Social, sinon le Gouvernement de sa propre patrie, c'est-à-dire, d'une république resserrée dans les plus étroites limites, proposée comme un modèle aux peuples assez peu nombreux, assez pauvres pour trouver dans ce Gouvernement une liberté fondée sur les lois, et qui doit toujours, d'après sa maxime, être subordonnée à l'existence et aux intérêts de l'association? Juger ainsi de cet ouvrage, c'est entrer dans la pensée de l'Écrivain, sans s'arrêter à des exagérations qui sont de l'orateur plus que du philosophe; c'est l'interprêter comme son auteur parut clairement l'expliquer et l'entendre, lorsqu'il voulut adapter sa doctrine au gouvernement d'un peuple qui semblait l'appeler du fond du Nord à ré

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générer ses lois politiques et ses habitudes nationales: c'est enfin être juste envers un homme moins outragé par d'aveugles censures que par des éloges flétrismoins calomnié par ses détracteurs que décrédité par ses faux disciples.

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Page 64. Parmi ses membres les plus célèbres, ceuxci sous les glaces du pôle, ceux-là sous les feux de l'équateur, mesuraient cet arc du méridien qui devait fixer la figure de la terre, etc.

Ce fut sous le ministère de M. de Maurepas que l'Académie des Sciences voulut soumettre à des calculs mathématiques l'hypothèse de Newton sur l'applatissement des pôles, et déterminer ainsi avec précision la figure de la terre. Elle résolut de faire mesurer un degré du méridien sous l'équateur, et un autre sous le pôle. La Condamine, Bouguer et Godin, Clairault, Maupertuis, Le Monnier et Camus, furent chargés de l'exécution de cette pénible entreprise. Les uns partirent pour le Pérou en 1735, les autres, l'année suivante, pour les confins de la Laponie. Des obstacles de tout genre ne purent arrêter le zèle de ces savans voyageurs. Les observations faites souvent en particulier par chacun d'eux, se rapportèrent d'une manière si rigoureuse qu'il ne put rester aucun doute sur leur parfaite exactitude. Une seule année suffit aux Académiciens envoyés dans le Nord; mais dix années s'écoulèrent avant que les travaux de leurs collègues fussent entièrement terminés.

Quelques-uns

Quelques-uns d'entre eux n'étaient point encore de retour, lorsqu'en 1750 l'abbé de la Caille fut ausst député par l'Académie au Cap de Bonne-Espérance, pour y observer la parallaxe de la lune, et mesurer le plus austral des degrés du méridien de notre con tinent. Il eut moins d'obstacles à surmonter et put mettre plus de promptitude dans l'exécution de ses travaux. On eut alors plusieurs dégrés du méridien pris sous l'équateur, et au-delà du tropique du capricorne : et les observations des Savans français prouvèrent enfin ce qu'on n'avait fait que supposer, que notre globe est un sphéroïde légèrement aplati vers les pôles.

Page 65. Le Géomètre qui, dans son Traité de Dy namique avait rapporté à un principe unique toutes les lois du mouvement, en résolvant depuis le problême de la précession des équinoxes, faisait franchir à la science les limites où le génie de Newton s'était arrêté, etc.

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J'aurais craint de m'exagérer l'importance de ces découvertes si je n'avais trouvé en faveur de mon opinion de grandes autorités. Il ne sera peut-être pas inutile aujourd'hui de remettre sous les yeux des lecteurs le jugement qu'en portait, en 1784, le dernier secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences. Les sciences soumises au calcul marchent de progrès en progrès pour être juste envers ceux qui les ont autrefois agrandies, il faut un moment revenir sur ses pas,

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