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Qu'il eut placé l'indépendance avant q gloire & la majefé; que devenoit l'harmonie?,, Il leur apprend (dit-il en parlant des Rois) il leur apprend leurs

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devoirs d'une maniere fouveraine

29 & digne de lui.,, Qu'il eût dit feu,

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fement d

nent d'une maniere digne de lui, ou d'une maniere abfolue & digne de lui, l'expreffion perdoit fa gravité: c'eft le fon déployé fur la pénultieme de fou, veraine qui en fait la pompe.

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Si elle eut de la foie de régner fur une grande nation (dit-il de la Reine d'Angleterre) c'eft parce qu'el le pouvoit contenter le defir immenfe qui fans ceffe le follicitoit à fai

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9, re du bien. Retranchez l'épithéte immenfe, fubftituez-y celle d'extrê me, ou telle autre qui n'aura pas cette nazale volumineufe; l'expreffion ne peindra plus rien, emoce f bem 200010 Examinons du même Orateur le ta bleau qui termine l'Oraifon funébre du grand Condé. Nobles rejettons ,, de tant de Rois, lumieres de la France, mais aujourd'hui obfcurcies & couvertes de votre douleur com,,me d'un nuage,venez voir le peu qui vous refte d'une fi augufte naiffance, de tant de grandeur, de tant

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,, de gloire. Jettez les yeux de toutes parts: voilà tout ce qu'a pu faire la magnificence & la piété pour ho,, norer un héros. Des titres, des infcriptions, vaines marques de ce qui n'eft plus; des figures qui femblent pleurer autour d'un tombeau, & de fragiles images d'une douleur ,, que le tems emporte avec tout le refte; des colonnes qui femblent vouloir porter jufqu'au ciel le magnifique témoignage de votre néant. Quel exemple du ftyle harmonieux ? Obfcurcies & couvertes de votre douleur n'auroit peint qu'à l'imagination, comme d'un nuage rend le tableau fenfible à l'oreille. Boffuet pouvoit dire, les déplorables reftes d'une fi auguste naiffan ce; mais pour exprimer fon idée il ne lui falloit pas de grands foins : il a préféré le peu qui refte, & a refervé la pompe de l'harmonie pour la naiffance, la grandeur & la gloire, qu'il a fait contrafter avec ces foibles fons. La même oppofition fe fait fentir dans ces mots, vaines marques de ce qui n'eft plus. Quoi de plus expreffif à l'oreille que ces figures qui femblent pleurer aut tour d'un tombeau ! C'eft la lenteur d'u ne pompe funebre. Et que l'on ne di

fe pas que le hafard produit ces effets; je découvre par-tout dans les bons Ecrivains les traces du fentiment ou de la réflexion: fi ce n'eft point l'art, c'eft le génie car le génie eft l'inftinct des grands hommes. Il fuffit de lire ces paroles de Fléchier dans la péroraifon de Turenne :,, Ce grand

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homme étendu fur fes propres tro,, phées, ce corps pâle & fanglant ,, auprès duquel fume encore la foudre qui l'a frappé.,, Il fuffit de les lire à haute voix pour fentir l'harmonie qui réfulte de cette longue fuite de fyllabes triftement fonores, terminées tout-à-coup par ce dipirriche, qu la frappe. Dans le même endroit, aulieu de la religion & de la patrie eploree, que l'on dife, de la religion & de la patrie en pleurs, il n'y a plus aucune harmonie; & cette différence fi fenfible pour l'oreille, dépend d'un dichorée fur lequel tombe la période : effet fingulier de ce nombre, dont on peut voir l'influence dans prefque tous les exemples que je viens de citer & qui dans notre langue, comme dans celle des Latins, conferve fur l'oreille le même empire qu'il exerçoit du tems de Cicéron (a).

(a) Filii temeritas comprobavit.

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Je n'ai fait. fentir jufqu'à préfent qu'une harmonie majestueufe & fombre, parce que j'en ai pris les mode, les dans des difcours où tout, refpire la douleur. Mais dans les momens tranquilles, dans la peinture des douces émotions de l'ame, dans les tableaux naïfs & touchans, l'Eloquence françoife a mille exemples du pouvoir & du charme de l'harmonie, Lifez les difcours enchanteurs que le vénérable Maffillon adreffoit à un jeune Roi; vous verrez combien la mélodie des paroles ajoûte à l'onction célefte de la fageffe & de la vertu. roman noléo

Le Poeme épique eft encore plus va rié dans fon harmonie; mais par malheur nous avons peu de Poëmes en profe que l'on puiffe citer comme des modeles du ftyle harmonieux : il femble que les Traducteurs n'aient pas même eu la penfée de fubftituer à l'harmonie des Poétes anciens les nome bres & les mouvemens dont notre langue étoit capable. Cependant on en trouve plus d'un exemple dans la traduction du Paradis perdu & dans celle de l'Iliade; quoi qu'en difent les tifans trop zélés de nos vers, lorfque; dans Homere la terre eft ébranlée d'un

par

coup du trident Neptune, l'effroi de Pluton qui s'élance de fon trône eft mieux peint par ces mots de Madame Da cier que par l'hémiftice de Boileau Pluton fort de fon trône. Et lorsqu'ellé dit des enfers » Cet affreux féjour » demeure éternelle des ténébres & » de la mort, abhorré des hommes » & craint même des dieux »>; fa profe me femble, même du côté de l'harmonie, au-deffus des vers :

Cet empire odieux

Abhorré des mortels & craint même des dieux, où l'on ne trouve rien de femblable à ees nombres, demeure éternelle des ténébres & de la mort

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L'Auteur du Télémaque excelle dans les fituations paifibles. Sa profe mélodieufe & tendre exprime le caracte→ re de fon ame, la douceur & l'égalité; mais dans les mouvemens où l'expreffion demanderoit des mouvemens brufques & rapides; fon ftyle n'y répond pas affez. On voit dans les mêmes tableaux, des exemples du charme naturel de fon harmonie & du défaut de vigueur qu'on lui reproche avec fon.

Jettons les yeux fur la defcription

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