Page images
PDF
EPUB

forme en 3+2-2. Le but des transformations de Fénélon est de communiquer un sentiment qui ne serait pas transmis par une seule phrase; celui du mathématicien est de montrer ce qu'on ne voit pas quand on exprime trois par 3, et ce qui saute aux yeux quand on l'écrit 3+2-2.

3o La douleur est un sujet à considérer sous une infinité de faces; mais ce sujet immense se trouve restreint par le dessein qu'on a de parler de la douleur de Calypso. De même, trois peut s'écrire 3, et prendre une infinité de transformations; mais, si on demande que deviendra trois si on en ôte moins deux, je me trouve restreint par la question même. C'est comme si on me disait employez le signe -2 à écrire trois, puis effacez-le, et vous verrez ce qui restera. Ce serait un livre utile que celui des transformations en mathématiques, ct personne ne serait trop bon pour cela. Les géomètres me comprendront bien : Tout est dans

tout.

:

Ce que Fénélon a fait, dans ce paragraphe, c'est ce que nous faisons tous quand nous ne parlons que sur des faits que nous connaissons il dépend de nous de voir quand nous

,

disons ce que nous dicte notre intelligence, ou quand nous écrivons au hasard, de mémoire, et sans vérifier si ce que notre mémoire nous a apporté est relatif ou non au sujet que nous traitons. Celui qui n'aurait pas assez d'intelligence pour faire cette distinction ne serait pas homme. Il serait animal; et celui qui est capable de voir tout cela est un homme tout entier. Il n'y a point de moitiés d'hommes. C'est leur distraction qui leur fait dire des sottises et non pas leur nature. Répétez sans cesse ce qu'a dit Buffon: Le génie n'est autre chose qu'une grande aptitude à la patience. Mais je ne suis pas le maître d'être attentif, direz-vous. Eh bien! vous direz et vous ferez beaucoup de sottises, et l'on vous punira, et l'on se moquera de vous, comme si vous aviez pu faire ou dire mieux; car on le suppose tacitement : autrement les ricaneurs, qui ne rient pas de votre distraction, mais de votre intelligence, font à leur tour une sottise; car ils ne se moqueraient pas

d'un perroquet. Ainsi ils prennent eux-mêmes le soin de rétablir l'égalité par la manière dont ils la contestent. Bien voir, voilà notre nature; bien dire est le fruit d'un travail opiniâtre; bien faire n'est pas moins difficile. Je

dis mal, et tu fais mal : de quel côté est la supériorité? Beau sujet de dispute !

Si je devais résoudre cette question, je dirais : L'intelligence est égale chez tous les hommes; c'est le lien commun du genre humain. La réciprocité des services qu'ils doivent se rendre, à cause de leur faiblesse individuelle, exigeait que chacun pût compter au moins sur la même volonté, sur la même disposition de bienveillance de part et d'autre. Mais, pourrait-on compter sur ce doux penchant du coeur qui nous porte à nous entr'aimer tous, si l'intelligence, nécessaire pour comprendre les rapports d'homme à homme, n'existe pas également chez tous les hommes? Celui que j'obligerai n'aurat-il pas la faculté de mesurer l'étendue des services qu'il peut espérer de moi, et de préparer les moyens de me témoigner sa reconnaissance, de m'aider enfin de ses conseils et de tous les autres moyens qui sont en son pouvoir? Ne peut-il pas juger de leur efficacité dans tel cas, de leur inutilité dans tel autre? Son amitié, sans génie, saura-t-elle prévoir le danger qui me menace quand la passion me ferme les yeux sur la profondeur de l'abîme où je cours? Ne puis-je moi-même voir les piéges que me

tendent la haine, l'artifice, toutes les passions qui conspirent contre ma vertu chancelante? Si je ne le puis pas, que deviennent la moralité des actions humaines, et la conscience dont personne ne conteste de bonne foi l'existence? Si je le puis, que manque-t-il à mon intelligence? N'imposerai-je pas silence à mes passions, à mes distractions quand il me plaira ? Que me manque-t-il donc pour arriver à la perfection qu'il est donné à l'homme d'atteindre? Je vaincrai ma paresse, et je m'instruirai des faits; je les combinerai dans le calme de la raison : l'homme ne saurait faire plus. Je m'élèverai au-dessus des autres hommes, non pas par l'intelligence, mais par mon courage et ma patience; et, si j'ai surtout le bonheur de me distinguer par de bonnes actions, je n'en serai point fier; mais je serai heureux et content, quelque petite que soit la part que j'aie acquise d'un patrimoine qui appartient en commun à mon espèce : nous y avons tous un droit égal ; mais ce patrimoine ne produit rien sans culture. Si donc je travaille à atteindre ce but lequel je suis né, je verrai qu'il est encore plus rare de bien faire que de bien dire; que je puis obtenir l'un et l'autre avantage; et, comme cette

pour

persuasion me vient de la connaissance de ma propre nature, je regarde ce mot, axiôme des anciens, comme le fondement de l'Enseignement universel: Connais-toi toi-même.

Sixième Exercice.

Le maître donne pour sujet de composition, par exemple: « Qu'est-ce que la valeur et le courage? ou bien : Qu'est-ce que la modestie, la défiance? »

L'élève écrit, donne sa copie avant de sortir, et lit le lendemain sur son cahier ;

<< La valeur est le courage mis en action, etc.; » « La modestie est une sorte de retenue dans le maintien, les paroles et les actions, etc.; »

« La défiance donne un corps à l'ombre, une intention au hasard, etc. »

Le maître : Où avez-vous vu que la valeur est le courage mis en action?

L'élève :

Cette réflexion m'est venue sur les

passages suivans: Long-temps sa valeur le soutint contre la multitude. Phalante avait un frère

-

nommé Hippias, célèbre dans toute l'armée par sa valeur.

« PreviousContinue »