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sions toutes nouvelles. Une colonie à consolider, tout un pays à exploiter, à féconder par des voies de communication; la possibilité de voir l'isthme où, quinze ans auparavant, il avait dù étudier les moyens de mettre deux grandes mers en rapport tout cela souriait à cette àme active; il accepta donc les offres qui lui furent faites par la Compagnie belge de colonisation, et fut nommé directeur de la Communauté de l'Union, dans les États de Guatemala.

Dès lors, Simons ne rêva plus que l'Amérique; toutes ses études, toutes ses pensées se tournèrent vers sa nouvelle destination ('). Il se livra à ce nouveau travail avec la même ardeur qu'il avait mise, douze ans auparavant, à étudier la Belgique pour l'établissement des chemins de fer. Toutefois les conditions n'étaient plus les mêmes les travaux et les chagrins avaient miné sa constitution; ses cheveux avaient blanchi; il portait tous les signes d'une vieillesse anticipée, mais il conservait encore cette activité qui l'avait toujours animé à l'idée des grandes entreprises. Les journées ne suffisaient plus aux études nouvelles qu'il avait à faire; il fallut empiéter sur les nuits. Les conseils de ses amis, la crainte de laisser orphelins deux enfants encore en bas àge, rien ne put l'arrêter (2). Me reposer, disait-il, n'ai-je pas pour moi les loisirs de la traversée? Il aurait dù dire peutètre avec Arnault : N'ai-je pas devant moi l'éternité?

Aussi, quand arriva l'instant du départ, il fallut le porter au vaisseau qui l'enleva pour toujours à sa patrie et à ses amis. Son existence ne fut plus qu'une longue agonie; mais ce courage indomptable qui l'avait animé ne devait s'étein

(') Il se mit à s'occuper sérieusement de l'astronomie et de la météorologie, dans le but de relever les principaux points et d'étudier le climat du pays confié à ses soins. Il se proposait d'emporter différents instruments et fit de nombreuses visites à l'Observatoire pour m'entretenir de ses projets scientifiques.

(*) Simons a laissé deux enfants, un fils et une fille.

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dre qu'avec son dernier souffle de vie. Il expira le 14 mai 1843, à bord de la goëlette de l'État La Louise-Marie ('), entre son pays qu'il avait honoré par ses travaux et sa nouvelle patrie qu'il allait mériter par de nouveaux bienfaits. L'Océan recueillit son corps, comme l'Éternel recueillit son ame, l'une de ses plus nobles émanations.

« Au bruit d'une salve d'artillerie, dit la relation de ce triste événement, le corps fut lancé à la mer et disparut sous les flots. Le temps était magnifique, quoique le soleil fût presque entièrement voilé comme en signe de deuil; quelques rayons seulement en descendaient vers la mer et figuraient la route du ciel (2). »

(') Par 20o 15' latitude nord et 35° 36' longitude occ. du méridien de Greenwich. Simons était d'une piété sincère, éloignée de toute affectation. Il reçut, avant de mourir, les secours de la religion catholique dans laquelle il avait été élevé.

Un arrêté du gouvernement, dont il n'a pu avoir connaissance, l'avait promu, le 30 avril 1843, au grade d'inspecteur des ponts et chaussées.

(") Voyez le Moniteur belge du 4 août 1843; on y trouve des renseignements intéressants sur la mort de Simons, et le discours prononcé par M. Tardieu, au moment où le corps allait être jeté à la mer.

FRANÇOIS-PHILIPPE CAUCHY.

Dès l'âge de huit ans, Cauchy avait été envoyé en Belgique et confié aux soins de son oncle, M. Bachelier, professeur de mathématiques au Lycée impérial de Bruxelles ('). A la suite de brillantes études dans cet établissement, le jeune Cauchy fut admis à l'École polytechnique, le 1er novembre 1812. Il y resta jusqu'en 1814, époque à laquelle il quitta les bancs pour courir avec ses camarades à la défense de Paris, ou plutôt pour assister à la dernière lutte de l'empire.

Après la mémorable catastrophe qui fit perdre à la France les différents pays que la conquête lui avait donnés, Cauchy revint en Belgique, sa patrie adoptive. On s'y occupait avec ardeur de l'organisation du royaume des Pays-Bas, ce beau débris de l'empire, qui, lui-même, devait bientôt après subir un nouveau partage. Le 24 décembre 1816, Cauchy fut envoyé à Namur comme ingénieur du Waterstaat; et, certes, on

(') Fr.-Ph. Cauchy était né à Abbeville, le 18 janvier 1795; et il mourut à Namur, le 6 juin 1842 : il avait un autre oncle en Belgique, attaché au Lycée de Gand, en qualité d'aumônier et de professeur de latin; il était aussi parent du célèbre mathématicien français Augustin Cauchy.

ne pouvait faire un choix meilleur. Exempt d'ambition, scrupuleux observateur de ses devoirs, il consacra dès lors sa vie entière à la province confiée à ses soins; il en devint pour ainsi dire l'âme et le conseil. Qu'on ne cherche plus désormais dans sa carrière cette teinte aventureuse qui en avait marqué le début; on y rencontrera tout ce qu'un homme peut déployer d'énergie, de savoir et de persévérance pour se rendre utile dans le poste qui lui est assigné. On verra notre confrère tour à tour ingénieur, professeur, écrivain, administrateur, et toujours on le trouvera si parfaitement propre à la chose dont il s'occupe, qu'on sera disposé à croire qu'il en a fait son unique étude.

A peine établi à Namur, Cauchy chercha à connaître les besoins de la province; il sentit bientôt quels étaient les services que réclamait plus particulièrement un sol qui renfermait tant de richesses dans ses entrailles. Le gouvernement comprit, de son côté, tout le parti qu'il pouvait tirer des connaissances de notre jeune ingénieur; et, le 23 septembre 1817, il lui confia la chaire de minéralogie et de métallurgie qu'il venait de créer à l'Athénée de Namur. Bientôt après (le 7 mai de l'année suivante), en lui conservant sa résidence à Namur, il le détacha pour le service des mines, dans l'arrondissement de Charleroi, l'un des plus importants de la Belgique. Cauchy justifia pleinement ces différentes marques de confiance; il fit plus de 1823 à 1834, d'abord comme ingénieur de première classe, et ensuite comme ingénieur en chef, il organisa complétement le service dans les provinces de Namur et de Luxembourg ('). Il prit en même

(1) Il avait été nommé successivement ingénieur de 1re classe des mines au 3me district des mines à Namur, le 11 juillet 1823; faisant fonctions d'ingénieur en chef de la 2me division des mines à Namur, le 4 septembre 1831; ingénieur en chef de la 2me division des mines, à Namur, comprenant les 3me et 4me districts en résidence à Namur, le 29 mai 1834; et enfin ingénieur en chef de 1re classe, le 4 janvier 1839.

temps une part active aux travaux des commissions appelées à s'occuper des intérêts de l'industrie nationale. Le 19 septembre 1827, il avait été nommé membre de la commission d'État pour la révision de la loi sur les mines; en décembre 1829, il avait été appelé aussi à faire partie de la commission centrale d'industrie, de commerce et d'agriculture. Quand le conseil des mines fut établi, en 1832, on sentit que ses lumières pouvaient y être d'une grande utilité, et il fut encore désigné pour y prendre place en qualité de membre.

Deux fois il fit partie des jurys des expositions de l'industrie nationale; et chaque fois il a été nommé rapporteur de sa section la manière dont il s'est acquitté de ces fonctions difficiles prouve l'étendue et la variété de ses connaissances.

Je ne m'arrêterai pas à énumérer toutes les commissions auxquelles notre confrère fut attaché; qu'il me suffise de dire que, dès qu'on en créait une nouvelle, et l'on sait assez combien ces nouveautés sont encore à l'ordre du jour, les pensées se portaient naturellement vers lui, comme vers l'un des hommes les plus indispensables à ses travaux (').

Lorsque, en 1833, il fut question de décerner, pour la première fois, des distinctions honorifiques aux sciences, le gouvernement n'oublia pas un nom dont il se souvenait si bien quand il cherchait un homme de talent et de conscience; aussi Cauchy reçut l'une des trois décorations de l'ordre de Léopold qui furent données dans cette circonstance.

(') Dans l'impossibilité de citer toutes ces commissions, nous nommerons au moins les principales :

La commission chargée de l'examen de matériaux indigènes, instituée par arrêté des départements des travaux publics et de la guerre, en date des 19 et 27 février 1840;

La commission chargée de l'examen des procédés nouveaux, instituée près du département des travaux publics par arrêtés ministériels du 3 avril 1841 et du 2 avril 1842;

La commission directrice des Annales des travaux publics, créée par arrêté royal du 8 novembre 1841.

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