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thode, qui, quelque détournés qu'ils soient, émanent néanmoins toujours d'une révélation, que chacun juge ce qui lui est proposé, soit que cette proposition émane de la doctrine sociale dont il a reçu les principes en naissant, soit qu'elle émane de quelque autre doctrine. C'est pourquoi, lorsque la proposition dont il s'agit est conforme au principe social dont on a reçu conscience par l'enseignement primordial, il arrive que la masse des hommes est le meilleur juge de la conformité de la proposition au principe social. C'est pourquoi aussi les hommes de civilisations différentes peuvent communiquer entre eux, et se convertir les uns les autres ; car par ce seul fait que les révélations diverses dont ils sont les enfans, ont quelque chose de commun, il arrive que tous les hommes ont toujours quelques principes communs propres à servir de point de départ, de méthode et de critérium.

Du Christianisme.

Selon la logique du système nouveau que nous avons cherché à mettre en lumière, ce traité d'ontologie serait imparfait si nous ne mentionnions, comme conclusion définitive et comme couronnement de l'œuvre, la doctrine révélée, qui est l'origine de tous les principes de méthodologie, d'idéologie et d'ontologie même, qui

forment le sujet de notre ouvrage. Nous devons, ce nous semble, invoquer en terminant le nom de la religion sainte qui est la raison et le lien de notre travail. Si nous nous conformions aux traditions de l'ancienne philosophie, nous devrions nous abstenir d'un pareil soin; bien plus, il serait irrationnel de nous en occuper. Mais cette philosophie avait des prétentions que nous n'avons plus et dont nous espérons avoir démontré la fausseté. Elle croyait que le sujet dont elle s'occupait, logique, ontologie, éthique, était de sa nature invariable; elle croyait qu'elle pouvait fonder une science en quelque sorte absolue, ayant des principes fixes et immuables comme la nature humaine qu'elle avait imaginée ; et elle s'attribuait d'être invariable comme l'objet même de ses études. Notre opinion n'est pas la même: selon nous, la philosophie est progressive comme toute œuvre humaine; cette science n'est rien de plus, mais aussi rien de moins qu'une méthode générale destinée à guider l'activité des hommes, et elle change selon le but proposé à cette activité; car la méthode est un moyen créé en vue du but. Or, ce but nous étant par la révélation, c'est aussi la révélation qui nous inspire la méthode; et, par suite, un travail philosophique resterait imparfait, s'il n'était complété par l'enseignement du but qui y préside. Ce sont ces réflexions qui nous ont

donné

déterminé à finir notre ontologie par ce para

graphe.

On ne possède point le secret de la philosophie ancienne, si on n'en connaît point l'origine religieuse. Nous avons montré qu'elle avait été instituée au point de vue d'une doctrine d'expiation individuelle, émanée d'une théorie de la chute qui règne encore dans les Indes. Nous avons vu qué réalisant, comme entités ontologiques, le principe qu'il y avait divers degrés de déchéance, elle justifiait des différences originelles entre les hommes. Nous avons vu qu'elle faisait dominer le point de vue individuel à un tel degré qu'elle réglait tout, même le système et la théorie des choses sociales, par ce qui est le pro

pre

de la vie individuelle, etc. Si l'on eût possédé le secret religieux de cette philosophie, on l'eût abandonné aussitôt qu'on accepta un enseignement religieux nouveau; et cette philosophie ne se serait pas conservée jusqu'à nous, changeant quelquefois de nom, mais jamais de but, restant par suite constamment immobilisatrice, et opprimant autant que possible les tendances chrétiennes.

Cette méthode, propre à une société constituée du point de vue de la chute et de l'expiation individuelle, devait disparaître le jour où la doctrine de la rédemption, où le commandement et la loi d'une progression nouvelle, où le christianisme

enfin fut donné au monde, et vint proposer aux hommes l'accomplissement définitif de l'unité humaine par le dévouement.

Le christianisme est la dernière révélation de Dieu aux hommes ; c'est à lui qu'est réservé désormais le gouvernement du monde. On ne peut douter de ses destinées à cet égard, même en ne tenant aucun compte des enseignemens qu'il contient sur ce sujet et qui suffisent à ceux qui sont assez heureux pour y avoir attaché toutes leurs espérances. La science seule suffit pour en donner l'assurance. En effet, le christianisme est lié aux autres révélations par la raison d'une progression certaine. Il n'est pas seulement le plus moderne des enseignemens divins selon l'ordre des dates historiques, il est en outre le plus avancé selon la loi sérielle. Ce dernier fait est tellement aisé à démontrer que nous nous dispenserons de toute citation, laissant à la bienveillance de nos lecteurs le soin de ce facile travail. D'ailleurs toutes les preuves se résument en ces quelques mots : le christianisme finit le règne de la loi d'expiation, et il ouvre celui de la loi de rédemption.

Le christianisme doit, dans la loi du progrès, être étudié d'une manière spéciale, sous le point de vue scientifique, comme le plus complet et le plus parfait modèle de révélation, dont la mémoire nous ait été conservée; car c'est, parmi les.

enseignemens divins, le seul que la tradition nous ait intégralement transmis; aujourd'hui nous n'avons rien oublié de ce qu'en avaient pu porter les Apôtres eux-mêmes. C'est donc là qu'il faut aller vérifier ce que nous avons dit plus haut des caractères qui distinguent une révélation de toute invention humaine; c'est là qu'il faut aller apprendre comment une révélation engendre des buts sociaux qui, bien que multipliés et divers, tendent cependant à une fin commune; comment enfin une révélation produit une fécondité immense qui change les sentimens des hommes, leurs langues et jusqu'à leur chair, qui crée un but nouveau et une science nouvelle, et enrichit jusqu'à la vie individuelle elle-même. Le christianisme fut aussi imprévu dans son apparition, et aussi inattendu qu'opposé aux doctrines, aux mœurs et aux usages reçus; et cependant il ne niait pas la loi antique, mais l'accomplissait. Depuis des siècles, le monde social, la religion, la philosophie, la science tournaient dans un cercle toujours le même, sans prévoir qu'on pût en sortir, assurant même que telle était l'éternelle vérité des choses. Le christianisme rompit ce cercle où les destinées humaines semblaient arrêtées à jamais, et il en fit sortir un monde nouveau. L'immensité de ses œuvres est telle qu'il suffit de jeter un coup d'œil sur l'histoire pour en être étonné.

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