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Ensuite, le roi lui-même renouvela solennellement sa promesse de constance et de foi conjugale; posant sa main sur une châsse qui contenait des reliques, il jura de ne jamais répudier la fille du roi des Goths, et tant qu'elle vivrait de ne prendre aucune autre femme.

Galeswinthe se fit remarquer, durant les fêtes de son mariage, par la bonté gracieuse qu'elle témoignait aux convives; elle les accueillit comme si elle les eût déjà connus: aux uns elle offrait des présents, aux autres elle adressait des paroles douces et bienveillantes; tous l'assuraient de leur dévouement et lui souhaitaient une longue et heureuse vie.

(Récits des temps mérovingiens.)

SALVANDY.

(1795.)

M. Narcisse-Achille DE SALVANDY, romancier, historien et diplo

mate ,

est né à Condom, en Gascogne. Il entra jeune au service, et devint officier dans les campagnes de 1813 et de 1814. La guerre ter minée, il prit la plume, et écrivit contre l'invasion étrangère des pamphlets patriotiques qui firent du bruit. Plus tard, M. de Salvandy a publié Alonzo ou l'Espagne, peinture fidèle de l'Espagne contempo. raine, qui serait un beau roman historique s'il y avait moins de complication dans les aventures et d'emphase espagnole dans le style; et une Histoire de Pologne, avant et sous Jean Sobieski, écrite avec plus de mesure et de simplicité.

M. de Salvandy est un écrivain brillant, chaleureux et coloré; la générosité de ses sentiments donne je ne sais quel air noble et chevaleresque à tout ce qui sort de sa plume; mais il manque parfois de précision et de pureté, et sa chaleur dégénère en emportement,

Le mariage de Jean Sobieski 1.

Il était dans les vieux usages de la nation que tout mariage durât trois jours, et la gravité des circonstances ne pouvait faire fléchir devant son empire une institution féconde en plaisirs. Un matin donc, avant le lever du soleil, le grand maréchal se rendit au palais en personne, précédé de cosaques et d'heiduques de sa garde qui agitaient des torches; suivi de quelques milliers de gentilshommes, ses domestiques ou ses clients, tous couverts de livrées éclatantes et de riches armures; lui-même resplendissant de diamants et d'or; son cheval pliant sous le poids des armes de luxe, ferré d'argent et caparaçonné d'un tissu de perles fines, d'émeraudes et de saphirs. La reine mena les deux époux dans sa chapelle, et fit célébrer sous ses yeux, par le nonce du saintsiége, Odescalchi, cette union que d'étranges événements suivirent. Peu après, la princesse qui l'avait formée ne vivait plus; le prêtre qui la consacra était pape sous le nom d'Innocent XII; Sobieski était roi, et Marie d'Arquien ceignait la couronne de sa bienfaitrice.

Sur le seuil de la chapelle, l'heureux couple rencontra la foule des religieux, des prosateurs, des poëtes parasites qui venaient entretenir, en harangues latines, le grand maréchal et sa compagne des mérites sans nombre de tous deux. Quatre semaines auparavant, les mêmes

Sobieski, grand maréchal de Pologne, épousa, en 1667, MarieCasimire d'Arquien, veuve de Zamoyski, palatin de Sandomir.

voix et les mêmes discours auraient consacré les louanges du brave Zamoyski. Ces épithalames occupèrent le jour tout entier. A quatre heures du soir, le banquet royal fut servi; à une heure du matin il durait encore. Le roi, Louise de Gonzague, l'évêque de Béziers, Bonzi, ambassadeur de France, le nonce du pape, l'archevêque de Gnesen, et les deux époux dans leurs atours magnifiques, s'étaient assis à une table dressée sur le trône même. Deux autres tables immenses réunissaient, l'une toutes les dames et jeunes filles de rang illustre, l'autre les sénateurs et les grands de la république. Les parents des mariés, sous le nom de gospodars et gospodines, ou maîtres et maîtresses de la maison, remplissaient la tâche de faire boire l'assemblée. Les seigneurs se pressaient autour de la table royale, portant à genoux la santé de Leurs Majestés sacrées, qui étaient tenues de faire honneur à ces appels d'un zèle infatigable. Quatre tonneaux de vin de Hongrie coulèrent; on ne compta pas les pièces de bière abandonnées dans les salles voisines aux gentilshommes de la suite et aux valets. Enfin, un tapis de drap rouge tendu dans la salle du festin la place des tables, qui disparurent, annonça le bal destiné, suivant l'usage, à terminer cette première journée. Le bruit des fètes étourdissait ainsi la cour sur ses dangers. La guerre étrangère et civile grondait alors aux portes de Varsovie.

La matinée du lendemain fut consacrée à la réception des présents. Madame Sobieska, qui n'avait pas encore quitté le palais, se montra, éclatante de parure et de beauté, sur le trône même de Louise de Gonzague,

dont elle semblait, avec son air de satisfaction pensive, faire un premier essai. Le chancelier de la reine était à ses côtés. Matthieu Mattheinski lut tout haut la liste des seigneurs réunis la veille au banquet royal; et à mesure qu'il appelait les convives, des envoyés se présentaient, en leur nom, pour mettre aux pieds de la mariée le cadeau de noce qu'ils lui destinaient. La vanité, plus que l'affection, établissait une émulation de largesses entre tous les grands de la cour; et le chancelier de la reine, qui répondait pour madame Sobieska aux compliments des messagers chargés de ces offrandes, fit l'admiration générale par son habileté à trouver, du matin au soir, des formules et des louanges nouvelles.

Enfin le troisième jour se leva. Le roi et la reine conduisirent en nombreuse cavalcade la grande maréchale à son époux. Il traita magnifiquement la cour. Les tables étaient chargées de surtouts d'or. Les longues franges destinées à remplacer les serviettes, et clouées suivant l'usage de peur qu'on ne les volât, étaient garnies de dentelles. On faisait monter à quelque cent mille livres le prix du banquet; ce n'étaient que quartiers de chevreuil, élans tout entiers, pieds d'ours, queues de castor, et autres mets dispendieux et délicats. Des flots de vin de France les arrosèrent. L'assemblée mangeait peu, mais buvait beaucoup. La pipe polonaise, dont les autres nations enviaient encore le secret, épaississait par des flots de fumée les nuages qui troublaient déjà tous les yeux. Les danses joyeuses ou les querelles ne tardèrent pas à couvrir le bruit de tous les instruments; les musiciens, descendant de l'orchestre, vinrent prendre leur

part de l'ivresse commune. Des légions de valets firent en même temps invasion pour se saisir des débris du festin. Dans leurs combats, tous les cristaux furent mis en pièces. Les riches couverts apportés par les convives disparurent aussi, mais sans être brisés; la plupart des sénateurs et des évêques n'étaient pas en état, plus que leurs laquais, de reconnaître leur argenterie et de la défendre. Les filles, les femmes des palatins ne pouvaient plus prendre ce soin au milieu d'un désordre toujours croissant; tout ce qui se tenait debout avait les armes à la main. Les coups de sabre étaient échangés aussi souvent que les toasts. Ce n'était plus qu'une orgie sanglante et une affreuse mêlée. A la faveur du tumulte, les époux s'évadèrent. (Histoire de Jean Sobieski.)

JOUFFROY.

(1796-1842.)

Simon-Théodore JOUFFROY, un des philosophes les plus distingués de l'école éclectique, naquit au village des Pontêts, près de Mouthe, dans le département du Doubs. Au sortir de l'École normale il fut nommé professeur suppléant de philosophie au collége Bourbon. Il devint ensuite professeur suppléant de l'histoire de la philosophie, et enfin professeur titulaire de philosophie, à la Faculté des lettres. Il fut en outre membre de l'Institut, du Conseil de l'instruction publique et de la Chambre des députés.

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