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désire vous avoir pour femme par des motifs dignes d'estime. Sans vous, l'éducation ni le bonheur d'Hugues ne sont possibles. Robert veut le reprendre, c'est son droit, cela est juste. Mais pour l'habituer à vivre loin de vous, il faudra le gâter et lui passer tous ses caprices; vous seule pourrez le rendre heureux tout en l'élevant avec soin et fermeté. Robert a vu cela, et il m'a dit en propres termes : « Je désire que Gertrude me ramène mon fils, » et à mon tour, je vous dis : « Gertrude, voulez-vous être la femme de mon fils et la mère de mon petit-fils? >>

Le vieillard, attendri par ses propres paroles, attira Gertrude vers lui, et l'embrassa. Elle lui serra les mains et lui dit :

« Mon cher, mon bon oncle, je ne puis pas vous répondre maintenant....il faut que je réfléchisse, que je consulte... Voulez-vous me donner huit jours? - Oui, mon enfant, Dieu me préserve de vouloir surprendre votre consentement: Réfléchissez, et, s'il est possible, dites oui. »

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Gertrude, en sortant du bureau, rencontra madame Delaborde, qui, la regardant d'un air amical et rieur, lui dit :

«Eh bien! quand ramenons-nous Hugues à son père?

-Je ne sais pas, ma tante, répondit-elle en rougissant.

- Je ne sais pas, ma tante, dit madame Delaborde en la contrefaisant; écoutez, ma nièce, j'espère que vous me direz dans quelques jours: Bientôt, maman! et elle la quitta en la laissant troublée et confuse. Que de réflexions, que de prières, que de retours vers le passé, que d'interrogations adressées à l'avenir remplirent ces huit jours! que de combats contre des souvenirs repoussés, vaincus, mais renaissants aux heures inquiètes; que de disputes entre le cœur et la raison, entre l'imagination berçant des chimères et les attachements graves, les austères devoirs qu'escortait la réalité! Personne n'influença la résolution de Gertrude; elle ne prit conseil que d'elle-même et de celui qui dirigeait sa conscience, et le huitième jour écoulé, elle écrivit à mademoiselle Yvonne :

«Ma chère et digne amie,

>> Mon sort est fixé, et vous l'apprendrez, je l'espère, avec cette amitié que vous m'avez témoignée depuis mon enfance, et dont mon cœur est resté si reconnaissant. J'épouse mon cousin Robert; c'est le vœu de ses parents, le sien et celui de son enfant, mon

cher petit Hugues que j'ai élevé. C'est Hugues qui est l'auteur de notre mariage; il ne veut pas me quitter, et son père veut le reprendre : voilà le secret de cette union qui vous étonnera peut-être. Je m'y résous par affection pour mon oncle et pour ma tante, qui désirent me nommer leur fille, par amitié pour cet enfant dont la tendresse ingénue me va au cœur, et aussi par raison, afin de donner un but à mon avenir... Autrefois, d'autres motifs m'auraient décidée, plus tendres, plus intimes... mais ce temps n'est plus... l'heure du devoir et du sacrifice est arrivée, et Dieu, je le sens, fait bien ce qu'il fait.

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» Vous voyez, chère amie, que le doigt de Dieu m'indique la route, puisque le but de ma vie, depuis que je me connais, a été de libérer la mémoire de mon père, et que voilà Robert qui m'aidera à remplir ce devoir pieux. Tout mon dévouement lui est acquis de ce jour, et avec la grâce d'en haut, que j'implore et que je vous supplie de demander, j'espère le rendre heureux, j'espère devenir pour son enfant une véritable mère, et ne pas tromper la loyale confiance du père, la naïve amitié du fils, ni l'attente de ces vieux parents qui m'appellent déjà leur fille. Oh! priez bien pour moi! Demandez pour votre pauvre amie les grâces et les lumières qui font les sages épouses et les mères intelligentes. J'ai tant besoin du secours du ciel pour devenir meilleure! Priez donc pour moi et pour celui qui va me donner son nom; je ne demande pas le bonheur, je ne demande pas la richesse, je demande, à l'entrée d'une carrière nouvelle, la paix pour ceux que j'aime, et pour moi, la grâce d'être fidèle à tous mes devoirs. Il faut que je vous quitte, mes idées sont confuses; mon cœur seul vit et il vous aime à toujours. Adieu, chère et fidèle amie; voudriez-vous prendre de nouveau le soin de régler quelques-unes des affaires de mon père? Je vous envoie une petite somme. Merci, adieu et à » G. A. » Mme BOURDON.

vous.

(La suite au prochain Numéro.)

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LES CHEVEUX BLANCS

« Bonne mère, petite amie,
Laisse ôter ce fil argenté,
Hier, tu t'étais endormie,
Jusqu'à quatre j'en ai compté. »

Mais le père, arrêtant sa fille,
Les prit dans ses bras toutes deux :
« Dis- lui donc, mère de famille,
L'histoire de ces bons cheveux. »

La mère parla de la sorte:

« Le premier, oh! n'y touche pas!
Me rappelle ma mère morte,
Ma mère morte entre mes bras!

» L'autre blanchit, triste présage!

Ton petit frère allait mourir.
L'autre a dix ans, il a ton âge;
Veux-tu m'ôter ce souvenir?

» Trois jours, par le fer et la flamme,
La main ferme, le cœur tremblant,

Je t'extirpai le croup infâme,

Et le quatrième était blanc. »

Le père dit à son caprice :

<< On peut les voir! on peut les voir!
Chacun est une cicatrice

De la famille et du devoir ! »

Ils baisèrent l'enfant si chère!

De doux pieurs animaient leurs yeux :
« Je t'aime bien, petite mère,

Et j'aimerai tes bons cheveux.>>

E. P.

ENIGME HISTORIQUE

Je fus deux fois célèbre, mais ma célébrité, perdue dans la nuit des âges, donne lieu aux disputes des savants; dernier rempart de l'indépendance gauloise, je vis une des premières, entre les villes des Gaules, briller le flambeau de la foi, et j'ajoutai à mon nom celui d'une jeune fille qui versa son sang pour le Christ?

REVUE MUSICALE

Parmi les compositions musicales qui forment notre catalogue d'août, les abonnées remarqueront une nouvelle publication de M. Valentin, intitulée : Étude type et caractéristique. On sait que cet excellent auteur a déjà doté l'art de plusieurs ouvrages élémentaires d'un incontestable mérite.

La Fleur de la Prairie, petite fantaisie-valse, par C. Ferrand; Tambourin, et deux autres fantaisies, l'une sur Moïse, la seconde sur la Folle, de Grisar, par Simonot, sont, comme musique facile et élégante, extrêmement goûtées.

Plusieurs jolies danses nouvelles, fort en vogue déjà, se

recommandent par la verve et l'originalité des motifs. Telles sont la Siamoise, polka de Donay; Laurence, autre polka, et la Belle Gabrielle, polka-mazurka, toutes deux par Teruisien; et la charmante mazurka de Boutcoulesco, intitulée Bucharest.

Une délicieuse mélodie pour voix de jeune fille, composée par M. O. de Rochefort, sera une des meilleures romancs de la saison : elle a pour titre Une Voix du Ciel; et la chansonnette de L. Maithuat, Comme on change en vieillissant, est des plus désopilantes, sans cesser d'être de bon goût.

M. L.

DALAYRAC

Quels qu'aient été les étonnants progrès de l'art musical depuis environ cinquante ans, et quel que soit le nombre des compositeurs distingués qui se sont produits en France pendant cette longue période, il n'est pas sans intérêt de jeter un regard en arrière et de passer en revue la pléiade des musiciens qui se groupèrent autour de Grétry, à cette époque où l'art commençait seulement à sortir de ses limbes. Dalayrac fut une des célébrités de ce temps. Nos grand'mères aiment encore à fredonner les gais refrains de Maison à vendre et les mélodies sentimentales de la Folle par amour.

Nous ne dirons pas que Dalayrac eut un talent hors ligne, et que ses compositions furent des œuvres immortelles, mais nous rendrons justice à la grâce, à l'élégance, à la verve française de ses opéras comiques, et nous expliquerons ainsi l'espèce d'engouement dont ce maître fut l'objet pendant toute la durée de sa vie artistique.

Dalayrac naquit à Muret, petite ville située près de Toulouse, le 13 juin 1753. Son père occupant un rang élevé dans la magistrature voulut en faire un avocat. Les progrès de l'écolier furent rapides; à quinze ans, toutes ses classes étaient achevées. On exigea qu'il fit succéder immédiatement l'étude des lois et du Digeste à celle du grec et du latia. Il imposa cependant une condition, non pas à sa soumission qui n'était qu'un devoir, mais à des succès qui ne pouvaient s'obtenir que par l'ardeur du travail. Cette condition fut qu'il prendrait, à ses heures de récréation, des leçons de solfége et de violon. En ce temps,

un musicien n'était considéré que comme une machine à musique. Voltaire, disant un jour à Grétry : « Monsieur, vous êtes à la fois un artiste et un homme d'esprit, ce qui est chose fort rare, » Voltaire nous donne la mesure de l'opinion qu'avait alors le monde des plus illustres compositeurs. Aussi, le père de Dalayrac n'accorda-t-il à son fils la permission de s'occuper de musique, qu'en récompense de la réussite de tous ses examens. « C'est un passe-temps plein d'innocence, une fantaisie très-passagère, » disait le vieillard obstiné, mais le plaisir s'achète par le travail, et il n'en déinordit pas. Dalayrac pensait autrement. Il se sentait né pour la musique, il l'aimait et la cultivait avec amour; il eût voulu y consacrer tout son temps. Le jour, afin d'obéir aux exigences de sa famille, il se contraignait aux graves études du droit; la nuit, afin d'obéir au goût qu'il ne pouvait vaincre, il se jetait avec une sorte de rage dans l'étude non moins ingrate du solfége; il fit si bien qu'un beau matin on découvrit que Dalayrac était avocat et compositeur. Ses travaux persévérants et sans cesse contrariés, nuisirent pourtant à ses succès, dans la double carrière qu'il avait osé entreprendre : il plaida mal et fit de mauvaise musique. Son père, dont l'espoir le plus cher était déçu, le fit admettre, non sars beaucoup de peines et de démarches, parmi les gardes du comte d'Artois, dans la compagnie de Crussol. Le caractère doux et sympathique du jeune homme lui attira l'amitié de ses camarades; ses manières distinguées et ses habitudes de bonne compagnie lui ouvrirent les portes des meilleures maisons. C'est ainsi qu'il fut accueilli dans l'intimité du baron de Bezenval et de M. Savalette de Lange, garde du trésor royal, où se donnaient d'excellents concerts. Parmi les musiciens de cette époque, il ne s'en trouvait réellement que trois qui possédassent à un as

sez haut degré, la théorie musicale et les règles du contrepoint. C'étaient Gossec, Philidor et Langlé. Ce dernier fut le professeur de Dalayrac et obtint quelque gloire d'avoir formé un tel élève; mais le genre de succès qu'ont obtenu les ouvrages du garde-ducorps compositeur prouve qu'il doit fort peu à M. Langlé et beaucoup à son rare instinct dramatique, à son imagination féconde et à sa connaissance approfondie des aptitudes musicales et des goûts artistiques de sa nation.

Dalayrac fut dans la musique, ce que de nos jours Scribe fut dans la comédie. Il sut plaire et intéresser, il sacrifia le genre sérieux qui n'est compris que par quelques-uns, au genre gracieux qui est recherché par tous; il fut toujours charmant, jamais profond.

Les cinq premiers opéras de Dalayrac appartiennent au genre comique, très-ingrat à traiter en musique et que l'on apprécie rarement autant qu'il mérite de l'être. Il eût bientôt l'occasion de déployer son talent dans un genre tout opposé. Nina ou la Folle par amour, fut représentée pour la première fois en 1786. Le jeu expressif de mademoiselle Dugazon, le mouvement dramatique et passionné du libretto et le charme pénétrant des mélodies firent obtenir à l'ouvrage un succès d'enthousiasme. Plusieurs airs, particulièrement celui de Quand le bien-aimé reviendra, devinrent si populaires qu'on les chante encore aujourd'hui. Azémia et Renaud d'Ast suivirent de près la Folle par amour. L'air de la romance principale de ce dernier ouvrage : Vous, qui d'amoureuse aventure, auquel on a adapté les paroles: Veillons au sulut de l'Empire, cet air, d'ailleurs, d'une facture assez vulgaire, devint un des chants nationaux de la France.

Fanchette et les Deux Savoyards parurent de 1788

à 1789. La franchise et la naïveté qui étaient l'essence même du style de Dalayrac, firent la fortune de ces deux opéras. Dans Raoul de Créqui, l'auteur cherche une manière plus large et plus grandiose; mais on sentait qu'il n'était pas organisé pour la musique solennelle; sortant de sa voie naturelle, la verve lui fit défaut; la réussite fut incomplète; il en comprit la cause et ne retomba plus dans cet écueil. Camille, opéra dans lequel se trouve l'admirable trio de la cloche, Ambroise, Marianne, la Maison isolée, Gulnare, Monténero, Adolphe et Clara, Maison à vendre, Picaros et Diego, Gulistan et plusieurs autres ouvrages se succédèrent presque sans interruption. Dalayrac n'était pas un musicien profond; l'art de la grande orchestration lui était peu familier; mais il avait assez de savoir pour faire exécuter ses conceptions, toujours vives, élégantes et gracieuses. Ses modulations, sans être toujours correctement agencées, étaient imprévues et fréquentes. On sentait que l'imagination, le sentiment et le goût dominaient la science, et que chez le compositeur l'inspiration était au-dessus de l'art pratique.

Dalayrac mourut dans tout l'éclat de sa renommée, d'une maladie qui l'enleva en quelques jours à l'âge de cinquante-six ans. On lui fit de magnifiques obsèques, ses restes furent transportés à sa campagne de Fontenay-sous-Bois, et Marsolier, dans un discours qu'il prononça sur sa tombe, rappela les succès qu'il avait obtenus et les souvenirs que son excellente et affable nature laissaient dans le cœur de ses amis. Les artistes de l'Opéra-Comique firent exécuter par Cartelier, en marbre blanc, son buste que l'on voit encore aujourd'hui dans le foyer de la salle Favart. MARIE LASSAVEUR.

Correspondance.

JEANNE A FLORENCE

AIS-TU d'où je t'écris?... De la maison de campagne d'Adrienne, à trente lieues de Paris! Ma bonne mère a bien voulu me confier pour quelques semaines à notre amie commune, et je t'assure que je me trouve très-heureuse de ces petites vacances. Adrienne est parfaite pour moi. Ne va pas en être jalouse, au moins! Qui

pourrait jamais remplacer ma Florence? seulement je lui suis vivement reconnaissante de ses soins délicats, de ses aimables attentions; sa fortune ne lui sert qu'à faire du bien aux malheureux et du plaisir à ses amis!

Veux-tu, comme pendant au tableau que tu m'envoyais il y a quelques mois, que je te décrive le joli intérieur où je vis en ce moment? Oh! d'abord, ne te figure pas des merveilles ; la demeure d'Adrienne

n'est pas un palais, ni même un château... C'est tout uniment une délicieuse habitation blanche, modeste sous ses arbres verts et ses beaux gazons semés de corbeilles de roses, mais aussi coquette, aussi confortable que possible dans sa simplicité.

Le salon, meublé de tapisserie à bouquets genre Beauvais, y est d'un goût tout printanier et charmant. On a recouvert le parquet d'un tapis du même style, et les larges portes-fenêtres qui s'ouvrent sur les pelouses du jardin sont drapées de rideaux semblables. Je ne te décrirai ni les fauteuils ni les siéges de formes diverses qui sont disposés comme par massifs dans l'appartement; qu'il te suffise de savoir que le salon d'Adrienne n'a jamais l'air froid et compassé de certains salons d'apparat, où l'on croirait faire un crime de lese-dignité, en dérangeant un fauteuil de la place qu'il paraît occuper depuis des siècles... Tout y invite à la conversation... l'aisance y règne et le plaisir n'attend qu'un signe. Çà et là se trouvent des meubles de fantaisie: tables de travail garnies de toute espèce d'ouvrages de femme, tables à dessin contenant un attirail complet de crayons, de pinceaux, de couleurs, d'albums à feuilles blanches encore, tables de jeu munies de cartes, de jeux de toutes sortes, sans même oublier les boîtes de cartomancie, les araignées mystérieuses et le modeste petit jeu de solitaire; guéridons peuplés de livres illustrés, de brochures, de gazettes, de caricatures, de photographies, de stéréoscopes, de journaux de modes, parmi lesquels l'Écho du Petit Courrier, ou, si tu l'aimes mieux, notre édition bleue, tient assez bien sa place; piano, enfin, couvert de partitions anciennes et modernes, de romances, de quadrilles, de morceaux de genre pour tous les goûts et pour toutes les forces. Chacun peut trouver une occupation choisie, une distraction à son gré. Ajoute à cela des fleurs sur tous les meubles, dans toutes les jardinières. Et quelles fleurs? les plus belles, les plus fraîches, les plus odorantes, les plus adorablement groupées par la main artistique de notre amie, et tu auras une idée du ravissant salon d'Adrienne. Mais c'est surtout les jours de pluie que ce salon a un véritable succès. La maitresse du logis n'a pour ainsi dire qu'à en ouvrir les portes à ses hôtes; en un instant les groupes s'y forment, les causeries s'y organisent; iiberté entière pour tous! Adrienne ne se réserve que le droit d'être aimable pour chacun. Aussi, que de conversations spirituelles, que de bonne musique sans prétention, que de petits chefs-d'œuvre créés, tout en jasant, au bout du pinceau, du crayon ou de l'aiguille! Comme le temps passe rapide et agréable!... c'est à souhaiter les jours de pluie !

Pourtant, les jours de beau temps ont bien aussi leur charme, alors qu'on se disperse dans les jardins si soignés et si verts de monsieur de V***. Là encore règne une simplicité de bon goût et sans aucune espèce de prétention... pas d'arbustes rares, pas de plantes uniques pédantesquement étiquetées de latin, mais tout ce que la nature, aidée de l'art, a de plus charmant des lianes qui grimpent et qui rampent, des chèvrefeuilles qui embaument, des glycines qui courent, des roses rouges qui se mêlent à de blanches étoiles de jasmin, des allées sablées s'enfuyant le long de fines pelouses, des sentiers ombreux où l'on se croit sous bois et où les rossignols viennent

nicher. C'est le jardin des poètes et des rêveuses... Pour les gens pratiques, il y a un immense potager, des plants superbes d'asperges et d'artichauts, des ceps de vigne, des pommiers en corbeilles, des poiriers en pyramides, et cætera.

Pour les gens sérieux, de majestueuses avenues... Pour les enfants, des balançoires, des trophées de jardin avec leurs ballons et leurs raquettes, des jeux de paume, de boule et de tonneau.

Adrienne et son mari ont pensé à tout le monde, mêine aux bonnes-mamans et aux petites-maîtresses qui, pour ménager leurs pas, trouvent à chaque instant des siéges confortablement installés sous des tonnelles, à l'abri des massifs de lilas ou en face de riantes échappées de paysage.

Me voilà bien loin de ce que je voulais dire. Nous en étions à la salle à manger, je crois... une vaste salle à manger toute boisée de chêne naturel et toute tendue de cuir marron, rehaussé de clous d'acier. Les meubles, en bois sculpté, sont de vrais objets d'art, et une suspension en acier damasquiné supporte une e délicieuse lampe dans le même style; des trophées de chasse et de pêche égaient les murailles ; pour égayer aussi le buffet, une argenterie étincelante brille au milieu des fleurs et des fruits de chaque saison; pour égayer enfin les convives, de belles et larges fenêtres drapées de damas marron s'ouvrent, comme celles du salon, sur le parterre et les pelouses du jardin.

J'ai bien des fois, dans cette salle à manger, admiré notre amie... Elle sait mettre une grâce exquise à ses rapports avec tout le monde, et adapter avec un tact infini sa manière de recevoir et la recherche de son service aux habitudes ou aux exigences de ses convives: ne froissant jamais l'amourpropre de ceux-ci par l'étalage d'un luxe qu'ils ne peuvent imiter, ni l'amitié de ceux-là par un raffinement d'élégance qu'exclut la véritable intimité; se mettant au niveau de chacun et se faisant tour à tour simple par bonté de cœur ou fastueuse sans ostentation, parce que les gens qu'elle reçoit sont habitués au fas'e; comblant enfin ses hôtes, quels qu'ils soient, d'attentions trahissant à la fois sa science de ménagère et son désir délicat d'être agréable à ses invités.

Dans ces circonstances, la toilette d'Adrienne est fort simple, mais cette simplicité même a un cachet de distinction extrême. De la mousseline blanche, bleue, rose ou hlas, quand il fait chaud, sans profusion de dentelles et de garnitures; du piqué, du jaconas, de la percale même, les jours où elle n'attend personne; jamais de formes excentriques, de la mesure en tout et une parfaite entente de ce qui est le plus commode, le plus convenable, le plus économique (la fortune n'exclut pas l'économie), de ce qui lui sied le mieux, en un mot. Aussi, grâce à ce système, notre amie est charmante toujours et à quelque heure qu'on la surprenne.

Revenons à nos moutons, ou plutôt à nos chambres, car c'est là que nous en étions restées. Celle d'Adrienne est coquette comme une chambre de jeune fille. Les rideaux, les dessus de chaises, de toilette et de lit, sont en guipure anglaise sur transparent rose; ce n'est pas très-solide peut-être, mais c'est bien joli. La pendule, en or et onyx, les coupes et les candélabres dans le même style, ornent

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