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Un homme a de la fauffeté dans l'efprit, quand il prend prefque toujours à gauche ; quand ne confidérant pas l'objet entier, il attribue à un côté de l'objet ce qui appartient à l'autre, & que ce vice de jugement est tourné chez lui en habitude.

Il y a de la fauffeté dans le cœur, quand on s'eft accoutumé à flatter & à fe parer de fentimens qu'on n'a pas; cette fauffeté eft pire que la diffimulation, & c'eft ce que les Latins appelaient fimulatio.

Il y a beaucoup de fauffetés dans les hiftoriens des erreurs chez les philofophes, des menfonges dans prefque tous les écrits polémiques, & encore plus dans les fatiriques.

Les efprits faux font infupportables, & les cœurs faux font en horreur.

Fauffeté des vertus humaines.

QUAND le duc de la Rochefoucauld eut écrit fes pensées fur l'amour-propre, & qu'il eut mis à découvert ce reffort de l'homme, un monfieur Efprit, de l'oratoire, écrivit un livre captieux, intitulé: De la fauffeté des vertus humaines. Cet Efprit dit qu'il n'y a point de vertu; mais par grâce il termine chaque chapitre en renvoyant à la charité chrétienne. Auffi, felon le fieur Efprit, ni Caton, ni Ariftide, ni MarcAurèle, ni Epictete, n'étaient des gens de bien : mais on n'en peut trouver que chez les chrétiens. Parmi les chrétiens il n'y a de vertu que chez les catholiques; parmi les catholiques, il fallait encore en excepter les jéfuites, ennemis des oratoriens; partant Didionn. philofoph. Tome IV.

P

la vertu ne fe trouvait guère que chez les ennemis des jéfuites.

Ce M. Efprit commence par dire que la prudence n'est pas une vertu ; & fa raison eft qu'elle eft fouvent trompée. C'est comme fi on disait que César n'était pas un grand capitaine, parce qu'il fut battu à Dirrachium.

Si M. Efprit avait été philofophe, il n'aurait pas examiné la prudence comme une vertu, mais comme un talent, comme une qualité utile, heureuse; car un fcélérat peut être très-prudent, & j'en ai connu de cette espèce. O la rage de prétendre que

Nul n'aura de vertu que nous & nos amis !

:

Qu'est-ce que la vertu, mon ami? c'eft de faire du bien fais-nous-en, & cela fuffit. Alors nous te ferons grâce du motif. Quoi! felon toi, il n'y aura nulle différence entre le président de Thou & Ravaillac? entre Cicéron & ce Popilius auquel il avait fauvé la vie, & qui lui coupa la tête pour de l'argent? & tu déclareras Epiclète & Porphyre des coquins, pour n'avoir pas fuivi nos dogmes? Une telle infolence révolte. Je n'en dirai pas davantage, car je me mettrais en colère.

FECOND.

FECOND eft le fynonyme de fertile, quand il s'agit

de la culture des terres. On peut dire également un terrain fécond & fertile, fertilifer & féconder un champ.

La maxime, qu'il n'y a point de fynonymes, veut dire feulement qu'on ne peut fe fervir dans toutes

les occafions des mêmes mots : ainfi une femelle, de quelque espèce qu'elle foit, n'eft point fertile, elle est féconde.

On féconde des œufs, on ne les fertilise pas; la nature n'eft pas fertile, elle eft féconde. Ces deux expreffions font quelquefois également employées au figuré & au propre : un efprit eft fertile ou fécond en grandes idées.

Cependant les nuances font fi délicates, qu'on dit un orateur fécond & non pas un orateur fertile; fécondité & non fertilité de paroles; cette méthode, ce principe, ce fujet eft d'une grande fécondité & non pas d'une grande fertilité; la raifon en eft qu'un principe, un fujet, une méthode, produisent des idées qui naiffent les unes des autres, comme des êtres fucceffivement enfantés; ce qui a rapport à la génération. Bienheureux Scudéri dont la fertile plume.

Le mot fertile eft là bien placé, parce que cette plume s'exerçait, fe répandait fur toutes fortes de fujets.

Le mot fécond convient plus au génie qu'à la plume.

Il y a des temps féconds en crimes, & non pas fertiles en crimes.

L'ufage enfeigne toutes ces petites différences.

FELICITÉ.

Des différens ufages de ce terme.

ELICITE eft l'état permanent, du moins pour quelque temps, d'une ame contente; & cet état eft bien rare.

Le bonheur vient du dehors; c'eft originairement une bonne heure: un bonheur vient, on a un bonheur; mais on ne peut dire, il m'eft venu une félicité, j'ai eu une félicité; & quand on dit, cet homme jouit d'une félicité parfaite, une alors n'eft pas pris numériquement, & fignifie feulement qu'on croit que fa félicité eft parfaite.

On peut avoir un bonheur fans être heureux : un homme a eu le bonheur d'échapper à un piége, & n'en eft quelquefois que plus malheureux; on ne peut pas dire de lui qu'il a éprouvé la félicité.

Il y a encore de la différence entre un bonheur & le bonheur, difference que le mot félicité n'admet point.

Un bonheur est un événement heureux : le bonheur pris indécifivement, fignifie une fuite de ces

événemens.

Le plaifir eft un fentiment agréable & paffager : le bonheur, confidéré comme fentiment, eft une fuite de plaifirs; la profpérité, une fuite d'heureux événemens; la félicité, une jouiffance intime de fa profpérité.

L'auteur des Synonymes dit que le bonheur eft pour les riches, la félicité pour les fages, la béatitude pour les

pauvres d'efprit; mais le bonheur paraît plutôt le partage des riches qu'il ne l'eft en effet, & la félicité est un état dont on parle plus qu'on ne l'éprouve.

Ce mot ne fe dit guère en profe au pluriel, par la raison que c'est un état de l'ame, comme tranquillité, fageffe, repos; cependant la poëfie, qui s'élève au-deffus de la profe, permet qu'on dife dans Polyeucte:

Où leurs félicités doivent être infinies.

Que vos félicités, s'il se peut, foient parfaites.

Les mots, en paffant du fubftantif au verbe, ont rarement la même fignification. Féliciter, qu'on emploie au lieu de congratuler, ne veut pas dire rendre heureux; il ne dit pas même fe réjouir avec quelqu'un de fa félicité il veut dire fimplement faire compliment fur un fuccès, fur un événement agréable; il a pris la place de congratuler, parce qu'il eft d'une prononciation plus douce & plus fonore.

FEMME.

Phyfique & morale.

EN général elle eft bien moins forte

que l'homme,

moins grande, moins capable de longs travaux; fon fang est plus aqueux, fa chair moins compacte, fes cheveux plus longs, fes membres plus arrondis, les bras moins mufculeux, la bouche plus petite, les feffes plus relevées, les hanches plus écartées, le ventre

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