cardinal. Elle est d'abord humble et caressante; puis, impérieuse, elle ordonne de « choisir entre elle et un valet ». Le faible prince ne sait pas résister; Richelieu est chassé. La joie de la cour est exubérante : les violons jouent les airs les plus entraînants; on se met à danser. Le roi ne veut pas se rendre complice de cette gaîté qu'il condamne au fond du cœur. Mécontent de lui-même, il s'enfuit à Versailles, dans un pavillon de chasse isolé au milieu des bois. L'écuyer Saint-Simon l'accompagne; c'est un ami du ministre déchu. Il parle au roi des services rendus par l'homme de génie, des grands projets qui restent à exécuter, de la France qu'une cabale1 brouillonne va ruiner. Louis XIII hésite un moment entre son amour pour sa mère et ses obligations de roi. Enfin le devoir l'emporte: Richelieu est plus puissant que jamais. A cette nouvelle, l'épouvante est à la cour; les violons se taisent; les danseurs s'enfuient affolés. C'est la journée des Dupes (1630). Trompeurs, c'est pour vous que j'écris ; Il fallait une victime expiatoire. Le maréchal de Marillac est décapité. La reine mère prend le chemin de l'exil; elle meurt à Cologne, pauvre, délaissée, oubliée par son fils. La révolte à main armée réussira-t-elle mieux? Une importante province, le Languedoc, a pour gouverneur un des plus grands seigneurs, le connétable de Montmorency. Poussé par le frère du roi, le triste Gaston d'Orléans, il réunit une nombreuse armée. Mais, à Castelnaudary (1632), les révoltés sont écrasés. Le prince du sang s'enfuit lâchement aux premiers coups de canon, en s'écriant qu'il « ne jouait plus à ce jeu-là ». Montmorency se comporte en 3 1. Cabale, réunion de personnes qui s'entendent secrètement pour exécuter un projet ordinairement peu avouable. 2. Cologne, grande ville d'Allemagne, sur le Rhin. 3. Castelnaudary, chef-lieu d'arrondissement du département de l'Aude. héros, tombe blessé, est fait prisonnier. Il paie de sa tête sa folle équipée1. C'est dans son palais même, à Toulouse, dans une cour du Capitole qu'il est exécuté! Les grands ne désarment pas. « La haine profondément enracinée au fond de leur cœur » ne les fait pas reculer devant la trahison. La France est en guerre avec l'Espagne; nos troupes assiègent Perpignan 3. Richelieu, pour dissiper l'ennui de son royal écolier, lui donne « pour joujou » un jeune fat, aux manières élégantes, mais à la tête légère, le grand écuyer Cinq-Mars. L'imprudent se croit nécessaire; il rêve d'être premier ministre, d'autant plus qu'il est le seul ami qu'ait jamais eu le froid Louis XIII. Il pousse la sottise jusqu'à s'entendre avec les Espagnols pour supprimer son bienfaiteur ! Mais le coupable est surveillé ; le cavalier, porteur du traité, est enlevé dans les Pyrénées. Cinq-Mars est arrêté avec son ami de Thou qui avait eu la sagesse de blâmer le complot, mais qui n'avait pas eu assez de force d'âme pour le dévoiler. On mène les deux jeunes gens à Lyon, où ils sont livrés au bourreau. Cinq-Mars et de Thou moururent courageusement. L'égoïste Louis XIII n'eut pas un mot de pitié pour celui qu'il avait daigné honorer de sa royale amitié. << Monsieur le Grand passe un mauvais quart d'heure, »> telles furent, au moment de l'expiation, les seules paroles que prononça flegmatiquement le monarque sans cœur (1642)! 9. Mesures prises par Richelieu pour dompter définitivement la noblesse. Création des Intendants. La victoire appartenait encore à Richelieu; mais quelle infatigable ardeur n'avait-il pas déployée dans cette lutte de chaque instant? La répression, nous l'avons vu, a été sanglante, impi 1. Equipée, folle entreprise, folle escapade. 2. Capitole, nom donné à l'hôtel de ville de Toulouse, parce que magistrats municipaux de cette ville s'appelaient autrefois capitouls. 3. Perpignan, chef-lieu du département des Pyrénées-Orientales. les toyable. Les petits furent épargnés; les plus puissants seigneurs, les Marillac, les Montmorency, les Cinq-Mars, furent les plus illustres victimes du terrible justicier. En ce moment unique dans l'histoire : Une tête empanachée N'est pas petit embarras..... Les grands ne le peuvent faire. D'ailleurs le cardinal voulut empêcher à l'avenir toute velléité de révolte. Tous les châteaux forts du royaume furent rasés. Les tyranneaux ne purent plus, après quelque méchante action, se retirer dans leurs forteresses pour y braver le pouvoir royal. Mais le coup le plus direct porté à la noblesse fut la création des Intendants. Jusque-là, les provinces avaient eu à leur tête un seigneur appartenant aux plus illustres familles de France. Ce n'étaient pas des gouverneurs, mais des demi-rois qui, sûrs de l'impunité, affichaient des airs d'indépendance. Richelieu, à côté de ces grands enclins à la désobéissance, place l'intendant, homme dévoué, tiré des rangs du peuple. Le gouverneur a tous les honneurs sans pouvoirs; l'intendant, tous les pouvoirs sans honneurs. Il administre le pays, et, au nom du roi, surveille tous les sujets depuis le plus haut personnage, le gouverneur, jusqu'au plus humble roturier. Cesse-t-il de plaire, qui empêche de le renverser du haut rang qu'il occupe momentanément pour le replonger dans le néant? Chose impossible, quand il s'agissait d'un prince du sang, d'un gentilhomme hautement titré et parent des plus hauts dignitaires de la cour. L'indomptable Richelieu n'a pas encore fini avec ses peines et soucis. Il profite de ses rares moments de loisir pour créer l'Académie française, cette assemblée d'esprits d'élite, des plus grands écrivains dont s'honore la France. Enfin sa dévorante activité trouve un autre aliment dans la lutte acharnée contre la maison d'Autriche. RÉSUMÉ Après la mort de Henri IV (1610), pendant les premières années du règne de Louis XIII, la France est gouvernée par des incapables: Concini et de Luynes. Les nobles se révoltent, demandent la convocation des états généraux (1614) et ne cherchent qu'à humilier les députés du tiers état. Enfin Richelieu arrive au pouvoir (1624). Il se propose un triple but enlever aux protestants leurs places fortes, abaisser les grands et la maison d'Autriche. Richelieu assiège et prend la Rochelle (1628). Par la paix d'Alais (1629), il laisse aux protestants les libertés de conscience et du culte, mais les dépouille de leurs places de sûreté. La lutte contre la noblesse est très vive. Le cardinal interdit les duels; les seigneurs cherchent à se débarrasser de leur puissant adversaire par l'assassinat (complot de Chalais); par les intrigues de cour (journée des Dupes); à main armée (connétable de Montmorency); hison (Cinq-Mars). par la révolte par la tra La répression est terrible. Les chefs des complots portent leur tête sur l'échafaud. Les gouverneurs de province sont réduits à l'impuissance par la création des intendants. Richelieu a eu la gloire de fonder l'Académie française. Questions. 5. Pourquoi Richelieu a-t-il interdit lesduels? Comment les nobles obéirent-ils aux ordres du roi ? 6. Quels ont été les quatre principaux complots tramés par la noblesse pour se débarrasser de Richelieu? 7. Racontez la journée des dupes? 8. Dites ce que vous savez sur Cinq-Mars, sa trahison, sa mort? 9. Par quelles mesures Richelieu a dompté la noblesse? (Insister sur la création des Intendants et sur leur rôle dans les provinces.) 10. Quelle a été la grande création de Richelieu au point de vue des lettres. Narration historique. Le siège de la Rochelle (1628). Plan. (à trouver par l'élève). 1o La noblesse indépendante. Richelieu chef d'armée; les moines officiers. 2o Les retranchements élevés du côté de la terre; la digue; les Anglais. 3. Héroïque résistance des habitants de la Rochelle; Guitton; la famine. le maire LA GUERRE DE TRENTE ANS (1618-1648) ET LA LUTTE CONTRE LA MAISON D'AUTRICHE 11. Projets de l'empereur d'Allemagne. Il était temps que la France intervînt en Europe contre la puissante maison d'Autriche. Profitant d'un moment d'égarement de la politique française pendant les ministères des méprisables Concini et de Luynes, l'empereur, avec l'appui de l'Espagne, mettait à exécution ses ambitieux projets et réalisait le rêve de Charles-Quint. Il imposait le catholicisme en Allemagne et régnait en maître absolu sur ce pays jusqu'alors divisé. En quoi ces vastes desseins pouvaient-ils nuire à la grandeur et à la sécurité de la France? Il semble que « charbonnier doit être maître chez lui », que l'empereur pouvait pétrir à son gré la nation germanique. Erreur, que la situation de l'Allemagne contemporaine fait aisément comprendre. Pourquoi la France d'aujourd'hui est-elle constamment menacée à la suite de la funeste guerre de 1870 ? C'est qu'un redoutable empire s'est formé, peuplé de 50 millions d'habitants, tous soumis à la volonté du nouvel empereur, le roi de Prusse. Notre pays n'a rien à redouter d'une Allemagne morce |