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dier pourquoi il écrit loix au lieu de lois. Il ne serait peut-être pas difficile de montrer que le second est plus ancien que le premier; il est encore plus aisé de s'assurer qu'il est aussi plus vrai. Le pluriel leges n'a point d'a, et si l'on veut mettre quelque part cette consonne muette, c'est au singulier qu'il faut l'attacher; lex donnera la loix.

Par-ci par-là, M. Nodier accorde au paradoxe et au système un peu plus que de raison. On pouvait dire, avec quelque apparence, que « le balbutiement << de l'enfant au berceau, c'est le langage de la pre« mière société avant que toutes les ressources de « son organisme vocal eussent été manifestées à son <<< entendement et conquises par son expérience; »> mais c'est un vrai badinage que d'ajouter en preuve que « le premier livre de l'humanité se nomma « Biblion. » Au sujet du mot fixer, employé dans le sens de regarder fixement, M. Nodier proteste que «< cette locution eût-elle encouru dix fois davan<< tage les anathèmes de Voltaire, il n'hésitera jamais << à l'employer. » Il aura tort, selon nous, et s'il objecte que c'est pourtant «< une magnifique hyper

bole,» il aura dit la vraie raison qui doit l'empêcher de s'en servir à l'ordinaire; un trope si hardi ne doit jamais entrer dans le domaine commun; nous n'avons déjà jeté que trop de ces fortes images dans le fonds social, et M. Nodier ne voit pas sans doute avec plus de plaisir que nous la langue actuelle regorger de ces expressions qu'il fallait scru

puleusement laisser à leurs auteurs ou à leur occasion; ces métaphores brûlantes tombent dans la langue comme un fer rouge dans l'eau, où il s'éteint en sifflant, et se refroidit le moment d'après ; c'est ainsi que la parole humaine s'use et se décrédite, ce qui est un plus grand mal qu'on ne croit. Pour en revenir à l'idée du mot fixer, c'est bien assez que l'idée d'attacher sa vue sur un objet ait été rendue par un terme aussi énergique que celui de regarder. Qu'il parut beau en naissant! Mais qui y prend garde maintenant? En vérité, la langue entière paraît comme une armée endormie que la science peut seule, et par intervalles, tirer de son long sommeil.

Si j'osais prolonger cet article, je dirais quelque chose du beau chapitre sur les patois, je citerais bien d'autres choses encore; mais mon lecteur n'a pas besoin de toutes ces recommandations; je vois déjà entre ses mains le volume de M. Nodier; ce qui est digne d'une attention particulière saura bien l'obtenir sans mon intercession; je finis donc en promettant à ceux qui entreprendront cette lecture une instruction d'un ordre élevé, et un plaisir très pur et très vif.

FIN DES ESSAIS.

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