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vant aux terrains primitifs, la contexture du globe est partout la même; que les couches déposées ensuite par le temps à de longs siècles d'intervalle, offrent partout une grande ressemblance dans leurs traits principaux et se succèdent à peu près dans le mème ordre; qu'à travers ces couches brisées et soulevées de différentes façons, on peut suivre la nature pas à pas dans sa marche pendant la création des ètres organisés. Elle-mème a pris soin de sceller dans la pierre leurs empreintes ineffaçables, et elle les a répandues avec une munificence telle qu'on en rencontre presque en chaque lieu où l'on fouille le sol. Ainsi, l'on voit apparaitre d'abord, sur les limites des terrains primitifs, des ètres d'une organisation si simple qu'on ne sait s'il faut les ranger parmi les plantes ou les animaux; on voit ensuite se débrouiller successivement le règne végétal et le règne animal: les individus qu'ils composent ont une organisation de plus en plus complète. Mais, ici, l'imagination s'effraye à la vue des débris des ètres monstrueux, fantastiques habitants de cet ancien monde. Formés pour vivre tour à tour dans les eaux, dans des terrains fangeux ou dans une épaisse atmosphère, les uns, avec les allures des reptiles, sont doués des organes nécessaires pour la natation, d'autres déploient de vastes ailes entre les écailles dont ils sont cuirassés; la végétation mème est en rapport avec ces êtres extraordinaires dont la plupart sont inconnus aujourd'hui; elle se développe avec un luxe inouï; et de simples fougères atteignent à la hauteur de nos plus grands arbres modernes. Ce n'est que dans les couches supérieures de la terre que l'on voit apparaitre enfin les débris fossiles des mammifères; et, chose étonnante, l'homme seul ne semble point en faire partie! Dernier ouvrage de la création, il en est aussi le plus parfait; comme si sa mission était d'en étudier les merveilles.

On a pu reconnaitre, par l'esquisse rapide que je viens

de tracer, quelle est l'étendue immense du domaine de la géologie ('). Cette science et celles qui s'y rattachent n'excitèrent pas exclusivement l'attention de nos savants: la botanique et la zoologie, surtout dans leurs rapports avec le sol de notre pays, finirent par former, pour nos naturalistes belges, un objet d'études tout à fait spécial.

Nous avons indiqué avec quelques détails tout ce qui se fait, depuis près d'un demi-siècle, dans nos provinces et sur le globe en général, pour répandre le plus de lumières possibles sur les phénomènes périodiques des plantes et des animaux (2). Nous avons publié un premier résumé pour déduire des conclusions de tous ces travaux, et nous avons eu le plaisir de pouvoir donner, dans les Mémoires de l'Académie, l'aperçu de deux ouvrages pareils que ne tarderont pas à publier M. Fritsch, qui dirige ces sortes de travaux en Autriche, et M. Linsser, attaché à l'Observatoire impérial de Pulkova en Russie (3).

Les recherches mathématiques fixèrent également l'attention au milieu du mouvement général qui ramenait les esprits vers une science qui avait autrefois fait honneur à la patrie. Le vieux commandeur de Nieuport, dont nous avons déjà parlé dans notre ouvrage sur l'Histoire des sciences ma

() Voyez Bulletins de l'Académie royale de Belgique, page 295, tome VII, 2 partie, in-8°; 1840.

(*) Voyez, pour ce genre de phénomènes, les travaux de MM. Van Mons, Kickx, de Selys-Longchamps, Morren, Wesmael, Van Beneden, Du Bus de Ghisignies, Gluge, Schwann, Spring, Bellynckx, Vincent, Poelman, Candèze, Coemans, Chapuis, etc.

M. Édouard Morren continue activement le journal de botanique que son père avait commencé avec tant de succès ; et il est, sans aucun doute, le coopérateur le plus actif dans l'association scientifique qui lie ensemble tous les amis de l'horti. culture que renferme le royaume. On doit lui savoir gré de cette extrême activité. (5) Voyez Histoire des sciences mathématiques et physiques, page 431, 1 vol. in-8°; Bruxelles, 1864. Voyez aussi l'ouvrage : Sur la Physique du globe, par A. Quetelet, chapitre V. Phénomènes périodiques des plantes et des animaux, pages 323 à 409; in-4o, 1861; et les Bulletins de l'Académie royale de Belgique, tome XIX, 2o série, pages 395 et suiv.; 1865.

N 1746.

M. 1826.

thématiques, avait été l'un des premiers à ouvrir la carrière, et une foule de jeunes savants s'étaient hàtés de marcher sur ses pas. On remarquera encore ici cet ancien désir de sortir de son isolement et d'embrasser avec l'humanité entière l'étude de ce qui peut contribuer à son bonheur. Un appel fut fait à toutes les nations et spécialement à la France, à l'Angleterre, à l'Allemagne, pour favoriser cet élan, et pour aider à remettre la géométrie à côté de l'analyse, qui l'avait dépassée de beaucoup dans les deux siècles précédents. A peu près tous les hommes d'un mérite reconnu dans cette partie réunirent leurs efforts, et une réponse à une question de géométrie, posée par l'Académie royale de Belgique, résuma de la manière la plus heureuse ce qui avait été fait pour cette science et les terrains qu'il s'agissait de déblayer encore pour arriver au but désiré. Le prix fut remporté par M. Chasles, l'un des savants modernes les plus distingués dans la géométrie et qui fit connaitre avec succès les travaux qu'il fallait entreprendre pour franchir l'obstacle encore existant (1). On peut reconnaitre qu'il en avait été à peu près de même pour l'analyse, au moment de l'invention du calcul différentiel et intégral. Les hommes les plus versés dans la science avaient senti la nécessité d'avoir sous la main tout ce qui avait été fait avant de chercher à surmonter les derniers obstacles (2). Le problème toutefois n'est pas encore complétement résolu; mais tout porte à croire que du milieu mème de ces riches trésors géométriques que l'on a su réunir naitra une science plus

() Voyez l'Histoire des sciences mathématiques et physiques chez les Belges, page 545, in-8°; Bruxelles, 1864.

(2) Si je ne cite pas ici les Annales mathématiques de Gergonne, le Journal für die reine und angewandte Mathematik de Crelle, et, plus tard, de Borchardt, le Journal de mathématiques de Liouville, l'Archiv der Mathematik und Physik, par J.-A. Grunert, etc., c'est que ces recueils, consacrés aux parties les plus élevées de la science, n'avaient pas en vue le but de s'occuper plus spécialement d'une branche des sciences mathématiques.

simple et plus générale que celle que nous avons aujourd'hui, quels que soient ses progrès.

Nous parlerons avec plus de détails, dans les livres suivants, de ce qui a été fait par la plupart des savants belges de l'époque actuelle pour marcher avec succès sur les pas de leurs devanciers et pour se remettre dans la vraie voie, abandonnée au milieu des malheurs de la patrie. On y verra avec plaisir les noms du commandeur de Nieuport, de Dandelin, Verhulst, Garnier, Pagani, Simons, Belpaire, Crahay, et de tant d'autres savants dont le souvenir doit être conservé avec reconnaissance (1). Les mêmes sentiments s'arrèteront, nous n'en doutons pas, sur le baron Falck, sur Van Huttenhove, Van Marum, Arago, de Humboldt, Bouvard, Gioberti, Schumacher, etc., qui, bien qu'étrangers, ont secondé par leurs talents la marche scientifique de nos compatriotes (2). Nous ne devons pas omettre cependant de citer les ouvrages les plus importants qui ont été publiés sous nos yeux, et ceux mèmes dont les auteurs sont encore parmi nous. On concevra toutefois que nous serons forcé de nous restreindre dans nos jugements et nos citations.

(') A ces noms, nous devons joindre encore celui de Charles Thiry, qui était né à Mons, le 8 janvier 1783, et que l'Académie royale perdit, le 24 janvier 1851. Charles Thiry avait suivi de bonne heure la carrière de l'enseignement; en 1805, un décret des consuls l'avait nommé professeur de mathématiques au Lycée de Bruxelles, où il avait été appelé dès l'organisation de cet établissement (1804), en qualité de maître d'études. Quand l'Académie royale fut réorganisée, en 1816, il fut désigné par le gouvernement pour faire partie des membres de la section des sciences. La confiance qu'il avait inspirée lui valut, en 1815, le titre de commissaire et, plus tard, d'inspecteur général du cadastre. Ce sont ces fonctions qui le portèrent à publier, en 1835, le Règlement pour la conservation du cadastre en Belgique, le seul ouvrage que nous ayons de lui. Par suite de la révolution de 1830 et de l'achèvement des travaux auxquels il avait été préposé, il fut appelé à la présidence du conseil des monnaies.

(*) Nous ne devons pas oublier de citer également les noms de MM. Van Rees et Van Breda, qui, en 1830, ont quitté nos universités, sans perdre les droits qu'ils ont à la reconnaissance des Belges comme professeurs distingués pour les sciences.

N. 1783.

M. 1831.

N. 1801.

M. 4864.

L'un de nos compatriotes les plus anciens dans la carrière des sciences était Alexis Timmermans, qui, en 1830, avait passé dans le génie militaire, comme la plupart des jeunes savants de cette époque. Il retourna, en 1835, vers des travaux plus paisibles, et entra à l'Université de Gand en qualité de professeur de mathématiques ('). Il avait été couronné déjà, en 1819, dans la même université pour un travail académique sur la théorie de la composition et de la résolution des forces. Au mois d'août 1822, il prit le grade. de docteur en sciences, et publia à cette occasion une dis sertation latine sur la figure de la terre. Ses goûts le portaient particulièrement vers la carrière scientifique qu'il avait adoptée en dernier lieu. C'est pendant son professorat qu'il publia successivement deux ouvrages qui servirent de texte à ses leçons: l'un était un Traité de mécanique rationnelle, 1 vol. in-8°, 1855, et l'autre un Traité de calcul différentiel et de calcul intégral, 1 vol. in-8°, dont il fit paraitre une seconde édition en 1860. L'écrit se termine. par un aperçu sur le calcul des variations. Ces deux ouvrages étaient plus spécialement destinés à servir de texte aux leçons qu'il donnait à l'Université de Gand, en même temps qu'à l'École d'application.

C'est dans les travaux de l'Académie royale de Belgique que l'on peut surtout reconnaitre Timmermans comme savant. Dès le commencement de la publication des Bulletins de l'Académie royale (2), son nom est honorablement cité pour la présentation d'un mémoire sur la Théorie des pressions

(') Jean-Alexis Timmermans, né à Bruxelles, le 22 août 1801, avait fait ses études dans cette ville, puis à l'Université de Gand, où il avait reçu le diplôme de docteur en sciences. Il fut nommé professeur dans cette dernière localité, en 1835, et il y est décédé le 2 septembre 1864, presque en même temps que son collègue à l'Université de Gand, M. Kickx, qui mourut subitement, à Bruxelles, le lendemain. (') Bulletins de l'Académie royale des sciences et belles-lettres de Bruxelles, in-8°, 1832, no 2, page 7.

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