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Sixième Leçon.

QUAND l'élève sait par coeur jusqu'à Calypso étonnée, on ne s'occupe plus de la lecture.

Il continue à apprendre par coeur, et il écrit alternativement sur l'exemple et de mémoire.

L'élève sait déjà lire suffisamment pour déchiffrer et comprendre les livres en rapportant ce qu'il ignore à ce qu'il a appris. Je suppose qu'un enfant sache les mots hiatus, noctescit, undarum, aquis, et qu'il vous demande ce que signifie dehiscentibus undis : vous verrez à l'instant que c'est la question vague et indéterminée d'un esprit paresseux. Montrez-lui les syllabes de, hi, sc, ent, i, bus, und, is, et demandez-lui à votre tour, quelle est celle qu'il ne connaît pas. Il sera fort embarrassé de la question: aidez-le s'il le faut; mais moquez-vous de lui.

Ayez soin surtout de revenir à votre explication, afin de vous assurer qu'il ne l'oubliera pas : il faut que chaque conquête soit une acquisition durable; autrement nous suivons la vieille méthode qui dure sept ans.

DE L'ÉTUDE DE LA LANGUE.

Septième Leçon.

L'ÉLÈVE qui entend sans cesse répéter le premier livre par ceux qui le savent, le sait bientôt lui-même.

On vérifie s'il sait l'orthographe de tous les

mots.

Déjà l'élève commence à apprendre un livre par coeur. Tous les jours, à des heures déterminées, on doit faire la répétition entière; il ne faut pas partager sans une absolue nécessité. Par exemple, il est impossible de réciter tous les jours les six premiers livres de Télémaque; mais il est nécessaire de faire cette répétition deux fois par semaine, comme c'est l'usage

dans les établissemens d'Enseignement universel.

Je l'ai déjà dit, et je le répète, voilà notre méthode: sachez un livre, et rapportez-y tous les autres. La suite même des exercices que je propose peut être variée à l'infini; mais je vous conseille de vous y conformer, jusqu'à ce que vos expériences justifient peu à peu celles que j'ai faites. Ne cédez pas trop légèrement au désir de composer une théorie. Quand on connaît les faits, ne peut-on pas se contenter d'un résultat tellement extraordinaire, qu'il est incompréhensible pour beaucoup de savans distingués par leur zèle pour l'instruction de la jeunesse? Cependant voilà le secret: sachez un livre. Tous les développemens que j'ajoute à cela, fussentils faux, absurdes même, comme l'ont écrit poliment quelques antagonistes de ma méthode, resterait le fait. S'il existe, il s'ensuivra que ces messieurs, si tranchans, ne savent pas tout; s'il n'existe pas, toute discussion est du temps perdu. Il y a deux choses à distinguer dans ce que je dis: la marche que je trace, dont je réponds, et mes opinions dont je ne réponds pas. Quand j'avance, par exemple, que la rhétorique et la raison n'ont rien de commun, on m'oppose ce

que Socrate disait à Gorgias. Je connaissais Gorgias et Socrate; je connais aussi Aristote, et je me suis déterminé pour l'opinion d'Aristote, qui est la mienne. Si je n'étais pas décidé à éviter les combats singuliers, je soutiendrais mon avis comme un autre; mais je ne croirais pas raisonner en faisant des citations d'auteurs; ils se sont tous disputés de leur temps; leurs livres sont des arsenaux où l'on peut s'armer de pied en cap de part et d'autre. D'ailleurs, je me suppose vaincu dans cette lutte; quel rapport ma défaite aura-t-elle avec la vérité? S'ensuivrait-il qu'il faut étudier plusieurs livres? Voilà la question qu'il faut décider, non par des raisonnemens, mais par des faits. Tel, qui cite Socrate, le regarde-t-il comme infaillible? admet-il avec lui la métempsycose? Socrate n'aurait-il donc raison que lorsqu'il est de l'avis du citateur? Je le crois; et c'est ainsi que nous sommes tous faits. Quand on n'a rien lu, la démangeaison de citer en appelle à l'opinion des savans en général. Or, les savans veulent que leurs élèves lisent beaucoup de livres pendant sept ans : je recom→ mande aux miens de n'en lire qu'un pendant un an, et d'y rapporter tous les autres. J'ai entendu encore proposer gravement de renvoyer

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