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une puissante impulsion à leurs travaux, c'est l'espèce de fraternité qui s'est établie entre les délégués de tous les pays civilisés. Le gouvernement de la Belgique, en 1853, eut l'heureuse idée de demander aux différents États de réunir leurs statisticiens officiels pour chercher à introduire plus d'ordre et d'unité dans les travaux respectifs de chaque pays. Tous les États civilisés sentirent le but utile d'une pareille association, et dès lors se formèrent les congrès statistiques qui se sont successivement réunis à Bruxelles, à Paris, à Vienne, à Londres, à Berlin ('). Bientôt, il faut l'espérer, l'on ira plus loin, et l'on devra aux bienfaits de cette association une uniformité de rédaction entre les travaux officiels de tous les pays éclairés, qui permettra de les comparer immédiatement les uns aux autres et de les juger d'une manière plus sûre. La discussion entre les personnes instruites des différents États donnera le moyen de choisir les méthodes les plus rigoureuses, et l'on sentira le besoin de les rendre uniformes, pour pouvoir les comparer immédiatement et pour réunir, sous un format régulier et dans quelques volumes, les résultats statistiques les plus géné

raux.

Cette idée a été adoptée au congrès de Londres, chez le peuple qui apprécie le mieux peut-être l'économie du temps et la simplicité des administrations. Un plan y fut admis pour l'adoption de mesures communes à tous les pays et pour rendre les documents immédiatement comparables. Tous les États de l'Europe et l'Amérique du Nord apprécièrent l'avantage d'un pareil travail; tous s'obligèrent à donner des documents comparables, et tous surent exécuter rigoureusement leurs promesses. Le premier essai a donc été fait relativement à la population: l'expérience prouvera, dans les

(') Voyez plus haut, page 25.

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séances du congrès qui suivront, si ce premier essai, sans doute défectueux encore, peut engager à persister dans la voie où l'association a cru devoir essayer le premier pas (').

Lors du premier congrès qui fut tenu à Bruxelles, les statisticiens s'étaient d'abord joints aux économistes pour traiter ensemble les problèmes de l'ordre social qui semblaient leur appartenir en commun; mais il fut facile de remarquer, dès la première réunion et malgré le désir de plusieurs savants, que ces deux sciences n'étaient pas encore assez avancées pour pouvoir se prèter un mutuel appui. La séparation eut lieu, en effet, sans froissement : l'union statistique, formée par les gouvernements, continua librement ses travaux dans une voie plus resserrée que l'économie politique et en demandant à l'observation tous les résultats dont elle pouvait disposer.

L'économie politique, plus hardie, et voyant les choses sous un point de vue plus élevé, mais peut-être moins sûr, entreprit de faire route séparément. Elle s'éloigna des gouvernements, dont la statistique, au contraire, sentait le besoin de se rapprocher, pour y trouver l'objet de ses études. Il se forma dès lors un congrès spécial, celui des sciences sociales (1861), dont les premières réunions eurent lieu successivement à Bruxelles, à Gand, à Amsterdam et en Suisse. Ce congrès, comme celui de statistique, publie le recueil de ses discussions après chaque session; mais l'espace d'une session à l'autre ne se trouve pas rempli par les assemblées des commissions spéciales de chaque pays. On conçoit, du reste, l'intérêt que doivent inspirer de pareilles assemblées et l'avantage qu'elles présentent pour la science. Il est à

(') Le volume a paru sous le titre Statistique internationale (population) publiée avec la collaboration des statisticiens officiels de différents États de l'Europe et des États-Unis de l'Amérique, par A. Quetelet, président, et Xav. Heuschling, secrétaire de la Commission centrale de statistique de Belgique. Bruxelles, in-4o, chez Hayez. 1 vol. in-4o; 1865.

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désirer que des sociétés semblables s'établissent dans les différents pays et que, pour arriver à la vérité, elles puissent mettre en œuvre les propositions que la raison et l'expérience leur indiquent, en attendant qu'elles aient fait assez de progrès pour sentir leur véritable force et pouvoir se prêter des secours mutuels.

Ces deux sciences, à la suite de leurs séances générales, ont publié des comptes rendus détaillés sur les objets qui y avaient été traités et sur ce qui tenait à leur formation. Elles ont produit plusieurs ouvrages remarquables, et elles donnent de nouvelles preuves qu'elles entrent sans peine dans les habitudes d'ordre et d'industrie qui les concernent plus spécialement. Elles ont trouvé néanmoins de la peine à s'ouvrir un passage avant qu'on pût bien en comprendre le but et l'utilité. On citait, chez nous, depuis plus d'un siècle, il est vrai, quelques recensements partiels et des essais plus ou moins heureux pour constater les naissances, les mariages et les décès. C'était le clergé qui était spécialement chargé, comme dans la plupart des autres pays, de faire les relevés dans les provinces; mais la marche sévère de ces sciences restait à faire; et les premiers succès qui ont été obtenus prouvent assez que l'on apprécie leurs services et qu'on tiendra compte de leurs efforts heureux.

Les beaux-arts, à leur tour, eurent, en 1863, un congrès solennel à Anvers. Cette assemblée, espèce d'hommage rendu aux arts et à ceux qui les cultivent avec succès, ne paraissait pas avoir eu d'autre but spécial, en la considérant sous le point de vue des lettres. On y parla, il est vrai, des grandes questions qui se rattachent à son domaine, plutôt pour en éclairer quelques points que pour déterminer les mérites des différentes écoles, ou pour indiquer la marche qu'il convient de suivre, en ayant égard à la nature et aux usages des différents pays.

Si nous n'étions forcé de nous renfermer dans les limites que fixent les sciences physiques et mathématiques, nous pourrions, outre les trésors des beaux-arts, faire valoir les bienfaits que les lettres doivent à l'ancienne Belgique, et citer particulièrement les écrivains distingués qui font revivre les souvenirs glorieux de leurs pères. Nous mentionnerons cependant les moyens, donnés aux sciences comme aux lettres et aux arts, de marcher avec plus de facilité et de grandeur. Plusieurs édifices scientifiques qui manquaient à la Belgique avaient été créés pendant les dernières années du règne précédent : ainsi, pour ne citer que les établissements de Bruxelles, nous compterons, en premier lieu, l'Académie royale de Belgique et sa Commission spéciale pour l'histoire du pays; le Jardin botanique de Bruxelles; l'Observatoire royal, placé dès sa naissance au nombre des principaux établissements semblables de l'Europe; le Musée royal d'histoire naturelle, le Musée d'armures et d'antiquités du pays, ainsi que le Musée d'industrie. Il en est de même des collections anatomiques et des magnifiques hòpitaux qui rappellent notre illustre Vésale; le long des boulevards de la capitale, où se trouve la statue de ce grand anatomiste, se sont formés depuis l'un des plus grands hospices du pays et, en face, le magnifique Jardin Botanique de la même ville. De pareils établissements se sont élevés dans le reste du pays, qui jouit maintenant du nombre d'institutions scientifiques le plus considérable que puisse montrer peut-être aucun autre pays dans un espace aussi limité.

Après la révolution de 1830 se forma, au moyen de l'ancienne bibliothèque des ducs de Bourgogne, ainsi que de la Bibliothèque de Bruxelles et de la riche réunion des livres de Van Hulthem, une bibliothèque nationale, qu'on peut placer aujourd'hui, pour ses richesses littéraires, à côté des plus belles collections modernes. On y trouve parmi ses ma

nuscrits, une quantité de livres de la valeur la plus grande : nous nous bornerons à mentionner, pour la science, les précieux manuscrits de Grégoire de Saint-Vincent. Nous devons citer aussi le magnifique Jardin Zoologique avec ses collections, dont les fètes sont recherchées avec empressement par la population toujours croissante et par les étrangers nombreux qui affluent dans la capitale. Les arts ne se reproduisent pas avec moins de magnificence: sous un maitre habile, la musique a repris l'ancien rang qu'occupait l'école belge, et il en est de mème de la peinture. On voit ces deux arts se replacer au premier rang où ils avaient toujours brillé autrefois.

Nous citerons encore, parmi les institutions consacrées aux sciences, aux lettres et aux arts, l'établissement géographique de Vandermaelen, et la nouvelle université de Bruxelles, dont les bâtiments et les collections n'auront plus aujourd'hui à le céder ni aux établissements de l'État, ni à celui de Louvain ('). Certaines collections de la capitale, il est vrai, auront toujours, par leur but spécial, une importance moins grande ainsi les collections géologiques, les appareils des usines et tout ce qui concerne l'exploitation du sol et les établissements métallurgiques présenteront plus d'importance et plus de richesse dans les provinces de Liége, de Hainaut et de Namur, qui peuvent lutter pour la magnificence avec les établissements industriels les plus beaux de l'Angleterre; les superbes musées

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(*) Nous avons fait connaître, dans l'Histoire des sciences mathématiques et physiques chez les Belges, page 364, qu'en 1827, le gouvernement des Pays Bas, animé du désir de voir se répandre le goût des sciences, avait organisé des cours publics au Musée de Bruxelles; ces cours furent suspendus à l'époque de la révolution de 1830, et furent remplacés plus tard par l'Université de Bruxelles. Nous saisissons cette occasion pour réparer une erreur qui s'est glissée au sujet du savant professeur Baron, dont le nom a été omis dans la liste des professeurs du Musée, insérée à la page 364 de l'Histoire des sciences mathématiques, et qui a été, plus tard, l'un des fondateurs de la nouvelle Université libre.

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