Page images
PDF
EPUB

l'Evangile de l'enfance, dans lequel il eft dit que Jofeph & Marie furent volés en Egypte par Titus & Dumachus. Or, difent-ils, on ne les aurait pas volés s'ils n'avaient pas eu beaucoup d'argent. Ces deux voleurs furent pendus depuis; l'un fut le bon larron, & l'autre le mauvais larron. Mais l'Evangile de Nicodème leur donne d'autres noms; il les appelle Démas & Geftas..

Le même Evangile de l'enfance dit que ce furent des mages & non pas des rois qui vinrent à Bethleem; qu'ils avaient été à la vérité conduits par une étoile, mais que l'étoile ayant ceffé de paraître quand ils furent dans l'étable, un ange leur apparut en forme d'étoile pour leur en tenir lieu. Cet évangile afsure que cette vifite des trois mages avait été prédite par Zoradaft qui eft le même que nous appelons Zoroastre.

Suarez a recherché ce qu'était devenu l'or que préfentèrent les trois rois, ou les trois mages. Il prétend que la fomme devait être très-forte, & que trois rois ne pouvaient faire un préfent médiocre. Il dit que tout cet argent fut donné depuis à Judas, qui servant de maître-d'hôtel devint un fripon, & vola tout le tréfor.

Toutes ces puérilités n'ont fait aucun tort à la fête de l'Epiphanie, qui fut d'abord instituée par l'Eglife grecque, comme le nom le porte, & enfuite par l'Eglife latine.

célébrée

E POPÉE.

Poëme épique.

PUISQUE UISQUE épos fignifiait difcours chez les Grecs, un poëme épique était donc un difcours; & il était en vers parce que ce n'était pas encore la coutume de raconter en profe. Cela paraît bizarre, & n'en eft pas moins vrai. Un Phérécide passe pour le premier grec qui fe foit fervi tout uniment de la profe pour faire une hiftoire moitié vraie, (a) moitié fauffe, comme elles l'ont été prefque toutes dans l'antiquité.

Orphée, Linus, Tamiris, Mufee, prédéceffeurs d'Homère, n'écrivirent qu'en vers. Héfiode, qui était certainement contemporain d'Homère, ne donne qu'en vers fa théogonie, & fon poëme des travaux & des jours. L'harmonie de la langue grecque invitait tellement les hommes à la poëfie, une maxime refferrée dans un vers fe gravait fi aifément dans la mémoire, que les lois, les oracles, la morale, la théologie, tout était en vers.

D'Héfiode.

IL fit ufage des fables qui depuis long-temps étaient reçues dans la Grèce. On voit clairement à la manière fuccincte dont il parle de Prométhée & d'Epimethée, qu'il fuppofe ces notions déjà familières à tous les Grecs. Il n'en parle que pour montrer qu'il faut travailler, & (a) Moitié vraie, c'eft beaucoup.

qu'un lâche repos dans lequel d'autres mythologiftes ont fait confifter la félicité de l'homme, eft un attentat contre les ordres de l'Etre fuprême.

Tâchons de présenter ici au lecteur une imitation de fa fable de Pandore, en changeant cependant quelque chose aux premiers vers, & en nous conformant aux idées reçues depuis Héfiode; car aucune mythologie ne fut jamais uniforme.

Prométhée autrefois pénétra dans les cieux.

Il prit le feu facré, qui n'appartient qu'aux Dieux.
Il en fit part à l'homme; & la race mortelle,
De l'efprit qui meut tout, obtint quelque étincelle.
Perfide! s'écria Jupiter irrité,

Ils feront tous punis de ta témérité;

Il appela Vulcain; Vulcain créa Pandore.

De toutes les beautés qu'en Vénus on adore

parure.

Il orna mollement fes membres délicats;
Les amours, les défirs forment fes premiers pas.
Les trois Grâces & Flore arrangent sa coiffure,
Et mieux qu'elles encore elle entend la
Minerve lui donna l'art de perfuader;
La fuperbe Junon celui de commander.
Du dangereux Mercure elle apprit à féduire,
A trahir fes amans, à cabaler, à nuire;
Et par fon écolière il se vit surpaffé.

Ce chef-d'œuvre fatal aux mortels fut laiffé;
De Dieu fur les humains tel fut l'arrêt fuprême:
Voilà votre fupplice, & j'ordonne qu'on l'aime. (b)
Il envoie à Pandore un écrin précieux;
Sa forme & fon éclat éblouiffent les yeux;

(b) On a placé ici ces vers d'Héfiode, qui font dans le texte avant la création de Pandore.

Quels biens doit renfermer cette boîte fi belle !

De la bonté des Dieux c'eft un gage fidelle;

C'est là qu'eft renfermé le fort du genre-humain.

Nous ferons tous des dieux.... elle l'ouvre; & foudain Tous les fléaux ensemble inondent la nature.

Hélas! avant ce temps dans une vie obscure,

Les mortels moins inftruits étaient moins malheureux;
Le vice & la douleur n'osaient approcher d'eux;
La pauvreté, les foins, la peur, la maladie,
Ne précipitaient point le terme de leur vie.

Tous les cœurs étaient purs, & tous les jours fereins &c.

Si Hefiode avait toujours écrit ainfi, qu'il ferait fupérieur à Homère !

Enfuite Héfiode décrit les quatre âges fameux, dont il eft le premier qui ait parlé, (du moins parmi les anciens auteurs qui nous reftent.) Le premier âge eft celui qui précéda Pandore, temps auquel les hommes vivaient avec les dieux. L'âge de fer eft celui du fiége de Thèbes & de Troye. Je fuis, dit-il, dans le cinquième, & je voudrais n'être pas né. Que d'hommes accablés par l'envie, par le fanatifme, & par la tyrannie, en ont dit autant depuis Héfiode!

C'est dans ce poëme des travaux & des jours, qu'on trouve des proverbes qui fe font perpétués, comme, le potier eft jaloux du potier; & il ajoute : le muficien du muficien, & le pauvre même du pauvre. C'est là qu'eft l'original de cette fable du roffignol tombé dans les ferres du vautour. Le roffignol chanta en vain pour le fléchir, le vautour le dévore. Hérode ne conclut pas que ventre affamé n'a point d'oreilles; mais que les tyrans ne font point fléchis par les talens.

On trouve dans ce poëme cent maximes dignes des Xénophons & des Calons.

Les hommes ignorent le prix de la fociété; ils ne favent pas que la moitié vaut mieux que le tout. L'iniquité n'eft pernicieuse qu'aux petits. L'équité feule fait fleurir les cités.

Souvent un homme injufte fuffit pour ruiner fa patrie.

Le méchant qui ourdit la perte d'un homme,, prépare fouvent la fienne.

Le chemin du crime eft court & aifé. Celui de la vertu eft long & difficile; mais près du but il est délicieux.

DIEU a pofé le travail pour fentinelle de la vertu. Enfin fes préceptes fur l'agriculture ont mérité d'être imités par Virgile. Il y a auffi de très-beaux morceaux dans fa Théogonie. L'Amour qui débrouille le chaos; Vénus qui née fur la mer des parties génitales d'un Dieu, nourrie fur la terre, toujours fuivie de l'Amour, unit le ciel, la mer, & la terre ensemble, font des emblèmes admirables.

Pourquoi donc Héfiode eut-il moins de réputation qu'Homère? Il me femble qu'à mérite égal, Homère dût être préféré par les Grecs; il chantait leurs exploits & leurs victoires fur les Afiatiques leurs éternels ennemis. Il célébrait toutes les maisons qui régnaient de fon temps dans l'Achaïe & dans le Péloponèse; il écrivait la guerre la plus mémorable du premier peuple de l'Europe, contre la plus floriffante nation qui fût encore connue dans l'Afie. Son poëme fut prefque le feul monument de cette grande époque. Point de ville, point de famille qui ne fe crût honorée

« PreviousContinue »