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La Bruyère n'en a exprimé qu'une partie en la paraphrasant. Il me semble qu'une correction plus simple que toutes celles qui ont été proposées jusqu'à présent seroit de lire τὸ αστρονομίζειν, et de regarder les mots qui suivent comme le commencement d'une glose, inséré malà-propos dans le texte; car dans le grec il n'est dit nulle part dans ce chapitre ce que disent ou font les autres. D'après cette correction, il faudroit traduire : « Quand <«< il pleut, il dit, Ah! qu'il est agréable de connoître et « d'observer les astres!» La forme du verbe grec pourroit être rendue littéralement en françois par le mot asTRONOMISER. Il faut convenir cependant que le verbe grec ne se trouve pas plus dans les dictionnaires que le verbe françois, et que la forme ordinaire du premier est un peu différente; mais en grec ces fréquentatifs sont très communs, et quelques manuscrits donnent une leçon qui s'approche beaucoup de cette correction. Le glossateur a ajouté, «< Lorsque d'autres disent que le ciel est << noir comme de la poix. »

(7) Pour être enterrés hors de la ville suivant la loi de Solon. LA BRUYÈRE. Du temps de Théophraste, les morts étoient indifféremment enterrés ou brûlés, et ces deux cérémonies se faisoient dans les champs céramiques : mais ce n'étoit pas par la porte sacrée, ainsi nommée parcequ'elle conduisoit à Éleusis, qu'on se rendoit à ces champs. Il me paroît donc qu'il faut adopter la correction ERIAS, la porte des tombeaux. M. Barbié du Bocage croit que ce n'étoit pas une porte particulière qu'on appeloit ainsi, mais que ce nom étoit donné quelquefois à

la porte Dipylon, qu'il a placée en cet endroit sur son plan d'Athènes dans le Voyage du jeune Anacharsis; et les recherches aussi savantes qu'étendues qu'il a faites depuis sur ce plan n'ont fait que confirmer cette opinion. Peut-être aussi cette porte étoit-elle double, ainsi que son nom l'indique, et l'une des sorties étoit-elle appelée Érie, et particulièrement destinée aux funérailles.

CHAPITRE XV.

De la Brutalité.

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LA brutalité est une certaine dureté, et dire une férocité qui se rencontre dans nos manières d'agir, et qui passe même jusqu'à nos paroles. Si vous demandez à un homme bru→ tal, Qu'est devenu un tel? il vous répond durement, Ne me rompez point la tête. Si vous le saluez, il ne vous fait pas l'honneur de vous rendre le salut: si quelquefois il met en vente une chose qui lui appartient, il est inutile de lui en demander le prix, il ne vous écoute pas; mais il dit fièrement à celui qui la mar chande, Qu'y trouvez-vous à dire (1)? Il se moque de la piété de ceux qui envoient leurs offrandes dans les temples aux jours d'une grande célébrité : Si leurs prières, dit-il, vont jusqu'aux dieux, et s'ils en obtiennent les biens qu'ils souhaitent, l'on peut dire qu'ils les ont bien payés, et qu'ils ne leur sont pas donnés pour rien (2). Il est inexorable à celui qui,

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sans dessein, l'aura poussé légèrement, ou lui aura marché sur le pied; c'est une faute qu'il ne pardonne pas. La première chose qu'il dit à un ami qui lui emprunte quelque argent (3) c'est qu'il ne lui en prêtera point: il va le trouver ensuite, et le lui donne de mauvaise grace, ajoutant qu'il le compte perdu. Il ne lui arrive jamais de se heurter à une pierre qu'il rencontre en son chemin, sans lui donner de grandes malédictions. Il ne daigne pas attendre personne; et si l'on diffère un moment à se rendre au lieu dont l'on est convenu avec lui, il se retire. Il se distingue toujours par une grande singularité (4); ne veut ni chanter à son tour ni réciter (5) dans un repas, ni même danser avec les autres. En un mot, on ne le voit guère dans les temples importuner les dieux, et leur faire des voeux ou des sacrifices (6).

NOTES.

(1) Plusieurs critiques ont prouvé qu'il faut traduire ce passage: «S'il met un objet en vente, il ne dira point > << aux acheteurs ce qu'il en voudroit avoir, mais il leur « demandera ce qu'il en pourra trouver. »

(2) La Bruyère a paraphrasé ce passage obscur et mutilé d'après les idées de Casaubon : selon d'autres cri

tiques, il est question d'un présent ou d'une invitation qu'on fait au brutal, ou bien d'une portion de victime qu'on lui envoie *; et sa réponse est, « Je ne reçois pas « de présents », ou « Je ne voudrois pas même goûter ce « qu'on me donne. »

(3) « Qui fait une collecte **. »

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(4) Ces mots ne sont point dans le texte.

(5) Les Grecs récitoient à table quelques beaux endroits de leurs poëtes, et dansoient ensemble après le repas. Voyez le chapitre DU CONTRE-TEMPS. LA BRUYÈRE ***.

(6) Le grec dit simplement : « Il est capable aussi de «ne point prier les dieux. »

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