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cet ouvrage '; mais que le traité sur la recherche de la vérité par les lumières naturelles étoit en françois. Et en effet, il semble presque nécessaire qu'un traité présenté sous la forme du dialogue, pour être plus familier et plus vulgaire, ait été écrit en langue vulgaire ; le contraire eût été une espèce de contre-sens. Mais comment Baillet savoit-il cela? avoit-il vu le manuscrit françois, et qu'est devenu ce manuscrit? Le libraire hollandois, qui faisoit une édition toute latine, a-t-il détruit le manuscrit pour donner plus de valeur à la traduction qu'il publioit, ou ce manuscrit est-il encore enfoui quelque part dans les cartons de quelque libraire d'Amsterdam? Ce sont là des questions que nous laisserons résoudre au hasard et au temps.

Après les deux ouvrages précédents viennent quelques pensées sur la génération des animaux et les saveurs. L'éditeur dit qu'il les donne en latin, comme on les lui a remis; quant à leur authenticité, il avoue qu'il n'a pas d'autre raison d'y croire que la parole de la personne de laquelle il les tient, sans dire quelle est cette personne, et un passage de

'P. 212, 213, Je considère seulement quel sens ces mots ont en latin.

la lettre de Descartes (1. 53 du t. III de l'ancienne édition), où il dit qu'il s'occupe d'un traité sur les animaux, qu'il n'a pas encore achevé. Pour nous, nous n'hésitons pas à rejeter l'authenticité de ce fragment plus que médiocre, où les idées les plus communes et souvent les plus fausses se font à peine jour à travers un style sans clarté et sans grandeur. Le texte est corrompu en beaucoup d'endroits, et nos efforts pour en tirer un sens raisonnable ont presque toujours échoué contre l'obscurité ou l'absurdité de l'original, tout-à-fait indigne d'être attribué à Descartes.

Sur le fragment d'algèbre qui termine ce volume, il n'y a pas plus de lumières que sur les écrits précédents; mais il a été trouvé authentique par des juges habiles. Bien des fautes le déparoient, que nous avons corrigées, sans en avertir, quand elles étoient évidentes; nous en avons signalé quelques unes quand elles étoient plus importantes; nous en aurions découvert davantage, si nous eussions voulu vérifier avec plus de scrupule tous les calculs de Descartes. Chaque mathématicien qui voudra étudier ce précieux fragment du père

de la géométrie moderne le fera pour son compte; nous nous sommes borné à reproduire le texte déjà donné.

Enfin, pour satisfaire cette curiosité si naturelle qui recherche les moindres traces d'un homme de génie, et croit retrouver quelque chose de lui jusque dans son écriture, nous publions le fac simile d'un billet autographe de Descartes, que nous devons à l'amitié de l'un de ses plus proches descendants, M. le marquis de Château - Giron, et nous espérons que cette attention ne sera pas mal reçue par les amateurs d'autographes, car ce billet, en lui-même insignifiant, est pourtant la seule trace qui reste de l'écriture de Descartes.

Ce onzième volume est le dernier. Notre travail est terminé, et la France a enfin une édition françoise des OEuvres complètes de celui qui a tant fait pour sa gloire. Puisse ce monument, consacré à Descartes et à la France, servir à rappeler mes compatriotes à l'étude de la vraie philosophie, de cette philosophie dont Descartes a été, dans l'humanité, un des plus illustres interprètes, qui, sévère et hardie en même temps, sans sortir des limites de

l'observation et de l'induction, atteint si haut et si loin, et qui partant de la conscience de l'homme, c'est-à-dire de la pensée, ne l'abandonne plus et la retrouve partout, dans la nature comme dans l'âme, dans les moindres détails comme dans les plus grands phénomènes de l'existence universelle: Je pense, donc je suis.

Paris, ce 20 septembre 1826.

VICTOR COUSIN.

OUVRAGES

TRADUITS

EN FRANÇAIS

POUR LA PREMIÈRE FOIS.

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