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La gaule n'eft pas propre pour les chevaux de guerre, qui doivent obéir de la main à la main; & en avant pour les jambes, à caufe de l'épée qui doit être à la place de la gaule dans la main. droite, qu'on appelle auffi pour cela la main de l'épée. Dans un manége, on doit tenir la gaule toujours oppofée au côté où l'on fait aller le cheval, parce qu'on ne doit s'en fervir que pour animer les parties de dehors.

Il y a dans les jambes du cavalier cinq aides, c'est-à-dire, cinq mouvements: celui des cuiffes, celui des jarrets, celui des gras de jambes, celui du pincer délicat de l'éperon, & celui que l'on fait en pefant fur les étriers.

L'aide des cuiffes & des jarrets fe fait en ferrant les deux cuiffes, ou les deux jarrets, pour chaffer un cheval en avant, ou en ferrant feulement la cuiffe ou le jarret de dehors, pour le preffer fur le talon de dedans, ou en ferrant celui de dedans, pour le foutenir, s'il fe preffe trop en dedans. Il faut remarquer que les chevaux qui font chatouilleux, & qui retiennent leurs forces par malice, fe déterminent plus volontiers pour des jarrets vigoureux, que pour les éperons, & ordinairement ils fe retiennent quelque temps à l'éperon avant que de partir.

L'aide des gras de jambes, qui se fait en les apeft avertir prochant délicatement du ventre, pour le cheval qui n'a point répondu à l'aide des jarrets que l'éperon n'eft pas loin, s'il n'eft point fenfible à leur mouvement. Cette aide eft encore une des plus gracieufes & des plus utiles dont un cavalier puifle fe fervir, pour raffembler un cheval dressé, & par conféquent fenfible, lorfqu'il rallentit l'air de fon manége.

L'aide du pincer délicat de l'éperon se fait en l'approchant fubtilement près du poil du ventre, fans appuyer ni pénétrer jusqu'au cuir : c'est un avis encore plus fort que celui des cuiffes, des jarrets & des gras de jambes. Si le cheval ne répond pas à toutes ces aides, on lui appuie vigouseulement les éperons dans le ventre, pour le châtier de fon indocilité.

Enfin l'aide de peser fur les étriers eft la plus douce de toutes les aides. Les jambes alors fervent de contre-poids pour redreffer les hanches, & pour tenir le cheval droit dans la balance des talons. Cette aide fuppofe dans un cheval beaucoup d'obeillance & de fenfibilité; puifque, par la feule preffion qu'on fait en appuyant fur un étrier plus que fur l'autre, on détermine un cheval à obéir à ce mouvement, ce qui fe fait en pefant fur l'étrier de dehors, pour preffer & faire aller de côté un cheval en dedans; en pefant fur celui de dedans, pour foutenir & retenir un cheval qui fe preffe trop en dedans; ou bien en pefant également fur les deux étriers, pour l'avertir de diligenter fa cadence, lorsqu'il se retient plus qu'il ne doit.

Il ne faut pas croire que cette grande fenfibilité

de bouche & de côtés puiffe fe conferver longtemps dans les chevaux, forfqu'ils font abandonnés à l'école : les différentes mains qui les mènent leur font bientôt perdre cette finefle & cette jufteffe qui font tout le mérite d'un cheval bien dressé; le fentiment fi délicat du toucher s'émouffe avec le temps. Mais, s'ils ont été dreffés fur des principes folides, lorfqu'un homme de cheval vient à les rechercher, il fait bientôt revivre ce qu'une fauffe pratique avoit amorti.

DES AIDES. (DE BOHAN. ). On appelle aides les avertiffements dont fe fert le cavalier pour faire connoître fes volontés au cheval.

L'infuffifance de l'art dans fon origine les avoit multipliées à l'infini.

Le cheval dreffé, comme je le ferai voir par la fuite, n'en doit connoître que deux, fçavoir, la main & les jambes de fon cavalier; ce font les feules dont il fera queftion dans cette première partie; car le cavalier, que je fuppofe inftruire, ne fera de longtemps dans le cas de fe fervir des autres aides auxquelles nous avons recours pour dreffer le cheval, & qui trouveront leur place dans la feconde partie : il fuffit feulement de lui expliquer ici les moyens qu'il doit employer pour former, fi je puis m'exprimer ainfi, fes demandes à l'animal, & le forcer à y répondre par le châti ment qui doit fuivre le refus aux aides.

On a toujours regardé le corps, les cuiffes & les jarrets comme des aides, je nie qu'ils puiflent en être, puisque, d'après la pofture que j'ai décrite, ces parties doivent être fans force.

J'ai démontré à l'article du corps, la fauffeté des aides qui en proviennent, j'en démontrerai la fuite l'inutilité.

par

J'ai fait voir le danger de ferrer les cuiffes & les jarrets, & au contraire, j'ai démontré la néceffité d'avoir ces parties lâchées, afin d'en obtenir la pefanteur. Je crois ces raifons fuffifantes pour ne reconnoître aucune espèce d'aides provenant du corps, des cuiffes, ni des jarrets. Les feules aides bonnes & véritables font les jambes & la bride.

Je dis que les aides des jambes font bonnes, puifque les jambes étant une partie mobile, elles peuvent travailler fans déranger l'équilibre, pourvu qu'elles n'employent aucune force dans leurs opérations: je regarde auffi la bride comme une aide, puifqu'elle fert fouvent à avertir le cheval fans le punir ni le forcer.

C'eft par l'attouchement des jambes au ventre du cheval qu'elles deviennent aides, fuivant la pofition que nous avons donnée aux jambes ; étant lâchées elles fe trouvent tomber entre l'épaule & le ventre du cheval, & même les premiers points de la jambe, c'est-à-dire, immédiatement au-deffous du jarret, touchent l'animal ; cette pofition leur eft très favorable, en ce qu'elles

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font prêtes à agir fans à coup, & à portée d'opé-, rer fur l'objet qu'elles doivent mouvoir, qui eft le centre de gravité du cheval.

Four fe fervir des jambes, il faut que les plis des genoux foient fort liants, afin de pouvoir les approcher par degrés & non à coup; fans ce moelleux, les effets font comme les causes, le cheval répond par des à coups; il eft furpris, étonné; fes mouvements font irréguliers.

Suppofons qu'une jambe foit divifée en trois parties, que nous nommerons degrés; le premier degré partira de la jointure du genou, jufqu'au milieu à-peu-près du gras de jambe; le fecond degré partira du milieu du gras de jambe jufqu'au talon; le troifième degré comprendra feulement le talon: il fervira de châtiment; mais il ne doit être employé qu'à son tour, c'est-à-dire, lorfque les deux premiers degrés n'auront pas produit un effet fuffilant.

Nous diviferons encore le premier & le fecond degré en trois points; cette divifion bien entendue, on fe fervira des jambes de la manière qui fuit :

Lorfqu'on voudra les faire opérer, on commencera en pliant le genou avec une flexion moëlleufe, pour faire porter le premier point du premier degré, & fi cette aide fait obéir le cheval, on s'en tiendra là; lorfque le premier point du premier degré ne fera pas affez d'effet, on employera le fecond point, & fi cette augmentation d'aide ne fuffit pas, on employera le troisième point, ce qui formera la première partie de la jambe, ou le premier degré.

Lorfque le premier degré aura fait fon effet, & qu'en continuant de le faire agir il augmentera trop l'action du cheval, on fe retirera au fecond point du premier degré; & fi la continuité du fecond point fait trop d'effet, on fe retirera au premier, qui eft la pofition que la jambe doit prendre naturellement & par fon propre poids.

Lorfque, pour entretenir fon cheval dans l'allure qu'on lui aura donnée, on aura befoin de n'employer que le premier point du premier degré, il feroit mal d'employer le fecond, puisqu'il fait trop d'effet.

Lorfque le premier degré ne fuffira pas pour faire obéir un cheval, on employera le premier point du fecond degré, & de fuite le fecond & le troifième, fuivant le cas.

Lorfqu'enfin les deux premiers degrés ne fuffiront pas, on employera le troifième degré, qui eft le talon armé d'un éperon.

Les éperons fervent à châtier le cheval qui n'a pas répondu aux deux premiers degrés, dont il a dû fentir touts les points avant.

Lorfqu'il n'y a pas obéi, on doit, ayant les jambes fermées, tourner un tant foit peu la pointe des pieds en dehors, fans ouvrir les genoux, les lui faire fentir vigoureufement derrière les fangles, & les y laiffer affez longtemps pour qu'il les fente bien, mais pas affez pour l'y faire défendre;

&, lorfqu'ils ont produit l'effet qu'on en atten doit, les jambes doivent fe retirer dans la progreffion inverfe de celle qu'on a fuivi pour les fermer. Quoique, dans l'article précédent, nous n'ayons parlé que d'une feule jambe, il eft fenfé que la même divifion eft pour les deux.

Nous indiquerons, en parlant de la manière de mener les chevaux, les occafions où elles doivent travailler, & opérer inégalement ou enfemble.

Il faut fe garder de lailler prendre des éperons à un commençant, dont les cuiffes & les jambes fe fecouent à chaque temps de trot, parce qu'il n'a pas encore acquis de fermeté dans fon affiette; car alors, non-feulement les coups d'éperons qu'il donneroit au cheval feroient très dangereux, mais s'il vouloit fe contraindre & les éviter, il feroidiroit & porteroit les jambes en avant.

Il faut auffi avoir attention, en fermant les jambes, c'est-à-dire, en pliant les genoux, que les mufcles ne fe roidiffent point, & qu'on en fente toujours la pefanteur par touts les points où elles paffent. Comme, en fermant des jambes, ce n'eft qu'un avertiffement que vous donnez au cheval, il ne faut pas chercher à les ferrer pourvu qu'elles effleurent le ventre, cela fuffit.

Quant à la bride, je la regarde auffi comme une aide; la main gauche eft destinée à la tenir, afin de laiffer la main droite libre pour tout autre ufage, tel que de combattre.

C'eft pourquoi il faut que le cavalier fache, de cette main feule, faire exécuter à fon cheval toute espèce de mouvement dont la bride eft fufceptible.

La pofition de la main la plus commode pour le cavalier, & pour la jufteffe des opérations de la bride, eft généralement à fix pouces du corps, & élevée à quatre au-deffus de l'encolure; la main doit être plus baffe que le coude, le poignet arrondi de façon que les nœuds des doigts foient directement au - deffus de l'encolure, les ongles vis-à-vis le corps, & que le petit doigt en foit plus près que les autres, le pouce fur le plat des rênes, qui doivent être féparées par le petit doigt, la rêne droite paffant par deffus : voilà la pofition que doit avoir la main gauche & celle où il eft le plus aifé de fentir les deux rênes avec égalité, c'eft celle que doit prendre un homme qui monte un cheval dreffé. ( Lorfqu'on monte en particulier un cheval neuf, auquel on apprend à connoitre les rênes, ou un cheval qui fe défend, je n'aflujettirai jamais à une pofture fixe, étant permis à celui qui eft en état de le monter de prendre des licences, & une pofition de mains où il lui foit plus facile d'opérer).

La main placée comme je viens de le dire, le cavalier doit fentir la bouche de fon cheval, c'està-dire, fentir l'appui du mors fur les barres, fans pour cela que le mors fafle un effet qui contraigne l'animal; c'eft feulement pour établir un fentiment continuel entre la main de l'homme & la bouche du cheval.

J'ai dit dans ma définition des aides, qu'on appelloit de ce nom tout ce qui avertiffoit le cheval des intentions du cavalier; &, effectivement quand vous faites agir légèrement une rêne, la rene droite, je fuppofe, pour redreffer le cheval de ce côté, ce n'est qu'un avertiffement d'aller à droite, & ces avertiflements font fuffifants fur le cheval bien mis; mais s'il s'y refufe, pour lors, augmentant la force de votre rêne droite, vous lui faites fentir une douleur fur la barre du même côté, qui l'oblige à répondre à ce que vous lui demandez; c'eft ainfi que l'on fait de la bride une aide, ou un châtiment, fuivant la force l'on y employe.

que

La main de la bride placée, voyons la façon dont elle doit travailler: comme je fuppofe toujours que, quand on prend la bride dans la main gauche, avec la pofition que je viens de décrire, on travaille un cheval dreffé, les mouvements de main doivent être très légers; mais, quelque petit que foit le mouvement de la main, le bras doit s'en reffentir & agir en proportion, ceux qui veulent ne travailler que de l'avant bras font toujours gênés dans leurs mouvements. Il faut, pour travailler avec liberté, que le bras prenne fon point d'appui à l'épaule, fans lui communiquer aucune force.

Lorfqu'on a befoin d'arrêter ou diminuer le train de fon cheval, les deux rênes doivent opérer également, & le poignet travailler, non de bas en haut, ni horizontalement, c'est-à-dire, droit au corps, mais bien dans la direction de la diagonale du quarré formé par la ligne horizontale & la perpendiculaire. (Fig. 18.3.

La force fuppofée au point B ne doit point agir fuivant la direction BA ou BC, mais fuivant BF. Si le cheval a befoin d'être ramené, la main doit fe rapprocher de BC: fi, au contraire, il s'encapuchonne, la main doit fe rapprocher de BA. (Voyez MANÉGE, art. EMBOUCHURE).

Touts les temps d'arrêter doivent fe faire par gradation, & on doit les proportionner à la fenibilité du cheval, mais en augmenter la force jufqu'à la douleur de la barre, pour en faire un châtiment s'il refufoit l'obéiffance. Ce moelleux eft très effentiel à observer : ce n'est jamais que les mouvements faccadés de la main du cavalier qui ruinent les chevaux, en rejettant le poids de la mafle fur les jarrets.

Quand, après avoir fait un temps d'arrêt, le cavalier rend au cheval, il doit obferver le même moëlleux, & ne rendre que petit à petit, & autant qu'il s'appercevra pouvoir le faire fans que le cheval fe dérange.

Il est beaucoup de chevaux bien dreffés, qui, au lieu de s'arrêter & d'obéir à un temps d'arrêt, cherchent au contraire à s'appuyer fur la main de leur cavalier, & à s'en aller; cela vient communément de ce que le cavalier ne s'apperçoit pas que la force qu'il employe dans fes mains fe com

unique à fes cuiffes. Chez les chevaux doués de

fineffe, & prefque touts les jeunes chevaux en ont affez pour s'appercevoir de la roideur & de la force que les cavaliers employent dans leur partie immobile, elle fe fait reffentir dans les jambes, & elle donne de l'incertitude & de l'ardeur au cheval. Cette faute eft commune à touts les commençants; il faut les accoutumer & leur recommander fouvent de travailler de la main, fans communiquer de force à leur partie immobile; car, lorfque la partie immobile reçoit de la force, néceflairement elle fe dérange, & nombre de chevaux font doués d'affez de fineffe pour que ce dérangement faffe effet fur eux.

Le poignet placé comme nous l'avons dit, fi j'ai besoin de fentir la rêne droite, j'arrondirai un tant foit peu mon poignet, fans l'élever; fi je veux fentir la gauche, je mets un peu les ongles en l'air.

AIDER un cheval, c'eft lorfque le cavalier par fon adreffe, lui aide à travailler à propos, & à marquer touts fes temps avec juftefle.

AIGUILLETTE. Nouer l'aiguillette, espèce de proverbe, qui fignifie cinq ou fix fauts & ruades confécutives & violentes qu'un cheval fait toutà-coup par gaieté, ou pour démonter fon cavalier. AIGUILLON. Voyez VALET.

AILES. Pièces de bois qu'on met aux côtés de la lance, pour la charger vers la poignée.

AIRS. Mouvements des jambes d'un cheval, accompagnés d'une cadence & d'une liberté naturelles qui le font manier avec jufteffe. Un cheval qui n'a point d'airs naturels, eft celui qui plie fort peu les jambes en galopant. On dit : ce cavalier a bien rencontré l'air de ce cheval, & il manie bien terre-à-terre. Ce cheval prend l'air des courbettes, fe préfente bien à l'air des caprioles, pour dire qu'il a de la difpofition à ces fortes d'airs. Les courbettes & les airs mettent parfaitement bien un cheval dans la main, le rendent léger du dedans, le mettent fur les hanches. Ces airs le font arrêter fur les hanches, le font aller par fauts, & l'affurent dans la main. Airs violents. Le pas, le trot, le galop ne font comptés au nombre des airs. Un cheval qui a les airs relevés, eft celui qui s'élève plus haut qu'au terre-à-terre; qui manie à courbettes, à croupades, à ballotades, à caprioles. Il faut ménager un cheval qui fe préfente de lui-même aux airs relevés; parce qu'ils le mettent en colère quand on le presse trop.

pas

On donne le nom d'airs aux mouvements continués d'un cheval.

Les airs bas font ceux des chevaux qui manient près de terre : les airs relevés, ceux des chevaux dont les mouvements font détachés de terre.

DES AIRS BAS, (LA GUÉRINIERE.).

Des voltes.

Les anciens écuyers inventèrent les voltes pour

rendre leurs chevaux plus adroits dans les combats d'épée & de piitolet. Ils s'attachèrent à donner aux chevaux beaucoup d'obéiflance & de viteffe fur le cercle, pour les rendre plus agiles & plus prompts à entourer diligemment & plufieurs fois la croupe, foit pour gagner celle de leur ennemi, ou pour éviter de laifler gagner la leur, en faisant toujours tête à celle de leur adverfaire; dans la fuite, on fit de cet exercice un manège de carrière, dans lequel on renferma davantage les hanches, pour faire voir la fcience du cavalier & l'adrefle du cheval. C'eft pourquoi on peut admettre deux fortes de voltes; celles qui fervent au manège de guerre, & celles qui fe font pour le plaifir de la carrière.

Dans les voltes qui repréfentent le combat, il ne faut point mener le cheval fur un quarré, ni aller de deux piftes; parce que, dans cette pofture, on ne pourroit pas joindre la croupe de fon ennemi il faut que ce foit fur une piste ronde & tenir feulement une demi-hanche dedans, afin que le cheval foit plus ferme fur fon derrière. Comme l'on tient fes armes dans la main droite, qu'on appelle pour cette raifon la main de l'épée, il faut qu'un cheval de guerre foit très fouple à droite; parce qu'il eft rare qu'on change de main, à moins qu'on n'ait à faire à un gaucher.

A l'égard des voltes qui regardent le manège d'école, elles doivent le faire de deux piftes; fur un quarré, dont les quatre coins ou angles foient arrondies avec les épaules; ce qu'on appelle, embraer la volte. Ce manège de deux pistes, est tiré de la coupe au mur ; leçon après laquelle on commence à mettre un cheval fur les voltes renverfées, qui fervent de principe pour bien exécuter les voltes ordinaires.

Lors donc qu'un cheval fera obéissant aux deux mains la croupe au mur le long d'une muraille, il faudra, en renverfant l'épaule dans chaque coin du manège, continuer de le tenir dans cette pofture le long des quatre murailles, jufqu'à ce qu'il obéifle librement à chaque main. Il faut enfuite réduire le quarré long que forment les quatre murailles du manège dans un quarré étroit; comme il eft repréfenté dans le plan de terre, en tenant la tête & les épaules vers le centre, & en renverfant, ou plutôt en arrêtant les épaules au bout de chaque ligne du quarré, c'eft-à-dire, à chaque coin, afin que les hanches puiflent gagner l'autre ligne.

Quoique la tête & les épaules d'un cheval qu'on trote à la longe, ou qu'on élargit fur des cercles la croupe dehors, foient vers le centre, il ne faut pas croire pour cela que ce foient des voltes renversées, comme quelques cavaliers confondent: la différence eft bien grande; car, lorfqu'on mène un cheval fur des cercles la tête dedans, la croupe dehors, ce font les jambes de dedans qui s'élargitient, c'est-à-dire, qui paffent par - deffus

celles de dehors, ce qui eft la leçon que nous avons donnée, pour préparer un cheval à aller l'épaule en dedans; mais, dans les voltes renverfées, ce font les jambes de dehors qui doivent pafler & chevaller par-deffus celles de dedans, comme dans la croupe au mur; ce qui est bien plus difficile à faire exécuter au cheval, parce qu'il eft plus raccourci & plus fur fes hanches dans cette dernière pofture: c'eft aufli pour cela qu'on ne lui demande ce manège, que lorsqu'il commence à bien connoître la main & les jambes, & qu'il va facilement de côté.

Toute la difficulté des voltes renverfées confifte à plier le cheval à la main où il va, à faire marcher les épaules les premières, & à favoir les arrêter dans les quatre coins du quarré pour ranger les hanches fur l'autre ligne; ce que le cheval ne manquera pas d'exécuter facilement & en peu de temps, fi auparavant il a été rendu fouple & obeiflant la croupe au mur, à laquelle leçon il faudra revenir, s'il fe défend dans le quarré étroit, dans lequel on doit renfermer un cheval, pour faire ce qu'on appelle volte renverfée.

Si-tôt que le cheval obéira librement, de deux piftes, aux deux mains, fur des quarrés larges & étroits à la leçon des voltes renversées, il faudra le mettre fur la volte ordinaire, en lui tenant la croupe vers le centre, & la tête & les épaules vis-a-vis, & à deux ou trois pieds en deçà de la muraille, en forte que les épaules décrivent le plus grand quarré, & la croupe étant vers le centre, le plus petit. Il faut arrondir chaque coin avec les épaules, en portant & en tournant diligemment là main fur l'autre ligne, en tenant les hanches dans une ferme pofture lorfqu'on tourne le devant; mais la piste des hanches doit être tout-à-fait quarrée. En portant ainfi un cheval de côté de coin en coin, il n'est jamais couché dans la volte ni entablé : ce dernier défaut eft confidérable, en ce qu'il eftropie les hanches & ruine les jarrets d'un cheval: défordres que quelques hommes de cheval attribuent aux voltes en général : mais c'eft fans doute des voltes entablées & acculées, dont ils entendent parler, car je ne crois pas qu'un cavalier fenfé puiffe tenir un pareil difcours à l'occafion d'un air qui fait fi bien paroître l'obéiffance & la gentilleffe d'un cheval'; qui embellit fon action, & qui donne une grace infinie au cavalier, lorsqu'il exécute bien ce manège.

Le favant M. de la Broue qui le premier a trouvé la juftesse & la proportion des belles voltes, donne encore une excellente leçon pour préparer un cheval à cet air. C'eft de le mener d'abord au pas d'école, droit & d'une pifte fur les quatre lignes d'un quarré, la tête placée en dedans; & au bout de chaque ligne, lorfque les hanches font arrivées dans l'angle qui forme la rencontre de l'autre ligne, de tourner les épaules jufqu'à

ce qu'elles foient arrivées fur la ligne des hanches, comme on peut le voir dans le plan de terre. Cette leçon eft d'autant meilleure, qu'elle maintient un cheval droit dans fes jambes, & qu'elle lui donne une grande foupleffe d'épaules. Les pas faits par le droit, lui ôtent l'occafion de fe retenir & de s'acculer, & l'arrondiffement des épaules au bout de chaque ligne du quarré, apprend à un cheval à tourner facilement ; & les hanches en reftant fermes & pliées dans ce mouvement, font occupées à foutenir l'action de l'épaule & du bras du dehors. La pratique de ces règles du quarré bien appropriées au naturel du cheval, en retenant fur la ligne droite celui qui pèfe ou qui tire à la main; en chaffant celui qui fe retient, & en diligentant les épaules des uns & des autres dans chaque coin, ajufte peu-à-peu & fans violence, la tête, le col, les épaules & les hanches d'un cheval, fans qu'il s'apperçoive prefque de la fujetion où cette leçon ne laiffe pas de le tenir.

Afin de pouvoir tourner plus facilement les épaules, & que les hanches ne s'échappent pas au bout de chaque ligne du quarré, il faut marquer un demi-arrêt, avant que de tourner le devant; &, après le demi-arrêt, il faut diligenter la main afin que l'action libre des épaules ne foit point empêchée; il faut auffi que le cheval foit plié à la main où il va, afin qu'il porte enfemble la tête, la vue & l'action fur la pifte & la rondeur de chaque coin de la volte. Lorfque le cheval fera obéiffant à cette leçon au petit pas d'Ecole, il faudra la lui faire faire au paffage animé & relevé, pour enfuite la lui faire pratiquer au galop, toujours dans la même pofture, c'eft-à-dire droit d'épaules & de hanches, & plié à la main où il va. Chaque reprife, foit au paffage ou au galop, doit finir dans le centre de la volte, en tournant le cheval au milieu d'une des lignes du quarré, en l'avançant jufqu'au centre, & en l'arrêtant droit dans les jambes, après quoi on le defcend.

Lorfque le cheval paffagera librement d'une piste fur les quatre lignes du quarré; qu'il aura acquis,❘ dans la même pofture, la facilité d'un galop uni, & dans un beau pli, aux deux mains; il faudra enfuite le paffager de deux piftes, en obfervant, comme nous l'avons dit plufieurs fois, & comme on ne sçauroit trop le répéter, de faire marcher les épaules les premières, afin de donner à l'épaule hors la volte, la facilité de faire pafler le bras de dehors par-deffus celui de dedans, ce qui eft de la plus grande difficulté; car en retenant le libre mouvement des épaules, le cheval feroit couché & entablé dans la volte: il faut pourtant tenir les hanches un peu plus fujettes & plus en dedans aux chevaux qui pesent ou qui tirent à la main, afin de les rendre plus légers du devant; mais il ne faut pas pour cela que la croupe marche avant les épaules: au contraire, ceux qui ont plus de légèreté que de force, ne doivent être fi renfermés des hanches, afin qu'ils puiffent marcher plus libre

ment, en les maintenant toujours dans une action libre & avancée.

Il ne faut pas obferver trop de jufteffe dans les commencements qu'on travaille un cheval fur les voltes; car il arriveroit que celui qui eft naturellement impatient, entreroit dans une inquiétude qui occafionneroit beaucoup de défordres, & que celui qui eft parefleux & d'humeur flegmatique affoupiroit fa vigueur & fon courage. On ne doit pas non plus rechercher d'abord fur les voltes, un cheval qui a eu quelques jours de repos ; il arriveroit qu'étant trop gai, il fe ferviroit de fes reins & fe défendroit. Il faut étendre au galop d'une pite ces fortes de chevaux, jufqu'à ce qu'ils ayent paffé leur gaieté & baiflé leur rein; c'est pourquoi il eft de la prudence d'un habile cavalier d'interrompre l'ordre des proportions qui regardent la jufteffe, & de revenir aux premières règles, lorfqu'il arrive le moindre défordre.

Il faut longtemps paffager un cheval fur les voltes de deux piftes, avant de le faire galopper. dans cette pofture; & lorfqu'on le fentira fouple & aifé, pour le peu qu'on l'anime, il prendra de lui-même un galop raccourci, diligent, & coulé fur les hanches, qui eft le vrai galop des voltes.

On appelle voltes redoublées, celles qui fe font plufieurs fois de fuite à la même main; mais il faut qu'un cheval ait acquis beaucoup de liberté, qu'il foit en haleine, & qu'il comprenne bien les juftes proportions de cet exercice, avant que de le faire redoubler fur les voltes; car une leçon trop forte confondroit fes efprits & fa vigueur : c'eft pourquoi il faut, dans les commencements, à chaque fin de volte, l'arrêter & le careffer un peu afin de raffurer fa mémoire & fes forces, & de lui donner le temps de reprendre haleine. On doit auffi le changer de main & de place pour lui ôter l'appréhenfion que pourroit lui caufer cette fujetion.

Les changements de main fur les voltes, fe font de deux manières, tantôt en dehors, tantôt en dedans.

Pour changer de main en dehors de la volte, il faut fimplement lui placer la tête, & le plier à l'autre main; & en lui faifant fuir la jambe de dedans, qui devient alors jambe de dehors, il fe trouvera avoir changé de main.

Le changement de main dans la volte, fe fait en tournant le cheval fur le milieu d'une des lignes du quarré, le portant enfuite en avant fur une ligne droite vers le centre de la volte, & en le rangeant enfuite de côté jufqu'à l'autre ligne, pour le placer & reprendre à l'autre main. Lorfque ce dernier changement de main commence & finit les hanches dedans, on l'appelle, demi-volte dans la volte.

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