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Je me garderai bien, pour définir ces mouve ments, de prendre un cheval défectueux. Le plus beau & le meilleur fera toujours celui que je propoferai d'examiner : je lui fuppoferai toutes les perfections. C'eft à l'écuyer à connoître la nuance des individus qu'il fe propose de former.

A quelqu'ufage qu'on deftine un cheval, on doit l'infpecter mechaniquement: car fi l'on ignore les refforts & toutes les machines que la nature emploie pour la progreffion de cet animal, on fera fans ceffe trompé. Le tact formé & entretenu par la routine, eft incertain & aveugle, s'il n'eft fondé fur des règles fixes & conftamment propofées par la belle nature. C'est pour cela qu'il eft fi rare de trouver un bon connoiffeur en chevaux. Les gens que l'intérêt attache à l'étude de cet animal, n'ont qu'un tact groffier & fouvent trompeur. Ils ont vieilli dans les écuries & dans les haras: la nature a fans ceffe frappé leurs yeux; mais elle n'a jamais affecté leur raifonnement; un inftinet d'habitude leur fait faire un choix capricieux d'un cheval dont les qualités leur font inconnues. Le bon choix eft donc le réfultat d'un grand nombre de connoiffances; & le meilleur livre à étudier feroit une pratique réfléchie dans l'équitation. Si l'homme n'a long-temps fenti les qualités des chevaux, il n'a qu'une idée confufe du bon & du mauvais. Auffi je fuis perfuadé que les connoiffances, en fait de chevaux, vont de pair avec les talents pour l'ufage de ces animaux. La pratique manuelle donne de la fureté : on combine les qualités d'un individu, par les produits de tous ceux que l'on a connus.

On doit donc donner un foin extrême à l'étude des mouvements du cheval. En traitant cette partie, je fuppofe le lecteur inftruit dans l'équitation; plus il le fera, plus il fentira la vérité de mes affer

tions.

Avant que d'entrer en matière, nous devons prévenir que toutes les allures naturelles ont cela de commun, que les jambes fe meuvent dans le même ordre la célérité des mouvements produit feule la différence que notre oreille y remarque ; car, par l'inspection attentive, les yeux s'aflurent de cet axiome phyfique. La nature, fimple comme elle eft, n'a pas employé plufieurs moyens pour le même effet. Il eft plus important que l'on ne croit de fe convaincre, par l'examen, de ce que ja

vance.

Une autre vérité, c'eft que chaque animal marche le pas, ou quelqu'autre allure que ce foit, d'une manière différente. Une nuance imperceptible, qu'on apperçoit & qu'on fent dans les individus nous empêche d'établir des modèles fans défaur. Ainfi les caculs font trompeurs, fi on prétend les donner pour exacts. Nous nous bornons à décrire ce en quoi les chevaux fe reffemblent ordinairement.

Du Repos formé par l'équilibre. L'équilibre du cheval n'eft réellement formé que

dans cette fituation des jambes, où elles partagent entr'elles le poids de l'animal & du cavalier. Alors toutes les furfaces des os des jambes fe touchent & font placées les unes fur les autres dans l'état naturel, & de la manière que la vue du fquelette du cheval nous le fait connoître. Les muscles de chaque extrémité font en un état pareil dans les quatre jambes. Nous fuppofons l'uniformité la plus complette on ne voit aucune flexion quelconque; & les lignes d'innixion de ces colonnes font parallèles. Cet accord ne fubfifte plus dès l'inftant que l'animal penfe à fe mouvoir l'action & le repos font incompatibles; il faut que la nature même trouble cet ordre, & qu'elle fixe à chaque jambe une fonction différente.

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Obfervations fur les extrémités antérieures du Cheval

Je viens d'indiquer les mouvements naturels de la jambe de devant du cheval, tels que l'anatomie nous les fait connoître. Il eft vifible qu'ils font communs lorsqu'ils fuivent les actions de l'articulation par genou, qui eft, à l'humerus, la feule qui puiffe changer de fituation & de difpofition. Les autres articulations font toujours les mêmes, & les différentes motions de la jambe viennent de l'humérus. C'eft lui qui agit, foit que la jambe de dedans chevale fur celle de dehors, foit celle de que dehors chevale fur celle de dedans. C'est donc furtout fon articulation que l'on doit perfectionner pour exécuter les leçons de l'équitation. Nous prou verons que fes principaux mouvements s'opèrent par différents moyens qui reviennent toujours àpeu-près au même; car tout les muscles qui meuvent une articulation par genou, deviennent fucceffivement congénérés les uns aux autres. Dans toutes les actions fans nombre que peuvent produire les articulations par genou, les mêmes mufcles travaillent, mais dans un ordre & avec des degrés de tenfion qui varient à l'infini.

Les mouvements ne fe reffemblent pas toujours, quoiqu'ils fe paffent dans des membres deftinés aux mêmes fonctions. Une jambe peut avoir une motion différente de l'autre. Comme un cheval remue une articulation dans un autre fens qu'un autre cheval: c'eft une affaire de conformation, & ce font des exceptions aux loix générales de la na

ture.

Fonction des jambes du Cheval dans fa démarche; répartition fucceffive des poids fur chacune d'elles.

Les quatre jambes chargées également ne se remueroient pas, fi l'une d'elles n'étoit foulagée aux dépens des autres; & celle-ci n'eft foulagée que par des actions vifibles qui précèdent tout changement de lieu. Le mouvement étant une deftruction du repos, il faut s'attendre que ce que nous venons d'obferver ci-dessus sera anéanti; & cela eft néceffaire l'égalité de poids fur les quatre jambes eft un empêchement à leur motion. Celles qui feront dé

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Les jambes de devant ne font point destinées à fervir d'appui principal dans les mouvements de l'animal; celles de derrière font employées à cer ufage. L'appui principal ne peut être que fur les jambes de derrière, puifqu'elles feules peuvent fe débarraffer de leur poids; celles de devant feront donc foulagées. C'est par là que l'équilibre commence à être dérangé.

Soit donc le poids de chaque jambe pendant cet équilibre 10, les deux jambes de devant donneront 20, & les deux de derrière auffi 20.

D'abord les deux jambes de devant font foulagées; fuppofons que ce foit de 4 chacune, ce qui ne donne plus que 12 au lieu de 20. Ce poids eft reporté fur les deux jambes de derrière, ce qui, au lieu de 10, donne 14 pour chacune de ces jambes.

Cela ne fuffit pas; car fi les jambes de devant demeurent chargées également, elles doivent marcher également. Pour qu'il y en ait une qui foit plus libre que l'autre, elle doit encore être foulagée. Suppofons donc que c'eft la jambe droite de devant qui s'allège encore de 2 livres, refte 4 pour cette jambe. Que deviennent ces 2 livres que nous lui avons ôtées? Elles ne peuvent pas fe répartir également fur les deux jambes de derrière, car alors il fe pafferoit une action inutile fur celle qui marche la première. Ces 2 livres font donc uniquement pour la jambe qui fert d'appui, qui, dans notre fuppofition, eft la droite de derrière. Cellelà aura donc 16, fa voifine 14, la gauche de devant 6, & la droite de devant 4. Aufli verronsnous que ces jambes agiffent en raison de leurs poids la plus légère partant la première. Confidérons les actions de la nature, & prouvons la vérité de nos obfervations.

Premier Mouvement.

Que l'on examine un cheval quelconque avant qu'il fe difpofe à marcher, il enlève fon col & fa tete, & la porte un peu en arrière. Le cheval le plus vigoureux aura ce mouvement le plus fenfible. Dans quelque attitude que foit le cheval, ce mouvement de grandiffement fe fait toujours remarquer dans l'état même du plus grand abandon on l'obferve, quoique très-peu complet. Lorique le cheval eft animé & qu'il prend de l'ardeur, ce mouvement eft dans toute fa valeur. Jamais un cheval qui eft bien conftitué, & qui travaille avec

action, n'aura la tête baffe: il la porte très-haute; & c'eft ce qui lui donne de la fierté.

Ce mouvement dont je parle a des propriétés particulières. Pour les bien concevoir, on fuppofera que la tête, l'encolure, & le garot, forment un levier du fecond genre. L'appui fera au bas du garot: la réfiftance, qui eft compofée des épaules, des jambes, &c. correfpondra au haut du garot: la puiffance eft au haut de la tête. La puiffance feroit très-foible fi la longueur de ce bras de levier ne furpaffoit de beaucoup celui que l'on prend de la réfiftance à l'appui : le garot étant très-conrt, on voit que la longueur de la puiffance eft confidérable. Ce levier ainfi défini, voici comme il agit.

Le haut de la tête de l'animal fe porte en arrière. A la tête, font attachés plufieurs muscles confidérables qui font mouvoir les épaules, les jambes, &c. Les moindres notions anatomiques fuffifent pour attefter ces faits. Si la tète se porte en arrière, il ne peut pas fe faire que des membres qui lui font attachés, ne foient enlevés, parce que la conftruction du levier l'exige.

Il fe préfente ici une objection affez forte. Mais, dira-t-on, ce mouvement a-t-il à lui tout feul la force de charger le derrière, car vous ne pourrez décharger le devant fans que fon poids foit reporté fur le derrière; par quel méchanifme cela ce fait-il?

Je réponds que la propriété de l'appui du levier eft la folidité; que fi elle lui manque, la pefanteur du levier & celle de fes poids ajoutés, dérangeront cet appui jufqu'à ce qu'il se trouve un obftacle invincible: c'est ce qui arrive ici. Le garot eft appuyé aux vertèbres dorfales; ces vertèbres font flexibles donc l'appui du levier les foulera fucceffivement, & par-li l'appui fera reculé jusqu'aux hanches; donc la réfiftance du levier fe trouvera portée jufques fur les jarrets du cheval. C'eft ain que cette partie eft chargée par un méchanifme fimple & qui dépend uniquement de la volonté du cheval de changer de lieu.

Ce fait exiftant, j'ai donc raifon de prétendre que le premier acte de la volonté de l'animal produit, avant tout déplacement, un foulagement pour les jambes de devant.

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une petite action dans les vertèbres dorfales & lombaires; & la hanche, du côté où l'épaule a été enlevée, baiffe confidérablement : les articulations de toute cette jambe de derrière fléchiffent un peu ; mais rien ne quitte terre. L'autre hanche a donc un degré d'élévation confidérable de plus que la première. Qui pourra donc contefter que cette première eft la plus chargée, puifqu'elle femble fléchir fous le poids.

Obfervations fur les Mouvements précédents.

Plus le cheval veut mettre de viteffe dans fon pas; plus auffi l'action de la tête & du col eft confidérable & vite: plus l'épaule eft libre, & moins elle eft chargée; plus aufli fon mouvement eft apparent, & plus fon élévation eft fenfible. Un cheval pris dans les épaules, ou fatigué dans fes membres; fera à peine appercevoir cette contraction de mufcles. Si la hanche ne baiffoit pas, on pourroit affurer qu'elle n'eft pas chargée du poids: plus elle baiffe, plus elle eft chargée. Auffi dans un cheval fur les épaules, les jambes de derrière femblent agir tout d'une pièce, & fans aucune flexion. Tels font les actes qui précèdent le déplacement de la première jambe.

De l'appui fur les jambes.

Cette démonstration nous prouve que le poids eft reporté fur le derrière; que par conféquent le devant ne donne qu'un foutien qui empêche les chûtes. Je dis, de plus, que l'appui de toute la mafle ne fe peut faire que fur une jambe de derrière; & que cette jambe eft celle du côté de la jambe de devant qui part la première.

Ordre des Motions des jambes.

L'ordre dans lequel fe meuvent les jambes, prouve ma propofition. Le cheval agiffant à droite, la jambe droite de devant s'avance la première; la jambe gauche de derrière fe porte enfuite en avant; la gauche de devant fait fon mouvement; enfin, la droite de derrière quitte la dernière le terrein, & marche à fon tour.

Dans l'action, nous remarquons que la répartition des poids change dès qu'une jambe a fait fa fonction & qu'elle eft pofée. Il est certain que cette jambe-là eft plus chargée que celle qui eft en l'air, parce que la maffe tend à s'appuyer deffus en partie. Je dis en partie; parce que tout cheval qui fe foutient ne s'abandonne pas fur cette jambe lorfqu'elle tombe; mais par l'effort de fes reins', il la ménage, & ne s'appéfantit pas deffus. Ainfi dans la démarche, quoique les jambes foutiennent alternativement le devant, & que cela varie la quantité de leurs poids, cependant cela ne change rien à l'ordre établi, parce que l'allure eft formée d'un nombre de pas enrelacés, qui n'ont qu'une même formation. Le Equitation, Efcrime & Danfe.

cheval prend indifféremment l'une ou l'autre jambe de derrière pour fon plus grand appui; ainfi il part également à droite & à gauche. Peu de chofe le détermine s'il eft fain & net par-tout. S'il eft douloureux dans quelque partie, qu'il n'ait pas une force ou une foupleffe égale dans les deux côtés, il aimera de préférence à partir du côté où il eft le plus vigoureux. On n'oubliera pas qu'il s'agit ici du cheval dans l'état de nature.

Tant que la jambe de derrière eft chargée, le refte eft léger, & elle n'eft déchargée que par le mouvement qui lui eft propre : donc tant qu'elle n'a pas remué, les autres n'ont d'autre maffe que celle qui leur eft restée après les mouvements qui précèdent la marche. Mais cette jambe, en partant la dernière, fe décharge fur fa voifine, qui, à fon tour, devient point d'appui dans la formation du fecond pas. Les deux jambes de derrière deviennent donc alternativement le principal appui du cheval dans la continuité de l'allure. Cependant on doit en excepter le galop dans lequel le cheval conferve l'appui qu'il a choifi, jufqu'à ce que quelque caufe intervertiffe l'ordre de fa progreffion.

Le méchanifine de ce rejet de poids d'une jambe fur l'autre, eft intéreffant; & comme il peut fournir de grandes lumières pour l'ufage du cheval dans l'équitation, je vais donner la théorie du reffort, par laquelle on jugera plus furement des actions des jambes de derrière. Car je prétends que l'action par laquelle ces jambes portent la machine en avant, comme l'a penfé M. de Buffon, & d'accord avec lui, le plus grand nombre des écuyers, eft exécutée par la compreffion & l'extenfion du reffort qui exifte dans les jambes de derrière; &, par une fuite de ce principe, je nie qu'il y ait aucune élafticité dans les jambes de devant.

Ceci doit fervir à réfuter le fiftème de ceux qui, entendant mal l'expreffion mettre le cheval fur fes quatre jambes, croient que, pour exécuter leur principe, les deux jambes de devant dans l'action. doivent porter la moitié de la maffe. Siftème démenti par la nature & par l'ufage du cheval, que notre propre inftina & notre fureté nous font defirer très-léger du devant.

Application de la Théorie du Reffort à la jambe de

derrière du Cheval,

Le reffort, en tant qu'il eft machine, eft de toute forme & de toute matière. Ses propriétés effentielles font de changer de forme & de pofition par la compreffion de quelque force étrangère, & de tendre à fe remettre dans fon état naturel dès que les caufes n'agiffent plus.

Pour notre commodité, nous confidérerons ici la machine fous la figure d'un angle formé par 'a réunion de deux branches. Affurément la jam e poftérieure du cheval nous offre bien l'idée d'un reffort, fur-tout fon jarret. Les ligaments & les ten dons qui affermiffent fes articulations, les rendent

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très-élaftiques. Pénétrons dans le méchanifme du reffort, & cherchons des motifs de le comparer au jarret du cheval.

Nous diftinguons dans le reffort angulaire, fon fommet, fa refiftance, & fa puiffance. J'entends par fommet, le point où les deux branches fe réuniffent; par réfiftance, l'objet inébranlable qui appute le reffort; par puiffance, le poids qui eft deftiné à le comprimer.

Le jarret eft proprement le reffort renfermé dans la jambe de derrière; les autres os qui l'accompagnent font deftinés à d'autres ufages, & cependant concourent à former les branches du reffort: la compreffion eft faite par le poids du corps: la terre eft l'appui ferme qui le foutient.

Le corps, placé à l'oppofite de la résistance du reffort, tend par fon poids à rapprocher fes deux extrémités. Nous voyons dans le cheval que, dès inftant qu'une de fes jambes de derrière eft chargée de la maffe de fon corps, toutes les articulations fe fléchi fent, & notamment le jarret.

L'action ou la force avec laquelle un reffort eft comprimé, cft la mefure de colle avec laquelle il fe détend Ceux qui obferveront la flexion des membres du cheval, reconnoîtront que plus il y a de lenteur d n; le chargement, plus il y en a dans

la détente.

La direction dans laquelle la maffe charge le reffort, eft la même que celle dans laquelle il fe détend. C'est pour cela que dans les allures les plus vites du cheval, la jambe qui fert d'appui tombe obliquement fous le ventre: & quoique dans les grandes courfes nous voyons les quatre jambes étendues & fort éloignées du centre de gravité, cependant dans le moment de la foulée, les jambes de derrière font fous le ventre; fans cela il feroit impoffible que le cheval pût avancer. Nous voyons aufli que tout cheval dont les hanches traînent, n'avance pas, & que fon appui fe fait loin du centre de gravité.

La réfiftance du reffort doit être inébranlable: fi elle ne l'eft pas, le reffort perd de fon action, parce qu'il déplace dans le choc une quantité plus ou moins grande de matière. Ainfi le cheval a moins de facilité à courir dans le fable que fur un terrein forme.

Il n'eft pas néceffaire que toute l'élaflicité du reffort foit employée, ni qu'il foit toujours bands: on peut aifément varier fes effets & ménager fes facultés. La pratique nous apprend qu'on peut af fcoir plus ou moins les chevaux. Il y a des degrés dans la compreffion: le bon fens, l'intérêt, & la confervation de l'animal, exigent que nous ne la poulions pas à l'extrême.

Si le corps qui comprime un reffort, retombe fur ce reffort après la première réaction, certainement le retort agira comme à la première fois.

Lo que le cheval a pris fon appui fur une jambe de derrière, & que cette jambe ayant fait fon action, vient à fe replacer dans la même direction,

je dis que la maffe venant encore à la charger, le reffort fe trouve comprimé de nouveau, & l'allure fe perpétue.

L'égalité qui règne entre la détente & la nouvelle compreffion d'un reffort, produit la commu nication mutuelle d'un mouvement uniforme: le cheval a une cadence réglée lorsque l'action de fes jambes de derrière & celle de fa malle font égales à tous les pas.

Plufieurs refforts égaux & rangés à côté les uns des autres, n'agiffent pas plus, à force égale, qu'un feul. C'eft aufli pourquoi dans la jambe de derrière du cheval, il n'y a qu'un feul reffort, qui eft le jarret, les autres articulations ne pouvant d'elles-mêmes s'étendre, les muscles extenfeurs étant deftinés à cette fonction.

La difpofition des articulations des jambes poftérieures du cheval, nous préfente des angles externes oppofés ; & cela étoit néceffaire pour la flexion des os de ces membres les uns fur les autres. Nous répétons que le feul reffort de ces articulations eft le jarret. Auffi eft-il compofé tout différemment des autres. Car dans les articulations ordinaires, il n'y a que deux têtes d'os; ici, il y en a fept, rangés en deux couches. Comme leurs figures ne font point régulières, je penfe qu'ils admettent un certain efpace ent'reux, & un interfice rempli par des matières qui cèdent plus aifément que ces offelets qui font extrèmement durs. Le centre de la compreffion eft donc vraiment le jarret, parce qu'il eft le centre de l'action occafionnée par le poids du corps & par la réaction du terrein. Ces deux puiffances oppofées font refluer vers le centre toutes les particules de matière qu'elles preffent des deux côtés ; & ces matières tendent à détruire tout le vuide qui pourroit s'y trouver. La matière entaffee à un certain point, ne peut plus être contenue dans des bornes fi étroites; & elle cherche à fe mettre à l'aife, & à regagner les endroits d'où elle avoit été déplacée imperceptiblement. C'eft l'effet de cette opération qui oblige la jambe de derrière à quitter terre, parce que le reffort étant détendu par en haut, toute la réaction du terrein revient fur lui & le fait fauter.

La conftruction du jarret favorife toute cette théorie. Une multitude de tendons & de ligaments le fortifient, & retiennent dans un ordre & un arrangement forcé touts ces os du jarret, qui, ne pouvant s'échapper, en deviennent encore plus élaftiques. Les deux couches des os du jarret repréfentent un trapeze dont le petit côté eft dans le pli du jarret. Malgré leur dureté, leur compreffion n'eft cependant pas infinie, à caufe des parties molles & des vaiffeaux qui les accompagnent : d'ailleurs les ligaments & les tendons ont une quantité de cohérence qui n'eft pas invincible.

Il faut favoir que pendant la compreffion des os du jarret, il fe paffe à fa pointe une action toure differente; car le poids & l'effort de toute la maffe tendent à écarter les deux branches de l'angle, &

à détruire leur union. Ainfi il est avantageux, pour la confervation de cet organe, que la compreffion ne l'emporte pas fur la cohérence: il s'enfuivroit une deftruction du reffort. Si au contraire le poids eft modéré, le reffort fe débande avec vigueur, & chaffe le corps en avant.

La difpofition, ou plutôt la direction dans laquelle le jarret & toute la jambe reçoivent le poids, eft la même que celle dans laquelle il eft rejetté. Connoiffant cette ligne, on fait le chemin que décrit le cheval: s'il pefe perpendiculairement fur le reffort, il fera chaffé de même. Dans les allures raffemblées, trides & raccourcies, le mouvement fe fait de bas en haut, parce que le reffort & toutes les articulations ne fe déploient pas en entier; mais dans les allures plus étendues, il y a encore le mouvement d'arrière en avant, produit par la tête du fémur qui pouffe fa cavité dans cette direction. Ainfi le cheval décrit une parabole avec tout fon corps fi l'allure eft vive, ou feulement avec la partie déplacée lorsqu'il marche lentement. Je crois avoir démontré que la jambe de derrière agit comme un reffort, & par là jouit de la faculté de pouffer toute la maffe en avant. Je vais à préfent démontrer que la jambe de devant a des ufages différents.

ces deux organes, c'eft que la compreffion du genou est toujours la plus grande dans la ftation; celle du jarret, au contraire, eft la moindre poffible: & que de plus toutes les actions tendent à foulager le gencu, & à charger les jarrets. Je crois donc être fondé à croire que les jambes de devant ne portent pas, dans l'actien, un poids égal à celui des jambes de derrière, & à prétendre qu'elles ne peuvent pas rejetter le poids dont elles font chargées, mais qu'il leur eft ôté par d'autres organes.

Il n'y auroit aucune fureté à l'animal à porter fur fon devant; car il détruiroit l'organisation de fes jambes, & feroit fans ceffe des efforts pour fe préferver des chûtes : cela eft bien évident dans les defcentes. D'ailleurs comment pourroit-il ne pas détruire le mouvement de fes épaules: toute leur attache confifte dans des mufcles que le poids continuel fur les jambes de devant extendroit & relâcheroit même avec douleur: ces mufcles perdroient leur jeu & leur mobilité, & l'épaule feroit fixe & fans aucune action.

Pour être entierement convaincu de cette affertion, appellons l'art à notre fecours, & voyons la différence des chevaux abandonnés fur leurs jambes de devant. Leurs épaules font immobiles; leurs jambes font arquées; leur maffe eft fans appui folide; & leur démarche lente, incertaine, traî

Les jambes de devant deflinées uniquement à foutenir nante, & fans aucune vivacité. Ceux au contraire

la maffe.

S'il y avoit reffort dans les jambes de devant, le centre de l'action devroit fe paffer dans le genou, par l'efpèce d'analogie qui fe trouveroit entre fes offelets & ceux du jarret. Mais je dis que les genoux ne font pas élastiques comme les jarrets, par l'ordre différent qu'ils confervent: car ils ne pourroient être comprimés que d'une manière trèségale, moyennant quoi il n'y auroit pas de déplacement de matière ; & dans le choc faute de déplacement, il n'y a pas de rétabliffement.

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Je fuppofe que par leur conftruction les genoux foient élastiques pour comprimer un reffort, il faut une puiffance; & nous avons obfervé que l'action qui précède tout mouvement d'une jambe, eft la contraction des muscles de l'épaule, qui, en la foulageant, ôtent le poids & la puiffance; en ôtant la puiffance, ils anéantiffent la résistance, & par la il est évident que la propriété du reffort eft détruite. De plus, admettons qu'une grande partie de la maffe porte fur le devant: qu'en arrive-t-il ? que les jambes fléchiffent & fuccombent fous le poids, parce qu'étant dans une pofition droite, & n'ayant aucun angle fixé & arrêté par des ligaments, il y a un dérangement dans leur fituation qu'elles ne peuvent rétablir d'elles-mêmes, parce qu'elles n'ont pas la cohérence des jarrets. Cet ordre étant une fois détruit, la jambe de devant ne fert plus à rien tant qu'elle eft dans cet état, tandis que le jarret fe rétablit de lui même.

La plus grande différence que je trouve dans

qui font accoutumés à fe fervir de leurs jarrets, ont des épaules brillantes, la marche sûre & noble, & une cadence harmonieuse. Enfin nous voyons que la plus grande partie des chevaux qui ont du fervice, font ruinés dans leurs jarrets, quelles qu'aient été les fonctions auxquelles ils ont été deftinés; tandis que les genoux ne font prefque jamais attaqués: preuve inconteftable qu'ils ne font point faits pour foutenir des efforts.

Les jambes de devant font donc uniquement deftinées à foutenir le corps lorfqu'il retombe: mais elles ne le foutiennent que tant qu'elles font fans flexion; comme une canne n'eft un appui ferme que dans fa fituation droite.

Direction de la ligne d'innixion des jambes du cheval

en mouvement.

L'examen du fquelette, & même fa connoiffance parfaite, font d'une grande utilité pour celui qui veut connoître le cheval: comment pourroit-il autrement juger de la bonne ou de la mauvaise attitude des jambes de l'animal? Ce n'eft pas feulement la defcription de la charpente animale qu'il lui importe de favoir de mémoire ou autrement, fes yeux doivent encore être exercés à juger les jambes d'après un examen réfléchi.

Le cheval varie prefque fans ceffe la pofition de fes jambes, mais nous le fuppofons abfolument en repos. S'il porte également fur les quatres jambes toutes les fuperficies des os feront logées, & leur appui fera bien formé. Cet appui n'a lieu que dans

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