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a pu, dès sa naissance, produire quelques fruits utiles, c'est à lui qu'il faut en savoir gré. C'est lui qui en a conçu la pensée, et cette pensée l'occupait encore à ses derniers instants. Peu de jours avant sa mort, il me donna son portrait au bas duquel il avait écrit ces mots : «< Témoignage d'une amitié plus ancienne que l'observatoire.... Je devrais ajouter, et surtout plus solide que l'observatoire, » dit-il en souriant et en faisant allusion à l'état de délabrement dans lequel la ville avait laissé tomber le bâtiment.

Ce fut pour lui une véritable privation, lorsque, dans les derniers temps de sa maladie, ses souffrances ne lui permirent plus d'assister à nos séances académiques. Le désir de savoir et d'apprendre ne l'a jamais quitté, pas même dans les instants de sa vie où il semblait le plus chargé de travaux. Il se tenait au courant de tous les genres de progrès, se faisait rendre compte des découvertes scientifiques et cherchait à en mesurer la portée.

Il était trop observateur pour ne pas sentir les approches de sa fin, et il avait l'esprit trop élevé, trop ferme pour craindre ce dernier instant. Cependant, quel que fùt son stoïcisme, la vie n'était pas un bien qu'il dut quitter sans regrets. Sa séparation d'une épouse qui avait répandu tant de charme sur son existence, et de tant d'amis dévoués, pouvait ébranler cette âme si noble et si bienveillante. Aussi ses nuits, me disait-il, étaient-elles agitées par des pensées tristes; mais il avait devant lui, pour se consoler, le tableau d'une vie pure et sans tache; et, prêt à franchir le seuil de l'éternité, il pouvait avec orgueil jeter un dernier regard sur cette série non interrompue de belles actions qui ont marqué son passage sur cette terre.

Falck s'éteignit le 16 mars 1843, à l'âge de soixante-six ans. Son corps fut transporté à Utrecht, pour être déposé dans le caveau de sa famille. La translation se fit avec une

solennité qui montrait assez que la Belgique, en honorant le représentant d'une nation amie, voulait témoigner en mème temps sa reconnaissance à l'homme d'État qui lui appartenait en quelque sorte par tout le bien qu'il lui avait fait. Certes, dans sa patrie, notre illustre confrère n'a l'objet de plus touchants regrets, ni d'une douleur plus

universelle.

pu être

Falck est en quelque sorte la personnification de toute une grande époque de l'histoire de Hollande. Après avoir le plus contribué à l'affranchissement de son pays, il sut faire adopter le plan de réunion des deux peuples belge et hollandais; dès lors toutes ses actions, toute sa prudence, toute son énergie furent employées à soutenir cet édifice encore frèle et constamment ébranlé par des maladresses, jusqu'au jour où il fut bouleversé de fond en comble, quand la main qui formait son plus ferme appui n'y était plus; et ce qu'il y a de remarquable, c'est que Falck fut appelé à présider aux arrangements qui suivirent cette grande catastrophe. Il rendit encore ce dernier service à sa patrie et parut n'attendre, pour descendre au tombeau, que la signature du dernier acte qui signale cette période remarquable (').

Les services que Falck a rendus peuvent être sentis, mais non appréciés dans toute leur étendue : cette tâche est réservée à la postérité. Les contemporains sont trop près des événements; ils en connaissent trop peu les ressorts

(') « Quand le traité du 5 novembre 1842 fut conclu, il exprima vivement son désir de le voir accepter par les chambres législatives. Il écrivit à ses amis en Hollande Puissent vos amis et les miens s'en tenir, dans cette circonstance, au » fortiter occupa portum! Moi, du moins, je ne veux plus me rembarquer sur » l'océan, où nous avons été ballottés déjà depuis tant d'années, et si cela arrive >> malheureusement: O! navis, referent in mare te novi fluctus, assignez-moi » d'avance le rôle de passager. Aussi bien, je suis trop vieux et trop faible pour les voyages à l'aventure. Qu'on se le dise, adieu. » (Traduit du recueil Het Instituut, page 70.)

secrets pour ètre des juges tout à fait compétents. Les hommes d'État sont un peu comme les médailles : ils ne

sont estimés et appréciés qu'après avoir passé quelques siècles.sous terre.

D.-J. VAN EWYCK VAN OOSBROEK EN DE BILT (1).

Je n'ai point à juger ici les événements qui amenèrent la séparation politique de nos provinces d'avec celles de la Hollande; je n'ai à m'occuper que de nos relations scientifiques et littéraires et, sous ce rapport, il ne peut exister de dissentiment ni d'antagonisme. J'ai cherché à rappeler précédemment tout ce que nous devons à la bienveillance de Falck et aux vues éclairés de cet homme d'État je chercherai à rappeler aussi les soins avec lesquels Van Ewyck continua à réaliser ses projets, quand ce ministre éclairé quitta la Belgique pour passer à la cour de Londres.

Van Ewyck avait fait de brillantes études à Utrecht, sa ville natale; il y avait acquis successivement, en 1809 et en 1810, le titre de artium liberalium magister et philosophiæ doctor, et, de plus, le titre de docteur en droit. Il n'avait que vingt-trois ans, mais cette précocité, qui n'est pas toujours un indice de supériorité, s'alliait chez lui à une grande rectitude de jugement et à une instruction aussi solide que variée. Les différents opuscules publiés avant son

(') Né à Utrecht, le 13 novembre 1786; il y est mort, le 15 décembre 1858.

entrée dans l'administration témoignent en effet de l'attraction qu'exerçaient sur son esprit les belles-lettres et la philosophie. Il avait été nommé, en 1811, commis greffier au tribunal de première instance d'Utrecht; en 1814, il obtint la place de greffier de la Cour de justice, et, en 1815, il devint secrétaire des curateurs de l'Université. Il avait été revêtu, en même temps, des fonctions militaires d'adjudant dans l'arme de la schutterij. Ces changements rapides dans ses fonctions sembleraient annoncer une instabilité de caractère que Van Ewyck était cependant bien loin d'avoir. On le trouve en effet, dans la suite, rigoureusement attaché aux emplois qui lui étaient confiés; et il semblait fuir, plutôt que rechercher, des honneurs pour lesquels il marquait un éloignement instinctif.

Dès la fondation du royaume nouveau, rien n'avait été négligé dans nos provinces pour les mettre, sous le rapport des lumières, au mème rang que les provinces du Nord. Trois universités avaient été établies, et l'enseignement supérieur avait été organisé sur le même pied que dans la partie septentrionale du royaume. Van Ewyck prit une part notable à cette organisation. Notre Académie, supprimée pendant le règne précédent, avait pu reprendre également ses travaux et s'était rélevée dès l'année 1816. Elle était, pour le Midi, ce qu'était dans le Nord l'Institut néerlandais. En même temps, un observatoire nouveau, plus riche et mieux doté pour la science que les observatoires du Nord, s'était élevé dans nos provinces. La Belgique put donc se mettre d'emblée au niveau de la Hellande pour tout ce qui touchait aux sciences et aux lettres.

Les premiers commencements de notre Academie laissèrent toutefois beaucoup à desirer: la plupart des membres habitaient les provinces septentrionales; d'autres étaient dissemines dars nos principales villes: mais, privés des

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