Page images
PDF
EPUB

La nuit ils s'enfuiront loin des murs de la ville;
Au tombeau de Ninus, par un chemin facile,
Ils se réuniront. Là, s'offre un doux abri;

Une source y murmure; et, sur son bord fleuri,
Un mûrier, au front sombre et recourbé par l'âge,
Couvrira leur bonheur de son discret feuillage.

Déjà de leur projet ces amants sont heureux.
Mais le char du soleil paraît trop lent pour eux;
Il penche enfin, du monde il franchit la limite;
Et l'ombre désirée à s'enfuir les invite.

Thisbé revêt son voile, et dans l'obscure nuit
Se glisse en frémissant, et tremble au moindre bruit.
Sur les gonds doucement sa porte tourne, s'ouvre;
Thisbé fuit... A ses yeux le tombeau se découvre.
Forte d'amour, son cœur s'est bientôt rassuré;
Elle arrive, et s'assied sous l'arbre désiré.
Mais en grondant, sorti de l'ombre du bocage,
Un lion, l'oeil en feu, tout gorgé de carnage,
Vient étancher sa soif dans le cristal des eaux.
Aux rayons que Phébé lance sous les rameaux,
Thisbé le voit, s'enfuit, dans un antre se cache,
Et son voile flottant de son front se détache.
Retournant dans les bois, le lion abreuvé
Foule le voile errant, par le vent soulevé,
Le mord; et de sa gueule, encore ruisselante,
Il le rejette empreint d'une écume sanglante.

Pyrame vient, appelle, interroge ces lieux... Les traces du lion frappent soudain ses yeux. Il frémit, aperçoit sur l'herbe encore fumante Le voile qu'il croit teint du sang de son amante. « Thisbé n'est plus, dit-il par un double trépas, Nuit funeste, du moins tu nous réuniras..... « Ma Thisbé, toi mourir ! je suis le seul coupable: « C'est moi qui t'attirai dans ce lieu redoutable! De braver les périls, quoi ! j'osai te presser « Tu viens, et ton amant n'a pu te devancer! « Hôte sanglant des bois, monstre, punis mon crime; Dans tes horribles flancs plonge l'autre victime!

a Mais un lâche se borne à désirer la mort... »

Il dit; et saisissant le voile avec transport,

Sous l'arbre où de l'amour il dut goûter l'ivresse,
Le porte en gémissant, de sa bouche le presse:

« Voile fatal, trempé d'un sang qui m'est si cher
« Reçois aussi le mien!» Il dit, s'arme d'un fer,
Dans son cœur égaré l'enfonce et le retire.
Sur le sable rougi, palpitant il expire.

Son sang, au pied de l'arbre à peine répandu,
Colore le fruit blanc aux rameaux suspendu.
Thisbé revient, d'horreur encore palpitante;

De Pyrame elle craint de prolonger l'attente;
Le cherche avidement et des yeux et du cœur ;
Brûle de lui conter ses périls, sa terreur.

Elle voit, reconnait les lieux, le mûrier même :
A l'aspect de ses fruits sa surprise est extrême.
Thisbé sous les rameaux s'avance en hésitant;
Son pied, de sang trempé, presse un corps palpitant;
Elle pålit d'horreur, recule frémissante:

Tel on voit le Zéphire rider l'eau blanchissante.
Vers cet objet sinistre elle revient enfin.

C'est Pyrame!... Elle tombe, elle meurtrit son sein,
Arrache en sanglotant sa blonde chevelure;
Ses pleurs de son amant inondant la blessure...
Couvrant ce front glacé de baisers douloureux :
« D'où part ce coup funeste? il nous frappe tous deux.
« Cher Pyrame ! réponds, c'est Thisbé qui t'appelle;
« Ah ! du moins jette encor, jette un regard sur elle !
Pyrame, de la mort levant le voile épais,

Rouvre les yeux, la voit, les referme à jamais.
Thisbé le presse en vain, dans ses bras le soulève....
Mais ce fourreau d'ivoire, alors vide de glaive,
Ce voile teint de sang, sur l'herbe retombé,
Révèlent tout au coeur de la triste Thisbé!...
Immobile d'horreur, soudain elle s'écrie:

« C'est ta main, c'est l'amour qui t'arrache la vie !

[ocr errors]

« Et moi, pour t'imiter, pour mourir à mon tour,

« N'ai-je donc point ma main, n'ai-je pas mon amour?
«Ma vie était la tienne, et j'aurai ton courage;

"This bé causa ta mort, mais Thisbé la partage
La mort seule pouvait séparer notre sort;
"Eh bien, je ravirai ce triomphe à la mort!
« Parents infortunés, vous, hélas ! ô mon père,
« Vous qui fûtes le sien, écoutez ma prière;
« Au repos du tombeau ne desunissez pas
« Ce que rassemble ici l'amour et le trépas !

« Et toi, qui nous couvris de ton funeste ombrage,
« Garde de notre erreur le sanglant témoignage ;
« Et que ton fruit sinistre, emblème des douleurs,
« Aux mortels attendris atteste nos malheurs ! >>
Thisbé plonge en son cœur le glaive humide encore,
Tombe, et presse le sein de l'amant qu'elle adore.

DE PONGERVILLE,

de l'Académie française.

TABLE DES AUTEURS

QUI ONT TRAITÉ LES MÊMES SUJETS QUE La Fontaine.

[blocks in formation]

Les chiffres romains indiquent le livre, et les chiffres
arabes les numéros des fables

Boileau. IX, 9.

Bonaventure des Periers. VII, 10.
VIII, 2.

Bourgogne (le duc de`. XII, 4, 5, 9, 18. Florus. III, 2.

Gabrias. II, 10, 13. III, 15. Voyez | Phèdre. I, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 10, 14, 17,

Babrius.

Galland. Voyez Bidpaï.

Gello (Giovan Baptista'. XII, 1.
Gerbel. Voyez Camerarius.
Gilbertus Cognatus. IV, 12.
Giovauni. X, 10.

Grattelard. Voyez Tabarin.
Grise (R de). Voyez Guevara.
Gritsch I, 22.

Guichardin, I, 16. IV, 20. IX. 19.
Gueroult (Guillaume). VII, 1.
Guevara. XI, 7.

Haudent (Guillaume). I, 2. VII. 17.
XII, 8, 11.

Hégemon (Philibert). IV, 16. VI, 3.
14. X, 6.

Herbelot. Voyez Saadi.

Herman Hugon. VII, 1.

Pline. VIII, 16.

[blocks in formation]
« PreviousContinue »