Œuvres complètes de Condillac: Traité des sensations

Front Cover
 

Contents


Common terms and phrases

Popular passages

Page 9 - Après plusieurs années, il serait comme le premier instant, sans avoir acquis aucune connaissance , et sans avoir d'autres facultés que le sentiment. Mais la nature de ses sensations ne lui permet pas de rester enseveli dans cette léthargie. Comme elles sont nécessairement agréables ou désagréables , il est intéressé à chercher les unes et à se dérober aux autres ; et plus le contraste des plaisirs et des peines a de vivacité, plus il occasionne d'action dans l'âme. Alors la privation...
Page 437 - Mon idée serait donc de décomposer, pour ainsi dire, un homme, et de considérer ce qu'il tient de chacun des sens qu'il possède. Je me souviens d'avoir été quelquefois occupé de cette espèce d'anatomie métaphysique; et je trouvais que, de tous les sens, l'œil était le plus superficiel; l'oreille, le plus orgueilleux; l'odorat, le plus voluptueux; le goût, le plus superstitieux et le plus inconstant; le toucher, le plus profond et le plus philosophe.
Page 48 - Dire que nous avons appris à voir, à entendre, à goûter, à sentir, à toucher, paraît le paradoxe le plus étrange. Il semble que la nature nous a donné l'entier usage de nos sens à l'instant même qu'elle les a formés, et que nous nous en sommes toujours servis sans étude, parce qu'aujourd'hui nous ne sommes plus obligés de les étudier.
Page 401 - ... barbare. Aussitôt qu'il put parler, on l'interrogea sur son premier état; mais il ne s'en souvint non plus que nous nous souvenons de ce qui nous est arrivé au berceau.
Page 223 - Comme elle connaît la durée par la succession de ses idées, elle connaît l'espace par la coexistence de ses idées. Si le toucher ne lui transmettait pas à la fois plusieurs sensations qu'il distingue , qu'il rassemble , qu'il circonscrit dans de certaines limites, et dont, en un mot , il fait un corps, elle n'aurait l'idée d'aucune grandeur. Elle ne trouve donc cette idée que dans la coexistence de plusieurs sensations. Or dès qu'elle...
Page 17 - Par là nous sommes capables de deux attentions ; l'une s'exerce par la mémoire , et l'autre par les sens. , Dès qu'il ya double attention, il ya comparaison ; car être attentif à deux idées ou les comparer, c'est la même chose. Or on ne peut les comparer, sans apercevoir entre elles quelque différence ou quelque ressemblance : apercevoir de pareils rapports, c'est juger. Les actions de comparer et de juger ne sont donc que l'attention même : c'est ainsi que la sensation devient successivement...
Page 119 - Non; car il ne pense pas à moi en particulier; mais celui qui aime quelqu'un à cause de sa beauté, l'aime-t-il ? Non : car la petite vérole, qui tuera la beauté sans tuer la personne, fera qu'il ne l'aimera plus. Et si on m'aime pour mon jugement, pour ma mémoire, m'aimet-on moi ? Non ! Car je puis perdre ces qualités sans me perdre moi-même.
Page 61 - L'attention qu'elle lui a donnée, la retient encore ; et il en reste une impression plus ou moins forte, suivant que l'attention a été elle-même plus ou moins vive.
Page 178 - C'est une vérité féconde , je ne dis pas un principe; car on a tant abusé de ce mot , qu'on ne sait plus ce qu'il signifie. Il résulte de cette vérité que la nature commence tout en nous ; aussi ai-je démontré que dans le principe ou dans le commencement nos connaissances sont uniquement son ouvrage ; que nous ne nous instruisons que d'après ses leçons ; et que tout l'art de raisonner consiste à continuer comme elle nous a fait commencer.
Page 417 - Mais ce moi qui prend de la couleur à mes yeux, de la solidité sous mes mains , se connaît-il mieux pour regarder aujourd'hui comme à lui toutes les parties de ce corps auxquelles il s'intéresse, et dans lesquelles il croit exister ? Je sais qu'elles sont à moi sans pouvoir le comprendre : je me vois , je me touche, en un mot, je me sens, mais je ne sais ce que je suis; et, si j'ai cru être son, saveur, couleur, odeur, actuellement je ne sais plus ce que je dois me croire.

Bibliographic information