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la mécanique, pour celle du moins dont tout le monde se passe. Hermippe (1) tire le jour de son appartement d'ailleurs que de la fenêtre, il a trouvé le secret de monter et de descendre autrement que par l'escalier, et il cherche celui d'entrer et de sortir plus commodément que par la porte.

Il

y a déja long-temps (2) que l'on improuve les médecins, et que l'on s'en sert: le théâtre et la satire ne touchent point à leurs pensions : ils dotent leurs filles, placent leurs fils aux parlements et dans la prélature, et les railleurs eux-mêmes fournissent l'argent. Ceux qui se portent bien deviennent malades, il leur faut des dont le métier soit de les assurer qu'ils

gens

ne mourront point: tant que les hommes pourront mourir, et qu'ils aimeront à vivre, le médecin sera raillé et bien payé.

Un bon médecin est celui qui a des remèdes spécifiques, ou, s'il en manque, qui permet à ceux qui les ont de guérir son malade.

La témérité des charlatans, et leurs tristes succès, qui en sont les suites, font valoir la

(1) De Renoville,

(2) Les Daquin.

médecine et les médecins si ceux-ci laissent mourir, les autres tuent.

Carro Carri (1) débarque avec une recette qu'il appelle un prompt remède, et qui quelquefois est un poison lent: c'est un bien de famille, mais amélioré en ses mains; de spécifique qu'il étoit contre la colique, il guérit de la fièvre quarte, de la pleurésie, de l'hydropisie, de l'apoplexie, de l'épilepsie. Forcez un peu votre mémoire, nommez une maladie, la première qui vous viendra en l'esprit. L'hémorragie, dites-vous? il la guérit: il ne ressuscite personne, il est vrai; il ne rend pas la vie aux hommes, mais il les conduit nécessairement jusqu'à la décrépitude; et ce n'est que par hasard que son père et son aïeul, qui avoient ce secret, sont morts fort jeunes. Les médecins reçoivent pour leurs visites ce qu'on leur donne, quelques uns se contentent d'un remerciement; Carro Carri est si sûr de son remède,

(1) Caretti, Italien, qui a fait quelques cures qui l'ont mis en réputation. Il a gagné du bien en vendant fort cher ses remèdes, qu'il faisoit payer d'avance. Helvétius, Hollandois, avec la racine ipécacuanha, pour le flux de sang, a gagné beaucoup de bien.

et de l'effet qui en doit suivre, qu'il n'hésite pas de s'en faire payer d'avance, et de recevoir avant que de donner: si le mal est incurable, tant mieux, il n'en est que plus digne de son application et de son remède: commencez par lui livrer quelques sacs de mille francs, passezlui un contrat de constitution, donnez-lui une de vos terres, la plus petite, et ne soyez pas ensuite plus inquiet que lui de votre guérison. L'émulation de cet homme a peuplé le monde de noms en O et en I, noms vénérables qui imposent aux malades et aux maladies. Vos médecins, Fagon (1), et de toutes les facultés,

(1) Fagon, premier médecin du roi, qui a succédé à Daquin, disgracié en 1694 par trop d'ambition, et pour avoir demandé au roi la place de président à mortier, vacante par la mort de M. de Nesmond, pour son fils, intendant à Nevers; et outre cela l'archevêché de Bourges pour un autre fils, simple agent du clergé. Ce Daquin passoit aussi pour fort intéressé, et faisant argent de tout, jusque là qu'il tira de du Tarté, chirurgien, vingt mille livres, pour lui permettre de saigner le roi dans une .petite indisposition, où il s'en seroit bien passé. Mais le principal sujet de sa disgrace fut qu'il étoit créature de madame de Montespan, et que madame de Maintenon vouloit le faire sortir pour y admettre son médecin Fagon.

avouez-le, ne guérissent pas toujours, ni sûrement: ceux au contraire qui ont hérité de leurs pères la médecine pratique, et à qui l'expérience est échue par succession, promettent toujours, et avec serments, qu'on guérira. Qu'il est doux aux hommes de tout espérer d'une maladie mortelle, et de se porter encore passablement bien à l'agonie! La mort surprend agréablement et sans s'être fait craindre : on la sent plutôt qu'on n'a songé à s'y préparer et à s'y résoudre. O Fagon Esculape! faites régner sur toute la terre le quinquina et l'émétique; conduisez à sa perfection la science des simples, qui sont donnés aux hommes pour prolonger leur vie; observez dans les cures, avec plus de précision et de sagesse que personne n'a encore fait, le climat, les temps, les symptômes, et les complexions; guérissez de la manière seule qu'il convient à chacun d'être guéri ;

Daquin enveloppa dans sa disgrace toute sa famille. L'intendant fut révoqué, et obligé de se défaire de sa charge de maître des requêtes: son fils, qui étoit capitaine aux Gardes, eut le même ordre: et l'abbé est demeuré ce qu'il étoit. Daquin n'étoit pas un fort habile homme dans sa profession.

chassez des corps, où rien ne vous est caché de leur économie, les maladies les plus obscures et les plus invétérées; n'attentez pas sur celles de l'esprit, elles sont incurables; laissez à Corinne, à Lesbie, à Canidie, à Trimalcion, et à Carpus, la passion ou la fureur des charlatans.

L'on souffre dans la république les chiromanciens et les devins, ceux qui font l'horoscope et qui tirent la figure, ceux qui connoissent le passé par le mouvement du sas, ceux qui font voir dans un miroir ou dans un vase d'eau la claire vérité; et ces gens sont en effet de quelque usage : ils prédisent aux hommes qu'ils feront fortune, aux filles qu'elles épouseront leurs amants, consolent les enfants dont les pères ne meurent point, et charment l'inquiétude des jeunes femmes qui ont de vieux maris; ils trompent enfin à très vil prix ceux qui cherchent à être trompés.

Que penser de la magie et du sortilège? La théorie en est obscure, les principes vagues, incertains, et qui approchent du visionnaire. Mais il y a des faits embarrassants, affirmés par des hommes graves qui les ont vus, ou qui les ont appris de personnes qui leur ressem

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