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neure, avec le titre de Généraliffime; & une armée de foixante dix mille hommes, & de trente élephans, à laquelle il n'y avoit alors dans l'Empi re aucune puiffance capable de réfifter. Il n'eft pas furprenant qu'avec cette fupériorité il formât le deffein d'engloutir la Monarchie toute entiére. Pour y réuffir, il commença par faire une réforme dans tous les Gouvernemens des provinces de fa dépendance, déplaçant tous ceux dont il fe défioit, & y mettant fes créatures. Il ôta ainfi à Aridée le gouvernement de la petite Phrygie & de l'Hellefpont, & à Clitus celui de la Lydie. Polyfperchon de fon côté ne négligea rien de ce qui étoit néceffaire pour fortifier fon parti. Il fongea à Corn. rappeller Olympias, qui fous la RéNep in gence d'Antipater s'étoit retirée en Eumen. Epire, & lui offrit de partager avec elle l'autorité. Cette Princeffe envoia un courier à Eumène, pour le confulter fur la propofition qu'on lui faifoit. Il lui confeilla d'attendre quelque tems, pour voir le train que prendroient les affaires. Que fi elle fe déterminoit à retourner en Macédoine, il lul recommandoit fur tout d'oublier

Diod. lib.

18. pag.

$26.

634.

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les injures qu'elle prétendoit avoir reçues, de ne point gouverner avec hauteur, & de ne faire fentir aux autres fon autorité que par des bienfaits, & non par de mauvais traitemens. Du refte il lui promit pour elle & pour la famille roiale un inviolable attachement. Olympias ne fuivit en rien de fi fages confeils. Elle fe hâta de partir pour la Macédoine, & quand elle y fut arrivée, elle ne prit confeil que de fa paffion, & du violent défir qu'elle avoit de dominer, & de fe venger.

Polyfperchon, qui avoit beaucoup d'ennemis fur les bras, travailla à s'af furer de la Grèce, dont il prévoioit que Caffandre tâcheroit de fe rendre maître. Il prit auffi des mefures par raport aux autres parties de l'Empire, comme je le marquerai dans la fuite.

Pour s'attacher les peuples de la Grèce, il fit un Décret par lequel il rappeloit les exilés, & rétabliffoit toutes les villes dans leur ancienne liberté & dans tous leurs droits. Il écrivit en particulier aux Athéniens des Lettres qui portoient, que le Roi leur rendoit leur Démocratie & leur E 6

an

Diod. p.

631,632

Diod. 1.

78.p.638. 642

ancien gouvernement, par lequel tous
les Athéniens, fans diftinction,étoient
admis aux charges. C'étoit un piége
qu'il tendoit à Phocion. Car voulant
fe rendre maître de la ville d'Athè-
nes, comme cela parut bientôt après,
il défefpéra d'en venir à bout, s'il ne
trouvoit moien de faire chaffer Pho-
cion, qui avoit favorifé & introduit
l'Oligarchie fous Antipater. Or il ne
doutoit pas qu'il ne fût chaffé des que
ceux qu'il avoit exclus du gou-
vernement, feroient rétablis dans leurs
anciens droits.

§. V. Phocion condanné à mort par les
Athéniens. Caffandre fe rend maître
d'Athenes. Il y établit Démétrius de
19
Phalère pour gouverner la Republique:
fageffe de fon gouvernement. Eumene
fort de Nora. Différentes expéditions
d'Antigone, de Séleucus, de Ptolémée,
& d'autres Chefs contre lui, Olympias
fait mourir Aridée. Elle même eft mi-
Se à mort par ordre de Caffandre. Guer-
re de celui-ci contre Polyfperchon. Ré-
tablissement de Thébes, Eumene eft tra-
hi par fes troupes, livré à Antigone,
& mis à mort.

Caffandre, avant que la nouvelle

de

de la mort d'Antipater fût arrivée a Plut. in Athénes, y avoit envoié Nicanor Phoc. p. pour fuccéder à Menylle dans la garde 755-759 de la fortereffe de Munychia, & bientôt après il s'étoit rendu maître du Pirée. Phocion, qui comptoit fur la probité & fur la fidélité de Nicanor en quoi il fe trompoit, avoit de grandes liaisons avec lui, & de fréquentes converfations, & c'eft ce qui le rendit plus fufpect que jamais au peuple.

Dans ce moment arriva Alexandre fils de Polyfperchon, qui venoit avec une groffe arinée fous prétexte de fecourir la ville contre Nicanor, mais en effet pour tâcher de s'en faifir luimême, s'il lui étoit poffible, en profitant de la division où elle étoit. Il s'y tint une affemblée tumultueufe, dans laquelle Phocion fut dépofé de fa charge. Démétrius de Phalère, & d'autres citoiens, qui apprehendoient le même fort, prirent promtement le parti de fortir de la ville. Phocion qui avoit la douleur de fe voir accufé de trahison, se réfugia vers Polyfperchon, qui le renvoia au jugement du peuple. On convoqua fur le champ l'affemblée, dont on n'exclut ni efclave, ni étranger, ni homme noté

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d'infamie, ce qui étoit contre toutes les règles. Phocion, & les autres prifonniers furent présentés au peuple. Les plus gens de bien, à ce spectacle, baifférent la vûe, & fe couvrant la tête verférent des larmes en abondance. Quelqu'un aiant eu le courage de demander qu'on fit fortir de l'affemblée les efclaves & les étrangers, la populace s'y oppofa, & fe mit à crier qu'il faloit plutôt lapider ces partifans de l'Oligarchie, ces ennemis du peuble. Phocion entreprit plufieurs fois de plaider fa caufe, & de fe défendre, mais inutilement, & il fut toujours interrompu. C'étoit la coutume à Athènes que l'accufé déclarât, avant le jugement, de quelle peine il fe trouvoit digne. Phocion dit à haute voix qu'il fe condannoit lui-même à la mort, mais demanda qu'on épargnât les autres. On fut auffitôt aux fuffrages, & d'une commune voix -on les condanna tous à perdre la vie, & ils furent conduits au cachot. métrius de Phère, & quelques aùtres, quoiqu'abfens, furent envelepés dans la niême condannati n. Les compagnons de Phocion, attendris par les lamentations de leurs parens

&

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