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cours ('), que se forma, à Bruxelles, la réunion des diverses nations pour la création d'un congrès de statistique générale; et c'est pendant le quatrième congrès (celui de Londres même) que les nations unies entre elles entreprirent l'essai d'une statistique générale (2), pour préluder aux grands travaux qu'on paraissait en droit d'attendre des délégués des différents pays.

Il est à regretter cependant qu'à la réunion de Cambridge, lors de la création de la section de statistique, la multiplicité des occupations n'ait pas permis aux membres les plus exercés d'entreprendre l'examen d'un des développements de la théorie des probabilités et de faire entendre leur voix sur une question qui les touchait de si près: je veux parler particulièrement des astronomes tels que sir J. Herchel, Airy, Baily, Hamilton, Robinson, etc., qui, retenus par les travaux d'une autre section, auraient pu joindre leur suffrage en faveur d'une science qui appartient autant à l'astronomie qu'à la statistique, et, en général, aux sciences qui comportent, dans les observations, une précision plus ou moins grande qu'il s'agit de savoir apprécier. On reconnaitra sans peine, en effet, que ce sont surtout les astronomes qui, les premiers, ont porté l'attention sur la précision des documents statistiques et la construction des tables de mortalité. et de population.

(') Le discours prononcé par S. A. R. le prince Albert, comme président de l'Association du quatrième congrès de statistique qui eut lieu à Londres, Somersethouse, en juillet 1860. (Voyez plus haut, page 27 et suivantes.)

(') L'arrêté royal qui créa la Commission centrale de statistique de Bruxelles date du 16 mars 1841. On peut voir ce qui concerne cette commission et celle qui fut créée avant cette époque et vers la fin du règne de Guillaume Ier, à la page 362 de mon Histoire des mathématiques, 1864; comme aussi dans ce volume, à l'article Smits, page 548. Ce fut à la suite du Congrès de statistique de Londres, en 1861, que fut prise la résolution d'essayer de former une STATISTIQUE GÉNÉRALE et de ramener autant que possible à une même forme la statistique des différents pays éclairés.

Sir John Herschel, dans un article anonyme inséré dans la Revue d'Édimbourg ('), lequel parut sept ans après sous le nom de l'auteur, dans un volume intitulé: Essays from the Edinburgh and Quarterly Reviews, in-8°, 1857, montra très-explicitement l'utilité de cette science et ne se dissimula les dangers auxquels ces recherches pratiques peuvent exposer dans certains cas.

pas

Peut-être trouvera-t-on que, dès l'origine, ceux qui voulurent resserrer la statistique dans sa partie philosophique, ne firent pas assez pour la soutenir. D'un autre côté, on semble avoir fait entièrement divorce avec la science qui, mal appliquée par des praticiens maladroits, n'a que trop souvent fait fausse route et conduit à de malheureux mécomptes. L'association anglaise aurait pu donner à la théorie tout le développement qu'elle méritait de prendre devant une assemblée qui était en position de pouvoir la mettre dans sa véritable route.

On retrouve ici ce que l'histoire nous apprend pour la physique, pour l'astronomie et pour toutes les sciences en général on s'occupe d'abord d'étudier les faits, on tàche ensuite de les réduire par catégories de faits semblables. La division qu'on établit appartient en quelque sorte à l'art plutôt qu'à la science; et ce n'est qu'en dernier lieu qu'on s'efforce de se rendre compte de l'expérience par la théorie,

(') The Edinburgh Review, July, 1850, no 185, pages 1 à 57, et plus tard, le même article est reproduit cette fois sous le nom de l'auteur, sir John Herschel, dans les Essays from the Edinburgh and Quarterly Reviews, pages 365 à 465, 1 vol. in-8°, Londres, chez Longman, 1850. Cet article résume en quelque sorte l'application de la théorie des probabilités dans toute son étendue, au sujet de l'ouvrage Sur les probabilités, par A. Quetelet, dont il y est rendu compte.

C'est aussi, pendant l'année 1857, que parut, à Édimbourg, dans le cahier no 218 de la Revue d'Édimbourg, sans nom d'auteur, un article intéressant sur l'Histoire de la civilisation en Angleterre, par Henri Thomas Buckle, onvrage très-curieux; publié sur ces sortes de matières, bien que certaines formes laissent parfois à désirer.

et de déduire du calcul les probabilités des phénomènes qu'on a été dans le cas d'observer d'une manière plus ou moins complète.

Dans la marche suivie par la statistique, la théorie a précédé la pratique, contrairement à ce qui est arrivé dans les autres sciences appliquées. Nul doute, du reste, que la statistique ne finisse par suivre la vraie marche qui lui appartient, quand elle se trouvera assez forte pour parcourir cette route brillante qui lui est ouverte et dans laquelle elle a essayé à peine de tracer quelques pas. C'est à coup sûr une des sciences les plus belles et les plus fécondes: tristement abaissée aujourd'hui, par tous les liens dont la surchargent des mains maladroites, elle saura se relever; mais il ne sera malheureusement donné qu'à nos descendants d'en apprécier tous les avantages.

ANTOINE REINHARD FALCK (1).

Il est plus difficile, pour l'homme d'État, de jouir de l'estime générale que de la mériter; il est surtout rare de savoir se concilier ces deux avantages. C'est une espèce de privilége qui, cependant, s'obtient quelquefois; l'illustre confrère que la mort nous a ravi en est une preuve consolante. Sa supériorité savait se faire jour sans offusquer les autres; et l'envie qui s'attache, comme l'insecte venimeux, à tout ce qui s'élève avec vigueur, n'a jamais osé l'attaquer, ni mème faire contre lui l'essai de ces armes perfides, tant redoutées des hommes en place et si favorablement accueillies par la jalouse médiocrité. Il est remarquable, en effet, que la presse la plus hostile, celle qui ne frappe que pour rabaisser et détruire, n'ait jamais aiguisé ses armes contre lui, pas même au moment de sa plus grande puissance.

() Né le 19 mars 1776, mort à Bruxelles, le 16 mars 1845.

Je dois à l'amitié de M. Van de Weyer, un grand nombre de notes sur la carrière politique de M. Falck, et particulièrement sur son séjour à Londres; elles m'ont été d'autant plus précieuses, que M. Van de Weyer a pu fort bien apprécier notre confrère, soit comme ministre plénipotentiaire près de la conférence, soil par ses anciennes relations personnelles, soit encore par une similitude de position et d'antécédents.

J'insiste sur cette remarque parce qu'elle doit nous faire mieux comprendre quelles utiles leçons on peut puiser dans l'examen d'une vie aussi bien remplie et en présence d'une estime aussi universellement proclamée.

Antoine Reinhard Falck, issu d'une ancienne famille patricienne, naquit à Utrecht le 19 mars 1776 ('). Ses parents ne négligèrent rien pour développer de bonne heure ses heureuses dispositions naturelles; ils lui firent faire ses études à l'Athenæum d'Amsterdam. Le jeune Falck y suivit, avec le plus grand succès, les leçons du célèbre professeur Cras, et se montra digne d'un tel maître.

A l'occasion des épreuves universitaires qu'il subit à l'Université de Leyde, en 1799, il publia une dissertation (De Matrimonio) dans laquelle se décelaient déjà une rare intelligence et des vues élevées en politique. Il visita ensuite plusieurs universités allemandes et passa quelque temps à celle de Göttingue, pour suivre un cours de diplomatie. Falck y fit la connaissance du baron Van der Capellen, notre confrère, avec qui il conserva depuis des relations d'une amitié intime.

De retour à Amsterdam, en 1800, il y fut nommé membre de la municipalité. Falck appartenait, par ses principes et par ses relations, à l'ancien parti patriote ou républicain, qui avait combattu avec ardeur les prétentions de la maison d'Orange. La part active et diverse que plusieurs membres de sa famille avaient prise à ces luttes, le spectacle des révolutions qu'elles amenèrent, avaient můri son esprit avant l'âge il était en quelque sorte homme d'État-né. Aussi, son aptitude aux affaires se révéla-t-elle de bonne heure. Aux études classiques qui font le savant, il alliait la connaissance

() Et non à Amsterdam, comme l'ont répété plusieurs biographes. Il était fils du directeur de la Compagnie des Indes, Otto William Falck et de Engela Apollonia Bergh, du Cap.

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