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Un homme qui s'aimoit sans avoir de rivaux
Passoit dans son esprit pour le plus beau du monde :
Il accusoit toujours les miroirs d'être faux,
Vivant plus que content dans son erreur profonde.
Afin de le guérir, le sort officieux

Présentoit partout à ses yeux

Les conseillers muets dont se servent nos dames:
Miroirs dans les logis, miroirs chez les marchands,
Miroirs aux poches des galants,

Miroirs aux ceintures des femmes.

Que fait notre Narcisse? Il se va confiner
Aux lieux les plus cachés qu'il peut s'imaginer,
N'osant plus des miroirs éprouver l'aventure.

Mais un canal, formé par une source pure,

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L'auteur des Maximes, qui avaient été publiées en 1665 ct avaient, dès leur apparition, obtenu beaucoup de succès.

Se trouve en ces lieux écartés:

Il s'y voit, il se fâche; et ses yeux irrités

Pensent apercevoir une chimère vaine.

Il fait tout ce qu'il peut pour éviter cette eau :
Mais quoi le canal est si beau,

Qu'il ne le quitte qu'avec peine.

On voit bien où je veux venir.
Je parle à tous; et cette erreur extrême
Est un mal que chacun se plaît d'entretenir.
Notre ame, c'est cet homme amoureux de lui-même :
Tant de miroirs, ce sont les sottises d'autrui,

Miroirs, de nos défauts les peintres légitimes;
Et quant au canal, c'est celui

Que chacun sait, le livre des Maximes.

J.

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Le Dragon à plusieurs têtes, et le Dragon à plusieurs queues.

Un envoyé du grand seigneur

Préféroit, dit l'histoire, un jour, chez l'empereur,
Les forces de son maître à celles de l'empire.
Un Allemand se mit à dire :

Notre prince a des dépendants

Qui, de leur chef, sont si puissants

Que chacun d'eux pourroit soudoyer une armée.
Le chiaoux, homme de sens,

Lui dit: Je sais par renommée

Ce que chaque électeur peut de monde fournir;
Et cela me fait souvenir

D'une aventure étrange, et qui pourtant est vraie.
J'étois en un lieu sûr, lorsque je vis passer

Les cent têtes d'une hydre au travers d'une haie. Mon sang commence à se glacer;

Et je crois qu'à moins on s'effraie.

Je n'en eus toutefois que la peur sans le mal:
Jamais le corps de l'animal

Ne put venir vers moi, ni trouver d'ouverture.
Je rêvois à cette aventure

Quand un autre dragon, qui n'avait qu'un seul chef,
Et bien plus d'une queue, à passer se présente.
Me voilà saisi derechef

D'étonnement et d'épouvante.

Ce chef passe, et le corps, et chaque queue aussi :
Rien ne les empêcha; l'un fit chemin à l'autre.
Je soutiens qu'il en est ainsi

De votre empereur et du nôtre.

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Pour un âne enlevé deux voleurs se battoient:
L'un voulait le garder, l'autre le vouloit vendre.
Tandis que coups de poing trottoient,
Et que nos champions songeoient à se défendre,
Arrive un troisième larron

Qui saisit maître aliboron **.

L'âne, c'est quelquefois une pauvre province:
Les voleurs sont tel et tel prince,

Comme le Transilvain, le Turc, et le Hongrois.
Au lieu de deux, j'en ai rencontré trois :

Il est assez de cette marchandise.

De nul d'eux n'est souvent la province conquise:
Un quart*** voleur survient, qui les accorde net
En se saisissant du baudet.

Esop., 96, Leo, Ursus, et Vulpes; 39, Leo et Ursus.

* Maitre aliboron, expression usitée autrefois pour désigner un àne, ou un ignorant. Rabelais, liv. 11, chap. xx, appelle un avocat maitre Aliborum. *** Pour un quatrième voleur.

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