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peut intéreffer, & rejette ce qui peut déplaire (a).

Il diftingue les genres de Poëfie par les différentes efpèces de vers: il fait fentir les convenances à observer entre le fujet & le ftyle (b).

Il exige non-feulement qu'un Poëme foit beau, mais de cette beauté qui touche, perfuade, attire (c).

Dans la conduite que l'on fait tenir à fes perfonnages, on doit fuivre, ditil, l'opinion, ou obferver les vrai-femblances; & celles-ci dépendent de l'analogie & de l'accord des qualités qui compofent un caractère (d).

Non-feulement ces qualités doivent être d'accord entr'elles, mais relatives à la fortune, à l'âge, à la condition, à toutes les circonftances qui peuvent influer fur les mœurs.

Horace fait obferver toutes ces nuances, mais c'est fur-tout dans la defcription des mœurs qui diftinguent les différens âge de la vie, que l'on reconnoît

(a) Et jam nunc dicar jam nunc debentia dici: Hoc amet; hoc fpernat.

(b) Defcriptas fervare vices operumque colores. [c] Et quòcumque volent animum auditoris agunto. [d] Servetur ad imum

Qualis ab incepto procefferit, & fibi conftet

te Philofophe attentif à obferver la Nature (a).

Scaliger ajoute encore aux leçons du Poéte fur les mœurs, & je profiterai dans la fuite des lumieres de l'un & de l'autre.

Dans la compofition de la Fable, Horace nous affranchit des liens d'une imitation timide & fervile. Ofez feindre, nous dit-il, mais que la fiction fe concilie avec la vérité, & s'y mêle fi naturellement, qu'on ne s'apperçoive pas du mêlange (b); que le début du Poëme foit modefte, & que l'action n'en foit pas prise de trop loin; que fur le théâtre on ne préfente aux yeux rien de révoltant ni rien d'impoffible; que la piéce n'ait pas moins de trois actes ni plus de cinq; qu'il n'y ait jamais en scène plus de trois interlocuteurs; que le choeur s'intéreffe à l'action dont il eft témoin, ami des bons, ennemi des méchans; qu'on n'employe jamais de machine poftiche, & s'il fe mêle dans l'action quelque incident merveilleux, qu'elle en foit digne par fon importance; que le ftyle de la Tragédie foit grave & févere; mais que

(a) Mobilibufque decor naturis dandus eft annis. (b) Primo ne medium, medio ne difcrepet imum.

dans le comique, l'aifance & le naturel de la compofition faffent dire à chacun, que rien au monde n'étoit plus faciLe (a).

Après avoir réfumé fes préceptes Horace recommande aux Poétes Tétude de la Philofophie & des mœurs. Il diftingue dans la Poëfie deux effets, l'agrément & l'utilité, quelquefois féparés, fouvent réunis (). Mais l'agrément de la fiction dépend de l'air de vérité qu'on lui donne [c], de la naïveté du récit, & du foin que l'on prend d'en exclure tout ce qui feroit fuperflu [d].

Du refte, il pardonne au Poéte des négligences, pourvû qu'elles foient en petit nombre & rachetées par de grandes beautés. Il y a même en Poëfie comme en Peinture, un genre qui vû de loin, produit fon effet, quoiqu'il n'ait pas la correction des détail; mais ce qui eft fini a l'avantage de pouvoir être vû de près, toujours avec un plaifir nouveau [e].

(a) Ex noto fictum carmen fequar, ut fibi quivis Speret idem; fudet multum, fruftraque laboret Aufus idem.

(b) Aut prodeffe volunt aut delectare Poëta, Aut fimul & jucunda & idonea dicere vitæ. (c) Fita voluptatis caufâ fint proxima veri. (d) Omne fupervacuum pleno de pectore manai? (e) Hac placuit femel, hac decies repetita placebit.

la

La conclufion d'Horace eft que Poëfie n'admet point de talens médiocres [a].

Encore eft-ce peu du talent, ce don précieux de la Nature, fi le travail ne le développe, fi l'étude ne le nourrit, fi des amis judicieux & féveres ne le corrigent en l'éclairant; fi le Poéte enfin ne fe donne à lui-même le tems d'oublier, de recevoir, de retoucher fes ouvrages avant de les expofer au jour [¿].

On ne fauroit donner des préceptes généraux ni plus folides ni plus lumineux; mais cet ouvrage eft un résultat d'études élémentaires, par lefquelles il faut avoir paffé pour le méditer avec fruit: il les fuppofe & n'y peut fuppléer.

Defpréaux applique à la Poëfie françoife les préceptes d'Horace fur la compofition & le ftyle en général, & il y ajoute en les développant. Il veut que la rime obéiffe & que la raifon ne lui céde jamais; qu'on évite les détails inutiles & l'ennuyeufe monotonie, le ftyle bas & le ftyle ampoulé.

(a) Mediocribus effe Poetis

Non homines non di, non conceffere columna. (b) Membranis intùs pofitis delere licebit Quod non edideris : nefcit vox missa reverti,

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"Le ftile moins noble a pourtant fa noblefle Soyez fimple avec art,

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...

» Sublime fans orgeuil, agréable fans fard.

Il recommande l'exactitude, la clar- . té, le refpect pour la langue, & la fidélité aux regles de la cadence & de. l'harmonie : préceptes dont il donne l'exemple.

Horace a peint en un feul vers la beauté du ftyle poëtique:

Vehemens & liquidus, puroque fimillimus amni,

Defpréaux qui ne le confidére que par rapport à l'élégance & à la pureté, a pris une image plus humble.

J'aime mieux un ruiffeau qui fur la molle >> arène,

» Dans un pré plein de fleurs, lentement fe » promene,

Qu'un torrent débordé qui d'un cours ora» geux;

» Roule plein de gravier far un terrein fangeux.

Il définit les divers genres de Poéfie, à commencer par les petits Poëmes; & la plupart de ces définitions font elles-mêmes des modeles du ftyle, du ton, du coloris qui convient á leur objet.

à

Les préceptes qui regardent la Tragé

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