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système économique de la République et de l'Empire, et devenue, sous les Flaviens du IVe siècle, le type des diverses classes civiles et l'origine principale de la ruine de la société romaine, a été une des causes fondamentales de la forme sociale qui exista durant le Moyen Age.

LES

GRANDS JOURS

DU DERNIER DUC DE GUYENNE

1469-1472

PAR E. BRIVES-CAZES.

INTRODUCTION

Le 18 décembre 1573, Me Dussault, avocat du Roi, résumant, devant les chambres assemblées du Parlement de Bordeaux, les phases successives de l'existence de cette Cour, s'exprimait ainsi :

En l'an 1468, la Duché de Guyenne fust baillée en >> apanage au duc Charles, frère de Louis XI, et ce faict, » le Parlement fust transféré à Potiers, et au lieu du Parle»ment, le duc Charles establit une Cour souveraine qu'il » appela les Grands Jours. »

En 1469, dit d'autre part le chroniqueur Delurbe, « le roy Loys baille à Charles, son frère, pour son droict d'apennage, la Guyenne, y comprenant seulement le Bour» delois, Bazadois, et les Lanes avec la Xaintonge et La » Rochelle, qu'est cause que le Parlement de Bourdeaux est. » transféré à Poitiers. >> 1471. «En cette année..., » Charles, duc de Guyenne, tient les Grands Jours des terres » de son apennage à Bourdeaux. »

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Dom Devienne, à son tour, puisant à ces sources, ne fait guère que les reproduire dans ce qu'il dit (p. 101) des mêmes événements. Enfin, tous ceux qui en ont parlé depuis n'y ont rien ajouté de nouveau.

Qu'était cependant cette Cour des Grands Jours de Guyenne? Comment fût-elle organisée? Comment a-t-elle fonctionné? Quels ont été, en un mot, son importance et son rôle dans l'administration judiciaire de notre province?

Il ne serait certes pas sans intérêt de le savoir, pour ne pas laisser plus longtemps dans l'ombre qui la couvre depuis des siècles, cette période aussi courte qu'étrange de notre histoire locale. Malheureusement, les documents manquent, et c'est par hasard qu'en fouillant dans les Registres du Parlement, il nous a été donné de découvrir, au milieu de ceux-ci et confondu avec eux, l'un des registres de ces Grands Jours, le Registre du Conseil (1).

Ce respectable document se compose de quatre cahiers de papier in-4°, formant 85 feuillets, rongés tous, plus ou moins, par l'humidité et par la vermine, malgré la double couverture de parchemin qui les enveloppe. Plusieurs de ces feuillets sont en blanc. Sur un trop grand nombre, l'écriture a disparu, et vainement a-t-on essayé, à une époque inconnue, de la faire revivre. Enfin, il est trop évi

(') Papirus consilii curie Magnorum Dierum, lit-on à l'une des entrées de la Cour, dans ce Registre qui n'est en réalité que la collection de ses minutes du Conseil. Longtemps en effet après la découverte de celles-ci, et mème tout récemment, il a été trouvé, parmi les pièces non classées des Archives départementales de la Gironde, des feuilles de parchemin où il nous a été facile de reconnaître la transcription littérale de quelques-uns des actes que nous connaissions déjà. — Ces feuilles devaient donc former le registre sur lequel le greffier de la Cour avait dû mettre au net ses arrêts et ordonnances, suivant un usage parlementaire dont nous avons déjà donné l'explication dans notre monographie: Le Parlement de Bordeaux et la Chambre de Justice de Guyenne, en 1582, p. 5.

dent que le premier cahier de ce Registre, - celui qui devait contenir très probablement les indications les plus nombreuses et les plus précises sur la constitution de cette Cour,

arraché...

a été

En cet état, le manuscrit que nous signalons pour la première fois présente donc de graves lacunes, absolument irréparables. Aussi, après en avoir fait une étude attentive et prolongée, nous ne nous flattons pas d'en retirer d'abondantes révélations; mais quelque restreinte que soit la moisson qu'on peut y faire, il n'y avait pas lieu de le dédaigner, à cause des renseignements originaux et des indications nouvelles qu'il fournit presque à chacun de ses pauvres feuillets, et que nous avons essayé de compléter au moyen des Registres capitulaires de Saint-André de la même époque.

A la faveur de ces documents inédits, nous allons donc tenter d'esquisser une page à peu près neuve de l'histoire judiciaire de la Guyenne.

PROLEGOMÈNES

Entrée du Duc de Guyenne à Bordeaux. Apanage. Incidents. - Amnistie. Prise de possession. Le Parlement transféré à Poitiers. - Aperçu sur cette Cour. - - Le Barreau Bordelais en 1469. - Institution de la Cour des Grands Jours de Guyenne. Noms des magistrats.

Le mardi, 10 avril 1470 (1), une grande agitation régnait dans Bordeaux, et malgré la pluie qui ne cessait de tomber depuis le matin, la foule se portait vers les rues étroites allant du château de l'Ombrière à la cathédrale, et où l'on remarquait de grands préparatifs qui rappelaient ceux faits, quelques années avant, pour l'entrée du roi Louis XI. Des échafauds, ornés de draperies dorées et chargés de spectateurs, avaient été disposés sur ce parcours, notamment sur la place Saint-André, par les soins du chapitre métropolitain (2).

On attendait le nouveau souverain de la Guyenne, le duc Charles, frère de Louis XI, qui allait faire sa première entrée (primum introitum) dans sa capitale. Il venait d'avoir, à Tours, une dernière entrevue avec son redoutable frère, qui l'avait bien accueilli, et c'est par Saint-Jean d'Angély, sa résidence habituelle, qu'il s'était dirigé vers Bordeaux

(1) Ante dominicam in ramis palmarum, dit la relation transcrite sur l'un des plus vieux registres capitulaires de Saint-André (Archiv. départem. de la Gironde, G., no 347, fol. 55), relation à laquelle nous empruntons presque littéralement les détails qui vont suivre, ainsi que la date ci-dessus, qui donne bien l'année d'après la chronologie actuelle, quoique l'année 1470 ne fût commencée pour le chapitre Saint-André que depuis le 25 mars, et qu'elle ne le fût pas encore pour le Parlement. Ce registre, dont l'écriture indéchiffrable a découragé plus d'un chercheur, mérite encore d'être signalé pour l'abondance des renseignements qu'il pourrait fournir sur l'administration fort peu connue du dernier Duc de Guyenne.

(2) V. Reg. cap. de Saint-André, 15 mars 1469, 3 et 17 avril 1470

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