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renaissance des arts et des représentations qui précédèrent l'invention de l'opéra, je dois faire connaître les danses religieuses des anciens, leur introduction dans les cérémonies du christianisme, et les processions dansantes imaginées par le Roi René d'Anjou, les révérends pères jésuites, etc. Ce genre de spectacle forme une liaison entre les temps modernes et l'antiquité. Je m'en occuperai dans une prochaine livraison.

CASTIL-BLAZE.

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L'histoire des almanachs forme un chapitre des plus curieux dans les annales de la littérature anglaise; pendant un siècle et demi, les deux universités d'Oxford et de Cambridge, et la compagnie des Stationers (1) en eurent le monopole, qui leur avait été concédé par lettres-patentes de Jacques Ier. Aux termes de ces lettres-patentes, durant ce long espace de temps, les almanachs recevaient l'imprimatur de l'archevêque de Cantorbéry, et de l'évêque de Londres: on aurait cependant peine à imaginer un amas d'ignorance, de saletés et d'impostures comparable à celui qui se trouvait entassé sous un si mince format. Vers 1779, le monopole fut enfin renversé par

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(1) La compagnie ou corporation des Stationers a été reconnue en 1556 comme formant l'un des corps marchands de la cité de Londres. Sous cette dénomination de Stationers, on ne comprend pas seulement les libraires, mais encore tous les marchands de papiers à écrire, papiers d'impression, marchands d'estampes, etc.

L'étymologie du mot stationer a besoin d'être expliquée. Anciennement le commerce des livres était si peu important en Angleterre, comme en France et en Espagne, que ceux qui s'occupaient de ce négoce, et qui joignaient la fourniture de tout ce qui sert à écrire, n'étant pas assez riches pour avoir des boutiques, étalaient leurs marchandises dans des échoppes portatives, ou sur des tables près desquelles ils stationnaient dans les rues et sur les places publiques.

(Note du traducteur.)

les efforts et la persévérance d'un seul homme. Les corporations, autrefois gratifiées par Jacques Ier d'une si étrange faveur, s'adressèrent alors au parlement, pour en obtenir un acte confirmatif de leur privilége. Le bill qu'elles sollicitaient fut introduit par le ministère; mais Erskine, alors à l'aurore de sa renommée, parut à la barre pour le combattre. Le monopole tomba, pour ne se relever jamais, devant le vote solennel de la chambre des communes. Dès-lors, la compagnie des Stationers prit une marche toute différente: elle consolida de fait ce monopole, en achetant la propriété de tous les almanachs rivaux; forte de toutes ces ruses de commerce dont une corporation puissante a toujours le secret, elle sut en faire si bon usage, qu'elle réduisit à une impuissance absolue quiconque aurait pu être tenté de lui susciter une nouvelle concurrence. Pendant les cinquante dernières années, comme dans l'ancien temps, les Stationers ne se firent faute d'aucune abomination propre à allécher le vulgaire, et à assurer le débit de leur marchandise. Tout à coup cependant, on vit apparaître un nouvel almanach sous les auspices et la surveillance d'une société honorablement connue par ses grands et heureux travaux pour l'amélioration intellectuelle du peuple; ce fut la première fois, de mémoire d'homme, que l'Angleterre eut un almanach raisonnable et populaire tout à la fois. L'astrologie perdit, dès ce moment, toute sa puissance; la presse quotidienne, à son grand honneur, prit fait et cause pour le nouveau venu. Il n'y eut pas de coin si obscur de l'Angleterre où les blasphèmes de Francis Moore, les obscénités du bonhomme Robin (1) ne fussent désormais voués au ridicule. En moins d'une année, le livre obscène mourut de sa belle mort, et force fut au livre impie de ne plus mettre en circulation que les absurdités les plus plates et les plus vulgaires. Les débitans d'impiétés et d'ordu

(1) Francis Moore, Poor Robin, deux des almanachs les plus anciens et les plus répandus en Angleterre.

Tom. 4.

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res n'eurent d'autre ressource que de faire aussi un almanach utile et raisonnable, à l'exemple de ce nouvel émule, le seul redoutable qu'ils eussent jamais rencontré dans la lice. En 1829, notre tour est venu de prendre aussi le ton prophétique : nous prédisons donc que l'année 1832 ne s'accomplira pas sans que le nuage des erreurs depuis si long-temps accréditées parmi le peuple en Angleterre, ne se dissipe devant le jour naissant des lumières, qui déjà commencent à colorer notre horizon. Alors le peuple s'étonnera d'avoir souffert si long-temps qu'on insultât chaque jour à ses mœurs et à son intelligence. Nous ne donnons ici qu'un extrait de ce singulier chapitre de l'histoire de la littérature anglaise; mais les détails qu'il contient sont trop curieux pour qu'il n'y ait pas quelque intérêt à les réunir et à les remettre sous les yeux des lecteurs.

L'époque orageuse qui s'étend depuis la rupture de Charles Ier avec le parlement, jusqu'à la révolution, fut véritablement l'âge d'or de l'astrologie en Angleterre. Jacques Ier, qu'on a appelé le sot le plus sage de la chrétienté, ne fit guère autre chose « pour l'art, » que d'accorder aux universités et à la compagnie des Stationers le droit exclusif de vendre des recueils d'absurdités en forme d'almanachs. Envisagée sous le point de vue politique, cette concession était bien entendue; les almanachs avaient toujours eu une grande influence sur les opinions du bas peuple : c'était donc chose prudente pour l'autorité royale, que de s'assurer, par un présent de cette nature, les complaisances, et au besoin l'appui de corps aussi puissans, La France aussi avait ses faiseurs d'almanachs, qui se mêlaient de voir dans l'avenir; mais, depuis cent cinquante ans, le gouvernement français leur avait enlevé par ordonnance le don de prophétie. En Angleterre, libre à chacun d'être prophète; seulement il y avait bien plus d'adresse à faire de cette liberté lc profit exclusif de doctes personnages qui prenaient le soin de donner au

droit divin des rois ce dernier et brillant vernis de superstition, plus propre que tout le reste à éblouir et à charmer la multitude ignorante. Oxford et Cambridge, il faut, le dire à leur honneur, rougirent de s'associer à cette œuvre pieuse; mais elles ne rougirent pas de prendre leur part dans les bénéfices du monopole. Enfin ils vendirent leur droit à la compagnie des Stationers. Cet ordre illustre se montra si parfaitement digne du privilége primitif, et des priviléges qui s'y rattachaient; ces champions infatigables gagnèrent si bien leurs éperons, que le siècle suivant les salua du titre glorieux de «< consta»bles littéraires de la chambre étoilée, chargés d'étouf>> fer la science et les lumières auxquelles l'Angleterre » dut autrefois sa liberté. »

Charles Ier alla beaucoup plus loin que son très-sage père : non content d'encourager l'astrologie, il affectait encore d'y croire. On le vit tirer tout à coup Lilly et Gadbury de la condition obscure dans laquelle ils étaient nés, les encourager à publier l'horoscope royal, et s'en servir à propos pour menacer ses sujets désobéissans du courroux des astres.

Dans ce bon temps de l'astrologie, Lilly fut incontestablement le prince des magiciens : il avait été originairement laquais; mais ce ne fut point assez pour lui de dire la bonne aventure aux filles de cuisine, et de leur prédire qu'elles retrouveraient les cuillers volées; en 1633, Lilly publia hardiment l'horoscope de Charles Ier, à l'époque même où ce malheureux prince fut couronné roi d'Écosse. Charles fut trop faible ou trop adroit pour faire mettre l'imposteur au pilori, comme on aurait pu s'y attendre de la part d'un roi tel que l'ami de Strafford, et que le protecteur de Rubens (1).

(1) Lilly tira grand parti de la crédulité sincère ou affectée de Charles. Il fit beaucoup d'autres dupes, acquit une fortune considérable, et acheta une terre à Horsham, où il mourut en 1681.

(Note du traducteur.)

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