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Ce retour l'affecta vivement et eut la plus fàcheuse influence sur son organisation. Peu à peu il s'éloigna, par discrétion, des hommes avec lesquels il avait autrefois du plaisir à se trouver. L'Académie ne le vit plus prendre part à ses séances: il semblait que le sort qui le poursuivait fùt en même temps une barrière entre lui et les hommes qui l'estimaient le plus.

Par l'intermédiaire de quelques confrères de l'Académie, Galeotti put entrer, au mois de mai 1853, comme directeur au Jardin d'Horticulture de Bruxelles, et s'y livrer entièrement à ses études de prédilection. Cette tranquille position. lui donna plus de calme; il retourna à ses travaux chéris et jouit de l'existence paisible dont il avait tant besoin. Mais le coup qui devait nous le ravir était porté depuis longtemps sa santé, trop rudement éprouvée, ne put se rétablir, malgré les conditions plus heureuses dans lesquelles il se retrouvait.

Galeotti, depuis son retour d'Amérique, s'était marié, mais il n'eut qu'un seul enfant, un fils, et ce fut sans doute une cause d'allégement pour son esprit, que de ne pas être chargé d'une nombreuse famille au milieu des luttes pénibles qu'il eut à soutenir. Le travail fut son grand consolateur, et le besoin d'étude le porta à s'occuper de la rédaction du Journal d'horticulture pratique, dont la publication augmentait encore les avantages de sa nouvelle position.

C'est le 14 mars 1858 que se termina sa douloureuse existence, minée par une longue et pénible maladie. La plupart de ses anciens collègues de l'Académie et ses nombreux amis voulurent lui payer un dernier témoignage d'affection, et accompagnèrent ses restes jusqu'au cimetière de l'église de Schaerbeek, où ils furent déposés.

LIVRE III.

LITTÉRATEURS ET ARTISTES BELGES.

CHARLES-JOSEPH-EMMANUEL VAN HULTHEM (1).

Ch.-J.-E. Van Hulthem descendait d'une de ces anciennes familles belges qu'à Bruxelles et à Louvain, on comprenait assez généralement sous le nom de patriciennes, mais qu'à Gand, par une dénomination spéciale, on nommait la poorterye. C'était, en général, une classe de propriétaires qui, déjà dès les xine et xive siècles, concouraient, avec les cinquante-trois métiers, à former la magistrature de la ville. Cette famille, au XVIIe siècle, était arrivée à un haut degré de considération. Elle fut anoblie par Philippe IV, en 1659; mais Van Hulthem en tirait si peu de vanité que les généalogistes seuls connaissaient cette circonstance.

(') Em. Van Hulthem naquit à Gand, le 4 avril 1764, et il mourut dans la même ville, le 16 décembre 1833. Voyez aussi les notices qui ont été écrites par MM. Cornelissen et De Reiffenberg.

peu

Il était très-jeune encore quand, immédiatement après la suppression de l'ordre des jésuites, il commença le cours de ses humanités au collège des Augustins. Dès lors, il aimait les livres son père lui avait laissé une bibliothèque considérable, qu'il se plaisait à augmenter de ses épargnes. Il se fit inscrire à Louvain dans la faculté de jurisprudence, qu'il suivit sous les professeurs Van Gobbelschroy et Lambrechts, avec qui, pendant tout le cours de leur longue existence, il conserva des relations d'amitié et de reconnaissance. Il prit, en 1787, ses grades de licencié en droit, non dans l'intention de pratiquer, mais dans la vue d'être promu à des fonctions honoraires dans la magistrature. Malgré sa jeunesse, il fut nommé échevin de sa ville natale.

La révolution belge éclata en 1789, et l'on peut conclure par la conduite de Van Hulthem qu'il marcha dans le sens de l'insurrection; mais en homme éclairé et cherchant toujours à se rendre utile à sa patrie. Lors de la seconde invasion française, il se vit enlever avec cinquante-neuf autres citoyens et trainé comme otage au fort de la Scarpe à Douai. Cependant les événements du 9 thermidor apportèrent quelque adoucissement au sort des détenus, et il fut permis à quelques-uns d'entre eux de passer leur temps d'épreuve à Paris. Van Hulthem fut de ce nombre; il profita de son séjour dans la capitale pour établir des relations avec un grand nombre de savants et de gens de lettres. Quand il put retourner dans sa patrie, tous ses soins se portèrent vers la conservation des objets d'art, des livres et de tout ce qui tient aux lettres et aux sciences. Plusieurs monastères possédaient des plantes très-rares: l'abbaye d'Eename avait des palmiers qui lui avaient été donnés par les archiducs Albert et Isabelle, en 1500. Ces vénérables centenaires du règne végétal trouvèrent un refuge dans le jardin potager de l'abbaye de Baudeloo de Gand, qui, par ce faible com

mencement, préludait déjà aux belles destinées que la fondation de l'Université devait accomplir.

Van Hulthen put ajouter encore à ses heureuses prévisions pour sa ville natale, lorsque, en 1797, chaque département de la France eut son école centrale. Son ingénieux esprit de conservation, qui l'inspirait toujours, lui fit indiquer encore, comme local le plus convenable, les bâtiments de l'abbaye de Baudeloo, où déjà, avec quelques amis des lettres, il avait *commencé à organiser une bibliothèque publique.

Les élections de l'an Vle désignèrent comme un des représentants du département de l'Escaut au conseil des cinq cents. Dans ce nouveau poste, il se fit moins remarquer par son éloquence que par sa droiture et par les services nombreux qu'il fut à même de rendre à ses concitoyens. L'estime dont il jouissait l'avait fait nommer directeur de l'Académie de droit de Bruxelles, mais cette place fut supprimée par suite de l'entrée des alliés en 1814. Van Hulthem n'était pas contraire au nouvel ordre de choses qui venait de s'établir. Il s'était fait connaitre en Hollande par son amour pour les lettres, pour l'histoire, pour les arts et spécialement pour les livres. Déjà, en 1808, époque de la création de l'Institut de Hollande, sous le roi Louis, Van Hulthem avait été nommé membre associé de cette institution, dans la classe d'histoire nationale.

Lors de la formation du royaume des Pays-Bas, il fut nommé greffier de la Chambre des députés, poste qui, du temps de l'ancien stadhoudérat, avait été d'une grande importance, mais dont l'influence actuelle était diminuée de beaucoup. Quelque temps après, l'Académie de Bruxelles fut réorganisée, et Van Hulthem, par l'arrêté de nomination, en date du 3 juillet 1816, fut désigné comme son secrétaire provisoire, place qui fut changée, l'année suivante, en celle de secrétaire perpétuel.

On venait aussi de réorganiser l'Université de Louvain,

en même temps qu'on créait les deux Universités nouvelles de Gand et de Liége. Van Hulthem fut encore nommé curateur de la première; mais cette nomination fut loin de le satisfaire tous ses vœux, toutes ses affections étaient pour sa ville natale, et c'est surtout des intérêts de l'Université de Gand qu'il désirait avoir à s'occuper. Ce désir fut satisfait plus tard, et ses concitoyens eurent lieu de s'en applaudir.

Cependant des occupations aussi nombreuses, aussi variées, s'accordaient peu avec les goûts de Van Hulthem, quí semblaient presque entièrement concentrés dans les recherches bibliographiques. Ses fonctions devaient nécessairement en souffrir, surtout pendant les voyages qu'il avait à faire successivement à la Haye, comme greffier de la seconde chambre. Aussi renonça-t-il, vers la fin de 1817, à ces dernières fonctions pour celles de secrétaire perpétuel de l'Académie, qu'il abandonna également quelques années après. Van Hulthem était un homme d'un profond savoir, d'une obligeance extrême et toujours prêt à aider les personues qu'il aimait; mais il était à peu près impossible d'obtenir de lui un travail achevé ou même un simple rapport sur les objets soumis à son avis. Il différait beaucoup, sur ce dernier point, de son collègue, le commandeur de Nieuport,qui était alors directeur de l'Académie : il s'élevait quelquefois entre ce dernier savant, malgré son grand àge, et le secrétaire perpétuel, les contestations les plus vives. C'est à la suite d'une discussion pareille concernant l'impression trop longtemps suspendue du premier volume des Mémoires de l'Académie, que Van Hulthem, pressé dans ses derniers retranchements, parla du projet de renoncer à ses fonctions de secrétaire. Malgré l'estime portée à l'honorable démissionnaire, c'était le désir des membres de marcher désormais avec plus de régularité. La démission présentée au gouvernement ne fut, du reste, acceptée qu'au commen

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