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L'ambition dans l'oifiveté, la baf- LIVRE M. feffe dans l'orgueil, le defir de s'en- Chap. V. richir fans travail, l'averfion pour la Vérité, la flaterie, la trahison, la perfidie, l'abandon de tous fes engagemens, le mépris des devoirs du citoyen, la crainte de la vertu du Prin

l'efpérance de fes foibleffes, & plus que tout cela, le ridicule perpétuel jetté fur la vertu, font, je crois, le caractére de la plupart des Courtifans marqué dans tous les lieux & dans tous les temps. Or il eft très-mal-aifé que les Principaux d'un Etat foient malhonnêtes-gens, & que les inférieurs foient gens-de-bien, que ceuxlà foient trompeurs & que ceux-ci confentent à n'être que dupes.

Que fi dans le peuple il fe trouve quelque malheureux honnête - hom-me, le Cardinal de Richelieu dans fon Teftament politique † infinue qu'un Monarque doit fe garder de s'en fervir tt. Tant-il eft vrai que la vertu n'eft pas le reffort de ce Gouvernement!

* Entendez ceci dans le fens de la note précédente. † Ce Livre a été fait fous les yeux & fur les Mémoires du Cardinal de Richelieu par Mrs. de Bourfeis & de.. qui lui étoient attachés.

tt Il ne faut pas, y est-il dit, fe fervir de gens de bas lieu; ils font trop austeres & trop difficiles.

Tome I.

C

LIVRE III.
Chip. VI.

CHAPITRE VI.

Comment on fupplée à la Vertu dans le
Gouvernement Monarchique.

JE me hâte & je marche à grands

pas, afin qu'on ne croye pas que

je faffe une fatire du Gouvernement Monarchique. Non, s'il manque d'un reffort, il en a un autre. L'honneur, c'eft-à-dire, le préjugé de chaque perfonne & de chaque condition, prend la place de la Vertu, & la repréfente par-tout; il y peut infpirer les plus belles actions: il peut, joint à la force des Loix, conduire au but du Gouvernement comme la vertu même.

Ainfi dans les Monarchies bien réglées, tout le monde sera à-peu-près bon citoyen, & on trouvera rarement quelqu'un qui foit homme-de(a) Voy. bien; car pour être homme-de-bien la Note de il faut avoir intention de l'être (a). la pag. 48,

LIVRE III.

Chap. VII.

CHAPITRE VII.

Du Principe de la Monarchie.

Lfu

E Gouvernement Monarchique fuppofe, comme nous avons dit, des prééminences, des rangs & même une nobleffe d'origine. La nature de l'honneur eft de demander des préférences & des distinctions; il est donc, par la chofe même, placé dans ce Gouvernement.

L'Ambition eft pernicieufe dans une République. Elle a de bons effets dans la Monarchie; elle donne la vie à ce Gouvernement; & on y a cet avantage, qu'elle n'y eft pas dangereufe, parce qu'elle y peut être fansceffe réprimée.

Vous diriez qu'il en eft comme du Systême de l'Univers, où il y a une force qui éloigne fans-ceffe du centre tous les Corps, & une force de pefanteur qui les y ramene. L'honneur fait mouvoir toutes les parties du Corps politique; il les lie par fon action même, & il fe trouve que chacun va au Bien commun, croyant aller à fes intérêts particuliers.

LIVREIII.

Il eft vrai que, philofophiquement Chap. VIII. parlant, c'eft un honneur faux qui conduit toutes les parties de l'Etat ; mais cet honneur faux eft auffi utile au public que le vrai le feroit aux particuliers qui pourroient l'avoir.

Et n'eft-ce pas beaucoup, d'obliger les hommes à faire toutes les actions difficiles, & qui demandent de la force, fans autre récompenfe que le bruit de ces actions?

GHAPITRE VIII.

Que l'honneur n'est point le Principe des
Etats Defpotiques.

C

E n'eft point l'Honneur qui eft le principe des Etats Defpotiques; les hommes y étant tous égaux, on n'y peut fe préférer aux autres; les hommes y étant tous efclaves, on n'y peut fe préférer à rien.

De plus, comme l'honneur a fes loix & fes régles, & qu'il ne fçauroit plier, qu'il dépend bien de fon propre caprice & non pas de celui d'un autre; il ne peut dans fe trouver que des Etas où la Conftitution eft fixe, & qui ont des Loix certaines.

Comment feroit-il fouffert chez le LIVRE III. Defpote? Il fait gloire de méprifer la Chip. IX. vie, & le Defpote n'a de force que parce qu'il peut l'ôter. Comment pourroit-il fouffrir le Defpote? Il a des régles fuivies, & des caprices foutenus; le Defpote n'a aucune régle & fes caprices détruifent tous les

autres.

(a) Voyez

L'honneur inconnu aux Etats Defpotiques, où fouvent même on n'a pas de mot pour l'exprimer (a), régne dans les Monarchies; il y don- Perry,p.447. ne la vie à tout le Corps Politique aux Loix & aux Vertus même.

CHAPITRE IX.

Du Principe du Gouvernement Defpotique.

Omme il faut de la vertu dans

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une République & dans une Monarchie de l'honneur, il faut de la crainte dans un Gouvernement Defpotique pour la vertu, elle n'y est point néceffaire, & l'honneur y feroit dangereux.

Le pouvoir immenfe du Prince y paffe tout entier à ceux à qui il le

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