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HENRI - CHRÉTIEN SCHUMACHER (1).

Le célèbre astronome auquel cette notice est consacrée, était issu d'une famille distinguée qui lui laissa, à défaut de fortune, un nom estimé et d'honorables antécédents. Ses ancètres avaient quitté la Westphalie au seizième siècle, pour venir habiter le Holstein (2). Son père, André Schumacher, conseiller de conférence, avait fait partie de l'ambassade danoise à Saint-Pétersbourg; il fut ensuite attaché au cabinet du roi de Danemark Christian VII, et envoyé, en dernier lieu, à Bramstedt, en qualité d'administrateur du bailliage de Segeberg.

C'est dans cette localité que notre confrère vit le jour. Il

() Né à Bramstedt, dans le Holstein, le 3 septembre 1780, mort à Altona, le 28 décembre 1850.

Je dois à l'obligeance de M. Petersen, l'aide et l'ami de Schumacher, plusieurs renseignements contenus dans cette notice ; j'en ai ajouté d'autres que j'ai puisés dans mes souvenirs et dans la correspondance de l'illustre défunt avec qui j'avais des relations suivies depuis plus de vingt ans.

(*) Parmi les membres de sa famille, on trouve l'infortuné comte de Griffenfeldt, grand chancelier de Norwége, qui, à la suite d'une élévation rapide, se vit dépouiller de ses biens et de ses honneurs, et fut condamné à la peine capitale. Christian V commua sa peine en celle de la détention dans une forteresse, d'ou il ne sortit qu'après vingt-trois ans. Le comte jouit peu de sa liberté ; il mourut l'année suivante (1699).

reçut sa première éducation dans la maison paternelle; mais il avait à peine dix ans, qu'il fut frappé du malheur le plus grand que l'on puisse éprouver à cet age il perdit son père (1). Celui-ci, dès qu'il s'était senti dans l'impossibilité de continuer ses soins à ses deux fils, avait songé à leur avenir et les avait recommandés au prince royal, qui fut couronné, plus tard, sous le nom de Frédéric VI. Cette tendre sollicitude eut les plus heureux résultats; le prince justifia, sous tous les rapports, la confiance placée dans ses bons sentiments.

Le pasteur Dörfer de Preetz, homme instruit et auteur d'une bonne topographie du Schleswig-Holstein, prit soin de l'éducation des deux frères; et l'année suivante, il les amena avec lui à Altona, où venaient de l'appeler ses nouvelles fonctions. Madame Schumacher ne voulut pas se séparer de ses enfants; elle les suivit dans la nouvelle résidence de leur précepteur.

Dès lors se développait, chez le jeune Henri, le goût des sciences mathématiques et de l'astronomie; à la connaissance de la théorie il voulut joindre celle de la pratique; il essaya de construire des pendules de bois et d'autres instruments pour tacher de se rendre compte des mouvements célestes. Nos premières inclinations dominent presque toujours pendant le reste de notre existence; nous en trouvons ici une preuve nouvelle. Ceux qui ont eu le bonheur de connaitre notre confrère savent qu'il avait une véritable passion pour les instruments et surtout pour les chronomètres (2).

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(1) Le 2 janvier 1790. - Sa mère, Sophie Hedewig Weddy, était la fille d'un pasteur de la province d'Oldenbourg; elle avait été mariée en premières noces au conseiller Busching, frère du célèbre géographe; elle est morte à Altona, le 30 octobre 1822.

(*) En 1832, il m'avait proposé, pour notre Observatoire, l'achat d'un excellent cercle de Troughton, construit en 1792, ou plutôt c'était un cadeau qu'il voulait nous faire pour faciliter la détermination exacte de notre latitude. Les

Cependant la faiblesse de sa santé inspirait quelques craintes; son médecin dut le forcer à suspendre ses études et à aller habiter pendant quelque temps la campagne. Il y apprit que sa mère avait fait l'acquisition des ouvrages mathématiques de Wolff, et dès lors, il n'eut plus de repos que ces livres tant désirés ne fussent entre ses mains. Ses études mathématiques ne nuisirent cependant pas à celles des langues pour lesquelles il montra toujours l'aptitude la plus grande Schumacher parlait et écrivait à peu près toutes les langues vivantes de l'Europe, et possédait à fond les langues anciennes, circonstance extrémement avantageuse pour le rôle honorable qu'il eut à remplir, plus tard, en servant d'intermédiaire entre tous les astronomes du monde civilisé.

Il fit des études en droit aux universités de Kiel et de Göttingue, mais en restant toujours fidèle aux sciences exactes. En 1806, il écrivit, à l'occasion de son doctorat, une dissertation De Servis publicis populi Romani, qu'il dédia

économies qu'imposait notre récente révolution, m'empêchèrent d'accepter ses propositions obligeantes. Le plus habile ingénieur de l'Angleterre, le célèbre Troughton, avait pour Schumacher une amitié toute particulière. Comme il hésitait à nous envoyer les grands instruments que lui avait commandés le gouvernement déchu, Schumacher me proposa de lui écrire. « Pour moi, disait-il, le vieux Troughton fait l'impossible; tout ce que je désire est aussitôt expédié. Il s'obstine même à faire lui-même les dernières rectifications. Comme il paraît que je suis son enfant gâté, il sera peut-être bon que je lui écrive pour vos instruments, et vous pouvez compter que je le ferai à la première occasion, »

Schumacher a toujours témoigné le plus vif intérêt au sort de notre Observatoire. Lorsque le bâtiment fut achevé, et les instruments en place, ce furent les moyens de les utiliser qui me manquèrent. « J'apprends avec étonnement, m'écrivit-il alors assez gaiement, qu'on ne vous a accordé encore aucun aide; c'est comme si l'on donnait à un directeur d'orchestre d'excellents instruments sans lui donner de quoi payer les musiciens. Ces messieurs croient qu'un astronome regarde les étoiles tantôt par un, tantôt par un autre instrument et que c'est là ce qu'on appelle faire des observations. Ils n'ont aucune idée que chaque instrument exige son cours suivi d'observations et qu'un seul astronome ne peut y suffire. » 20 décembre 1837.

à son ami et ancien maitre, le pasteur Dörfer. Il passa ensuite quelques années en Livonie, remplissant les fonctions de précepteur dans une famille distinguée.

A son retour, il fut assez heureux pour faire la connaissance du comte Reventlow, curateur de l'université de Kiel; et, par son influence, il put se livrer entièrement à l'étude des sciences mathématiques. A cet effet, il alla passer quelques années à Göttingue, auprès de l'illustre Gauss, qui à la gloire d'ètre le premier géomètre de l'Allemagne joignait celle d'avoir formé à peu près tous les mathématiciens allemands qui marchaient avec le plus de distinction sur ses traces. Il ne lui fut pas difficile d'attirer l'attention d'un homme aussi supérieur; et, ce qui vaut mieux encore, de mériter son amitié. Schumacher avait pour le géomètre de Göttingue une véritable vénération; il le consultait avec déférence sur tous les points épineux que lui présentait sa position délicate comme rédacteur du Journal astronomique.

En 1810, Schumacher fut nommé professeur d'astronomie à Copenhague, et, en 1813, il accepta, avec l'assentiment du roi de Danemark, les fonctions de directeur de l'Observatoire de Manheim, mais sous la condition de venir remplir le même emploi à Copenhague, en cas de retraite de Bugge, qui se trouvait alors à la tète de l'observatoire de cette dernière ville. En acceptant ce déplacement, il avait surtout cédé aux invitations de son protecteur et ami le duc d'Augustenbourg.

Avant son départ pour Manheim, Schumacher s'était marié ('); le choix qu'il fit prouve en faveur de son discernement, et le bonheur dont il a joui dans son intérieur témoigne en même temps de la bonté de son cœur et de l'attachement qu'il savait inspirer.

(') Avec mademoiselle Chrétienne-Madeleine de Schoon, qui lui a survécu, et dont il a eu sept enfants, quatre fils et trois filles.

La mort de l'astronome Bugge, arrivée au mois de mars 1815, rappelait naturellement Schumacher à Copenhague. Notre confrère fit un voyage en Autriche, pour s'entendre à ce sujet avec son auguste protecteur, le roi Frédéric VI, qui assistait alors au congrès de Vienne, et aussi pour voir son frère, Ch. Schumacher, qui se trouvait à la suite du

souverain.

Il fut nommé professeur ordinaire d'astronomie et directeur de l'Observatoire de Copenhague. Dès son arrivée, il commença à donner un cours d'astronomie en langue latine; et, l'année suivante, il fit ses préparatifs pour mesurer un degré du méridien dans le Schleswig-Holstein. Afin de surveiller avec plus d'activité la triangulation de ce pays, il obtint, en 1821, la permission de s'établir à Altona et d'y construire un observatoire. Il choisit l'emplacement de cet édifice, dans un site charmant, sur la pente de la rive droite de l'Elbe (').

En 1819, il avait fait avec son ami Jean-Georges Repsold, le plus habile mécanicien de l'Allemagne, un voyage en Angleterre et en France, pour visiter les observatoires de ces pays et faire la connaissance de leurs astronomes. C'est dans le même but qu'il visita, en 1826, à Munich, les ateliers de Reichenbach et d'Ertel, d'Utzschneider et de Fraunhofer; en 1834 et 1835, il se rendit à Berlin pour y voir le nouvel observatoire d'Encke et assister aux observations de Bessel sur les oscillations du pendule; en 1840, il visita son ami Struve dans son magnifique observatoire de Pulkova; et enfin, en 1843, il fit le voyage de Vienne pour prendre part à l'observation de la fameuse éclipse de soleil du 8 juillet, dont il a décrit, dans son journal, les apparences si extraordinaires.

() Voyez la description de ce bel observatoire dans la Correspondance mathematique et physique de Bruxelles, tome VI, pages 128 et suiv.

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