Page images
PDF
EPUB

Sur une ftatue de Vénus.

Oui, je me montrai toute nue
Au Dieu Mars, au bel Adonis,
A Vulcain même, & j'en rougis;
Mais Praxitèle, où m'a-t-il vue?

Sur une ftatue de Niobé.

Le fatal courroux des Dieux
Changea cette femme en pierre;
Le sculpteur a fait bien mieux,

Il a fait tout le contraire.

Sur des fleurs à une fille grecque, qui paffait pour être fière.

Je fais bien que ces fleurs nouvelles
Sont loin d'égaler vos appas;

Ne vous énorgueilliffez pas,

Le temps vous fannera comme elles.

Sur Léandre qui nageait vers la tour d'Héro pendant une tempête.

Epigramme imitée depuis par Martial.

Léandre conduit par l'amour

En nageant, disait aux orages:
Laiffez-moi gagner les rivages,

Ne me noyez qu'à mon retour.

A travers la faibleffe de la traduction, il est aifé d'entrevoir la délicateffe & les grâces piquantes de ces

épigrammes. Qu'elles font différentes des groffières images, trop fouvent peintes dans Catulle & dans Martial!

At nunc pro cervo mentula fuppofita eft....

Uxor te cunnos nefcis habere duos.

Marot en a fait quelques-unes, où l'on retrouve toute l'aménité de la Grèce.

Plus ne fuis ce que j'ai été
Et ne le faurai jamais être;
Mon beau printemps & mon été
Ont fait le faut par la fenêtre.
Amour, tu as été mon maître,
Je t'ai fervi fur tous les Dieux.
Oh! fi je pouvais deux fois naître,
Comme je te fervirais mieux!

Sans le printemps & l'été qui font le faut par la fenêtre, cette épigramme ferait digne de Callimaque. Je n'oferais en dire autant de ce rondeau, que tant de gens de lettres ont fi fouvent répété.

Au bon vieux temps un train d'amour régnoit
Qui fans grand art & dons fe demenoit,

Si qu'un bouquet donné d'amour profonde
C'étoit donner toute la terre ronde,
Car feulement au cœur on fe prenoit ;
Et fi par cas à jouir on venoit,

Savez-vous bien comme on s'entretenoit?
Vingt ans, trente ans ; cela duroit un monde

Au bon vieux temps.

Or eft paffé ce qu'amour ordonnoit, (a)

Rien que pleurs feints, rien que changes on voit.
Qui voudra donc qu'à aimer je me fonde,

Il faut premier que l'amour on refonde,

Et qu'on le mène ainfi qu'on le menoit
Au bon vieux temps.

Je dirai d'abord que peut-être ces rondeaux, dont le mérite eft de répéter à la fin de deux couplets les mots qui commencent ce petit poëme, font une invention gothique & puérile, & que les Grecs & les Romains n'ont jamais avili la dignité de leurs langues harmonieufes par ces niaiferies difficiles.

Enfuite je demanderais ce que c'eft qu'un train d'amour qui regne, un train qui fe démène fans dons. Je pourrais demander fi venir à jouir par cas, font des expreffions délicates & agréables; fi s'entretenir & fe fonder à aimer ne tiennent pas un peu de la barbarie du temps, que Marot adoucit dans quelques-unes de fes petites poëfies?

Je penferais que refondre l'amour est une image bien. peu convenable, que fi on le refond on ne le mène pas; & je dirais enfin que les femmes pouvaient répliquer à Marot: Que ne le refonds-tu toi-même ? quel gré te faura-t-on d'un amour tendre & constant, quand il n'y aura point d'autre amour?

Le mérite de ce petit ouvrage semble consister dans une facilité naïve. Mais que de naïvetés dégoûtantes

(a) Il est évident qu'alors on prononçait tous les oi rudement, prenoit, demenoit, ordonnoit, & non pas ordonnait, demenait, prenait, puifque ces terminaisons rimaient avec voit. Il est évident encore qu'on fe permettait les báillemens, les hiatus.

dans

dans prefque tous les ouvrages de la cour de François I!

Ton vieux couteau, Pierre Martel, rouillé
Semble ton nez ja retrait & mouillé,

Et le fourreau tant laid où tu l'enguaines;
C'est que toujours as aimé vieilles guaines.
Et la ficelle à quoi il eft lié

C'est qu'attaché feras & marié.

Quant au manche de corne connaît-on
Que tu feras cornu comme un mouton.
Voilà le fens, voilà la prophétie

De ton couteau dont je te remercie.

Eft-ce un courtisan qui eft l'auteur d'une telle épigramme? eft-ce un matelot ivre dans un cabaret? Marot malheureufement n'en a que trop fait dans ce genre.

Les épigrammes qui ne roulent que fur des débauches de moines, & fur des obfcénités, font méprifées des honnêtes gens. Elles ne font goûtées que par une jeuneffe effrénée, à qui le fujet plaît beaucoup plus que le ftyle. Changez d'objet, mettez d'autres acteurs à la place; alors ce qui vous amusait paraîtra dans toute fa laideur.

EPIPHANIE.

La vifibilité, l'apparition, l'illustration, le reluisant. ON ne voit pas trop quel rapport ce mot peut

avoir avec trois rois, ou trois mages qui vinrent d'Orient conduits par une étoile. C'est apparemment Dictionn. philofoph. Tome IV.

C

cette étoile brillante qui valut à ce jour le titre d'Epiphanie.

On demande d'où venaient ces trois rois? en quel endroit ils s'étaient donné rendez-vous? Il y en avait un, dit-on, qui arrivait d'Afrique. Celui-là n'était donc pas venu de l'Orient. On dit que c'étaient trois mages; mais le peuple a toujours préféré trois rois. On célébre par-tout la fête des rois, & nulle part celle des mages. On mange le gâteau des rois, & non pas le gâteau des mages. On crie, le roi boit, & non pas, le mage boit.

D'ailleurs, comme ils apportaient avec eux beaucoup d'or, d'encens, & de myrrhe, il fallait bien qu'ils fuffent de très-grands feigneurs. Les mages de ce temps-là n'étaient pas fort riches. Ce n'était pas comme du temps du faux Smerdis.

Tertullien eft le premier qui ait affuré que ces trois voyageurs étaient des rois. St Ambroise & St Céfaire d'Arles tiennent pour les rois. Et on cite en preuve ces paffages du pfeaume LXXI : Les rois de Tarfis & des îles lui offriront des préfens. Les rois d'Arabie & de Saba lui apporteront des dons. Les uns ont appelé ces trois rois Magalat, Galgalat, Saraïm; les autres Athos, Satos, Paratoras. Les catholiques les connaiffent fous le nom de Gafpard, Melchior, & Balthazar. L'évêque Oforius rapporte que ce fut un roi de Cranganor dans le royaume de Calicut, qui entreprit ce voyage avec deux mages; & que ce roi, de retour dans fon pays, bâtit une chapelle à la Sainte Vierge.

On demande combien ils donnèrent d'or à Jofeph & à Marie? Plufieurs commentateurs affurent qu'ils firent les plus riches préfens. Ils fe fondent fur

« PreviousContinue »