Page images
PDF
EPUB

rend à la vocation de sa fille, mais qui la fait religieuse, se charge d'une ame avec la sienne, en répond à Dieu même, en est la caution: afin qu'une telle mère ne se perde pas, il faut que sa fille se sauve.

Un homme joue et se ruine : il marie néanmoins l'aînée de ses deux filles de ce qu'il a pu sauver des mains d'un Ambreville. La cadette est sur le point de faire ses vœux, qui n'a point d'autre vocation que le jeu de son père.

Il s'est trouvé des filles qui avoient de la vertu, de la santé, de la ferveur, et une bonne vocation, mais qui n'étoient pas assez riches pour faire dans une riche abbaye vœu de

vreté.

pau

Celle qui délibère sur le choix d'une abbaye ou d'un simple monastère pour s'y renfermer, agite l'ancienne question de l'état populaire et du despotique.

Faire une folie (1) et se marier par amourette, c'est épouser Mélite (2), qui est jeune, belle, sage, économe, qui plaît, qui vous aime, qui a moins de bien qu'Égine qu'on vous pro

(1) Le marquis de Richelieu.

(2) Madamoiselle Mazarin, fille du duc de ce nom.

pose, et qui, avec une riche dot, apporte de riches dispositions à la consumer, et tout votre fonds avec sa dot.

Il étoit délicat (1) autrefois de se marier; c'étoit un long établissement, une affaire sérieuse, et qui méritoit qu'on y pensât; l'on étoit pendant toute sa vie le mari de sa femme, bonne ou mauvaise même table, même demeure, même lit; l'on n'en étoit point quitte pour une pension avec des enfants et un ménage complet, l'on n'avoit pas les apparences et les dé

lices du célibat.

Qu'on évite d'être vu seul avec une femme qui n'est point la sienne, voilà une pudeur qui est bien placée : qu'on sente quelque peine à se trouver dans le monde avec des personnes dont la réputation est attaquée, cela n'est pas incompréhensible. Mais quelle mauvaise honte fait rougir un homme de sa propre femme, et l'empêche de paroître dans le public avec celle qu'il s'est choisie pour sa compagne inséparable, qui doit faire sa joie, ses délices et toute sa société; avec celle qu'il aime et qu'il estime, qui est son

(1) Le prince de Montauban, MM. de Pons, Belot, de La Salle.

ornement, dont l'esprit, le mérite, la vertu, l'alliance, lui font honneur? Que ne commence-t-il par rougir de son mariage?

Je connois la force de la coutume, et jusqu'où elle maîtrise les esprits, et contraint les mœurs, dans les choses même les plus dénuées de raison et de fondement : je sens néanmoins que j'aurois l'impudence de me promener au cours, et d'y passer en revue avec une personne qui seroit ma femme.

Ce n'est pas une honte ni une faute à un jeune homme que d'épouser une femme avancée en âge (1); c'est quelquefois prudence, c'est précaution. L'infamie est de se jouer de sa bienfaitrice par des traitements indignes, et qui lui découvrent qu'elle est la dupe d'un hypocrite et d'un ingrat. Si la fiction est excusable, c'est où il faut feindre de l'amitié s'il est permis de tromper, c'est dans une occasion où il y auroit de la dureté à être sincère. Mais elle vit long-temps. Aviez-vous stipulé qu'elle mourût après avoir signé votre fortune et l'acquit de toutes vos dettes? N'a-t-elle plus après ce grand ouvrage qu'à retenir son haleine, qu'à prendre

:

(1) Madame la présidente Le Barois.

de l'opium ou de la ciguë? A-t-elle tort de vivre? Si même vous mourez avant celle dont vous aviez déja réglé les funérailles, à qui vous destiniez la grosse sonnerie et les beaux orne-* ments, en est-elle responsable ?

Il

l y a depuis long-temps dans le monde une manière (1) de faire valoir son bien, qui continue toujours d'être pratiquée par d'honnêtes gens, et d'être condamnée par d'habiles doc

teurs.

On a toujours vu (2) dans la république de certaines charges qui semblent n'avoir été imaginées la première fois que pour enrichir un seul aux dépens de plusieurs : les fonds ou l'argent des particuliers y coule sans fin et sans interruption; dirai-je qu'il n'en revient plus, ou qu'il n'en revient que tard? C'est un gouffre; c'est une mer qui reçoit les eaux des fleuves, et qui ne les rend pas; ou si elle les rend, c'est par des conduits secrets et souterrains, sans qu'il y paroisse, ou qu'elle en soit moins grosse et moins enflée; ce n'est qu'après en avoir joui

(1) Billets et obligations.

(2) Le receveur des confiscations, ou la charge de surintendant des finances.

long-temps, et qu'elle ne peut plus les retenir. Le fonds perdu (1), autrefois si sûr, si reli

(1) Allusion à la banqueroute faite par les hôpitaux de Paris et les Incurables en 1689 : elle fit perdre aux particuliers qui avoient des deniers à fonds perdu sur les hôpitaux la plus grande partie de leurs biens. Cette banqueroute arriva par la friponnerie de quelques uns des administrateurs, que l'on chassa, dont le principal étoit un nommé André Le Vieux, fameux usurier, père de Le Vieux, conseiller à la cour des aides. Cet administrateur devoit être fort riche; mais sa femme l'a ruiné : elle devint amoureuse d'un mousquetaire, nommé Ponsange, auquel elle acheta une charge de lieutenant aux Gardes, et lui donna ensuite un gros équipage, et moyen de tenir table ouverte à la plaine d'Ouille : Le Vieux, qui ne savoit rien de cette intrigue, y alloit souvent faire bonne chère, et étoit bien reçu, puisque c'étoit lui qui payoit. La femme voulut faire épouser sa fille à Ponsange; mais Le Vieux s'y.opposa, fit décréter contre lui et enfin l'obligea, moyennant cent mille livres qu'il lui donna, de quitter sa fille, laquelle s'amouracha ensuite d'un nommé Ferillart, maître des comptes à Dijon, qui l'enleva et l'épousa. Le Vieux avoit un fils qui ne valoit pas mieux que sa sœur; car, de concert avec sa mère, voloit son père, qui le surprit, en dressa plainte; mais se désista ensuite. L'on dit que ce Le Vieux étant à l'extrémité, le curé de Saint-Germain l'Auxerrois, qui l'exhortoit à la mort, lui présenta un petit crucifix de vermeil

il

« PreviousContinue »