jet que tel qu'il eft en lui-même : ce font des figures de mots qui n'ajoutent rien au coloris du ftyle, La mort de Laocoon dans l'Enéïde eft un tableau; l'incendie de Troie eft une defcription; la defcription différe du tableau, en ce que le tableau n'a qu'un moment & qu'un lieu fixe. La defcription peut être une fuite de tableau, peut être un tiflu d'images; l'image elle-même peut former un tableau; nous en allons voir des exemples. Mais l'image, comme je l'ai définie, eft le voile matériel d'une idée; au-lieu que la defcription & le tableau ne font le plus fouvent que le miroir de l'objet même. Comme cette tranflation de mots, d'un objet à l'autre, fe fait par analogie, l'image fuppofe une reffemblan→ ce, renferme une comparaifon; & de la jufteffe de la comparaifon dépend la clarté, la tranfparence de l'image. Mais la comparaifon eft fous-entendue, indiquée ou développée: on dit d'un homme en colere, il-rugit; on dit de même, c'eft un lion; on dit encore, tel qu' tel qu'un lion altéré de fang, &c. Il rugit, fuppofe la comparaifon; c'est lion l'indique; tel qu'un lion la déve Loppe. On demandera peut-être, comment il peut y avoir affez de reffemblance entre une idée métaphyfique & un objet matériel, pour que Fun foit l'image de l'autre ; ce n'eft pas ici le lieu d'expliquer l'analogie des fenfations, mais un exemple mettra fur la voie. Nous appellons lumineux dont l'action un corps l'influence nous rend les objets vifibles. Nous appellons lumineux, un efprit qui dans l'ordre des idées nous découvre de nouveaux rapports ou des qualités inconnues : un tel efprit eft pour notre ame ce que le foleil eft pour nos yeux, & c'eft de cette analogie que le terme lumineux, appliqué à l'efprit, tire fa jufteffe & fa force. Souvent l'analogie de l'image avec l'idée eft indépendante de toute convention. Par exemple, l'efprit le moins, cultivé paffe naturellement des images de l'étendue permanente aux idées de l'étendue fucceffive. Un fourd & muet de naiffancé, pour exprimer le paffé, montroit l'efpace qui étoit derriere lui; & l'efpace qui étoit devant, pour exprimer l'avenir. Nous les défignons à peu-près de même. Les tems reculés; j'avance en âge; les années s'écoulent, &c. Quoi de plus clair & de plus jufte que cette image dont fe fert Montagne, pour dire qu'il s'occupe agréablement du paffé fans prévoir l'avenir qui l'attend?» Les ans peuvent m'en» traîner, mais à reculons. » Souvent auffi la facilité d'appercevoir une idée fous une image eft un effet de l'habitude, & fuppofe une convention. De-là vient que toutes les images ne peuvent ni ne doivent être tranfplantées d'une langue dans une autre langue; & lorfqu'on dit qu'une image ne fauroit fe traduire, ce n'eft pas tant la difette des mots qui s'y oppose que le défaut d'exercice dans la liaifon des deux idées. Toute image tirée des coutumes étrangeres, n'eft reçûe parmi nous que par adoption ; & fi les efprits n'y font pas habitués le rapport en fera difficile à faifir. Hofpitalité exprime une idée claire en françois comme en latin, dans fon acception primitive: on dit les dieux hofpitaliers, un peuple hofpitalier; mais cette idée ne nous eft pas affez familiere pour fe préfenter d'abord à propos d'un arbre qui donne afyle aux voyageurs: ainfi l'umbram hofpitalem d'Horace, traduit à la lettre par un ombra ge hofpitalier, ne feroit pas entendu fans le fecours de la réflexion. Il arrive auffi que dans une langue, l'opinion attache du ridicule ou de la baffeffe à des images, qui, dans une autre langue, n'ont rien que de noble & de décent. La métaphore de ces deux beaux vers de Corneille, Sur les noires couleurs d'un fi trifte tableau n'auroit pas Frigus opacum. (b) Caligantem nigra formidine lucum que les images fuivent l'ordre des idées, & en obfervent les rapports. C'eft rétrécir le cercle de la Poëfie, mais de peu de chofe; & je ne crois pas que ce qu'elle y perd mérite nos regrets. Telle image eft claire comme expreffion fimple, qui s'obfcurcit dès qu'on veut l'étendre. S'enivrer de louange, eft une façon de parler familiere: s'enivrer eft pris là pour un terme primitif; celui qui l'entend ne foupçonne pas qu'on lui préfente la louange comme une liqueur ou comme un parfum. Mais fi yous fuivez l'image, & que vous difiez Un Roi s'enivre des louanges que lui verfent les flatteurs, ou que les flatteurs lui font refpirer, vous éprouverez que celui qui a reçu s'enivrer de touange fans difficulté, fera étonné d'entendre verfer la louange, refpirer la louange, & qu'il aura befoin de réflexion pour fentir que l'un eft la fuite de l'autre. La difficulté ou la lenteur dé la conception vient alors de ce que le terme moyen eft fous-entendu : verser &' s'enivrer annoncent une liqueur: dans refpirer & s'enivrer, c'eft une vapeur qu'on fuppofe. Que la liqueur ou la vapeur foit expreffément énoncée,l'analogie des termes eft claire & frap |