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déjà dans Dubos cet art qui manquait à Rollin, de gée néraliser ses principes, et de faire penser son lecteur.

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Ces deux hommes très-estimables comme rhéteurs se sont acquis comme historiens une réputation non moins durable. Mais ni l'Histoire ancienne de Rollin écrite pour les jeunes gens, trop amis des fables et des digressions, ni celle de la ligue de Cambrai, par Dubos, plus faite pour les hommes murs et les politiques, ni la narration élégante et précise de Bougeant, historien du Traité de Westphalie, ni les scènes toujours grandes, toujours animées, et quelquefois si dramatiques des Révolutions de Vertot, ne ressemblaient en rien, comme je l'ai observé dans le texte, à cette nouvelle manière d'écrire l'Histoire dont Voltaire parmi nous a donné depuis le premier exemple, et que la plupart des Nations de l'Europe. se sont empressé d'adopter.

Page 17. La véritable éloquence qui, par un effet de nos institutions, ne s'était montrée long-tems que dans la chaire évangélique, commençait à s'introduire dans le sein des Tribunaux, etc.

Parmi ceux qui jusqu'alors s'étaient acquis le plus de réputation dans l'éloquence du Barreau, ceux-ci toujours hors de leur sujet, avaient traduit en ridicule la pompe et la magnificence des Orateurs de l'Antiquité ceux-là, plus sages et non plus heureux, s'étaient renfermés toujours dans les bornes d'une dis sertation froide et pédantesque, hérissée de textes

d'interprétations. Plus judicieux que les uns, plus noble et plus précis que les autres, Cochin donnait le premier l'exemple d'étudier et d'imiter les Anciens, sans affecter dans des sujets trop inférieurs de lutter avec eux de génie. En même-tems un magistrat dont les talens seraient encore estimables sans l'illustration qu'ils durent à ses vertus, le Chancelier Daguesseau, répandait, avec trop d'abondance peut-être, dans des harangues de Magistrature et sur des objets de Jurisprudence, ces fleurs de la Littérature que Fontenelle avait semées avec plus de grace dans l'analyse des Sciences, et dans les discussions philosophiques.

Page 20..... Un Académicien célèbre, prosateur spi, rituel et facile, vérificateur languissant et forcé.

Il faut cependant pour être juste, ne pas oublier que La Motte a donné plusieurs opéra agréables, parmi lesquels on distingua surtout celui de Sémélé, où se trouvent quelques scènes ingénieuses, dialoguées avec finesse, et même versifiées avec assez d'élégance; et une tragédie, (Inès de Castro), qui, à la faveur des situations, et de quelques traits de sentiment, s'est long-tems maintenue au théâtre.

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Page 21. Sur Louis Racine.. Et dans sa monotonie savante, il laisse voir souvent la perfection de l'art et la médiocrité du talent, etc.

Il faudrait faire cependant une honorable exception en faveur de quelques passages de son poème, qu'il est

inutile d'indiquer, parce qu'ils sont dans la mémoire de tous les amis des vers. Ses Epîtres, ses Odes, moins connues, méritent beaucoup moins de l'être. Le stylė en est pur, élégant, mais souvent d'une extrême faiblesse, et presque entièrement dénué d'inspiration; si toutefois on excepte aussi quelques fragmens, beaucoup plus rares et dont le meilleur, ce me semble, est ce très-heureux d'une imitation d'Isaïe :

passage

Comment es-tu tombé des cieux,
Astre brillant, fils de l'Aurore?
Puissant Roi, Prince audacieux,
La terre aujourd'hui ́te dévore :
Comment es-tu tombé des cieux,
Astre brillant, fils de l'Aurore?

Dans ton cœur tu disais : à dieu même pareil,
J'établirai mon trône au dessus du soleil,
Et près de l'aquilon, sur la montagne sainte,
J'irai m'asseoir sans crainte:

A mes pieds trembleront les humains éperdus.
Tu le disais, et tu n'es plus.

De l'harmonie, des images, de la vivacité dans les tours et du choix dans les expressions, tout concourt à faire de ce morceau un chef-d'œuvre de versification et de poésie, digne du grand Racine lui-même, et qui n'aurait point déparé les chœurs d'Athalie ou d'Esther. Mais le fils de ce grand homme ne se soutient guère à cette hauteur; ses forces sont bientôt épuisées, et il tombe de faiblesse. Alors c'est vainement que l'art et le goût prennent la place de l'inspiration et du génie, que rien ne peut remplacer : le poète devient un versificateur très-savant, très - estimable, et rien de plus.

Ces éclairs de génie poétique, qui brillent de loin à loin dans ses compositions, d'ailleurs presqu'aussi froides qu'élégantes, ont fait croire à des hommes de beaucoup d'esprit que l'auteur du Poème de la Religion avait trouvé dans les papiers de son père des esquisses, des fragmens épars, qu'il s'était appropriés par droit de succession. Il existe même un exemplaire de ses OEuvres, qui faisait autrefois partie de la bibliothèque de Ferney, où, lorsqu'il se présente quelqu'un de ces morceaux dignes d'un grand poète, et qui semblent faire contraste avec ce qui précède et ce qui suit, on lit en marge ces mots, écrits de la main de Voltaire: Gloria patri! et plus bas, quand l'ouvrage change de ton: Et filio, et filio et filio. Qu'est-ce que cela prouve? Rien, à mon sens, sinon que Voltaire avait trouvé dans les ouvrages de Racine fils, des vers tels que l'auteur de Phèdre luimême ne les aurait pas désavoués.

Louis Racine était d'ailleurs un littérateur peu vulgaire, un esprit aussi juste qu'éclairé : nourri des meilleurs principes littéraires, il les a développés dans ses Réflexions sur la Poésie, toujours avec clarté, quelquefois même avec finesse. Ses Remarques sur les Tragédies de son père, me paraissent un monument élevé à la gloire de l'un et de l'autre. Aussi plein de modestie que de piété filiale, il s'était fait peindre, le troisième volume de ces tragédies à la main, les regards fixés sur

ce vers:

Et moi fils inconnu d'un si glorieux père.

Phédre, Acte 1**. Scène 15o.

Page 24. Regnard, doué d'un talent brillant et facile, etc.

On place communément Regnard parmi les écrivains du dix-septième siècle. Il n'avait cependant fait paraître dans ce siècle qu'une seule de ses bonnes comédies, le Joueur, qui peut bien être son chefd'œuvre, comme on le pense généralement, mais qui ne me semble pas, à beaucoup près, le plus irréprochable de ses ouvrages.

Durant les premières années du dix-huitième siècle, il donna presque sans interruption, le Retour imprévu, bagatelle pleine de sel, et de la gaîté la plus piquante; les Folies amoureuses, comédie dont l'intrigue et le dialogue ont toute la vivacité, l'agrément que semble promettre le sujet ; les Ménechmes, où Regnard surpasse Plaute en l'imitant ; et surtout le Légataire, celle de toutes les comédies de l'auteur, qui approche le plus de la perfection, où l'intrigue, simple et féconde, les situations animées et la rapidité des mouvemens encore embellies par un dialogue vif, naturel, pétillant d'esprit et d'ingénieuses saillies.

sont

Page 26. Si, après l'auteur du Tartuffe, quelqu'un mérite d'être cité pour les grandes vues morales et la "peinture énergique des mœurs, c'est l'auteur de Turcaret, etc.

Ce n'est point une intrigue riche et bien conduite, source de situations neuves et saillantes, ce n'est pas même un comique plein de sel, toujours puisé dans la situation ou les caractères, qui placent à un si haut rang cette excellente comédie; ce sont

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