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marche dessus et le reste passe. » Plusieurs carrés sont brisés; les hommes sont sabrés; soixante pièces de canon sont enlevées. Dans un carré de highlanders écossais se tient au centre le joueur de cornemuse, assis sur un tambour, un pibroch1 sous le bras; il joue tranquillement un air de ses montagnes. « Le sabre d'un cuirassier, abattant le pibroch et le bras qui le porte, fit cesser le chant en tuant le chanteur!» Les soldats britanniques se font hacher; ils sont vaincus. Déjà le flot des fuyards anglais se précipite éperdu dans la forêt de Soignes et va porter jusqu'à Bruxelles la nouvelle du grand succès des Français!

Lord Wellington se tient à cheval au milieu de son armée décimée. Il regarde sa montre, invoque la nuit ou Blücher comme son salut! « L'Angleterre vous ordonne de vous faire tuer pour elle, » répond-il à ceux qui l'interrogent. Son inébranlable fermeté lui vaut le titre de duc de Fer.

Napoléon arrive avec les bataillons de la vieille garde. Ces troupes d'élite vont donner la dernière poussée pour culbuter l'ennemi. Il est huit heures du soir. Mais, sur le flanc droit de l'armée française, surgissent de nouvelles masses. << Voici Grouchy!» tel est le cri d'allégresse que profèrent tous nos soldats. Grouchy va attaquer les Prussiens de Bulow par derrière; les deux armées ennemies sont à notre merci! C'est un succès plus grand qu'Austerlitz, Iéna et Friedland réunis !

Malheureusement ce n'est pas Grouchy, qu'une aveugle fatalité retient immobile à quelques heures de distance : ce sont les 30,000 Prussiens de Blücher. Les ombres de la nuit commencent à envahir le funèbre champ de bataille. Les soldats français, qui s'étaient conduits en héros pendant toute la journée, se croient trahis; ils s'imaginent que Napoléon est tué. Ils sont pris d'une terreur panique : c'est un sauve-qui-peut général. Napoléon, les yeux hagards,

1. Pibroch, cornemuse écossaise; composé d'une outre et de deux tuyaux.

cornemuse, instrument à vent

veut se faire tuer; malgré lui il est entraîné loin de cette scène d'horreur !

Quatre bataillons de la vieille garde restent seuls sur le plateau du Mont-Saint-Jean; 2,000 braves se trouvent enveloppés par 150,000 ennemis victorieux. Ils se forment en carré et ne veulent pas survivre à la défaite. Sommé de se rendre, leur chef, le général Cambronne, prononce ce mot énergique qui traversera les siècles: La Garde meurt et ne se rend pas! Les Anglais mitraillent les quatre angles du carré. « Ne nous rendons pas! » s'écrient ces héros qui ne sont plus que cent cinquante. « Tous alors, après avoir tiré une dernière fois, se précipitent sur la cavalerie acharnée à les poursuivre et, avec leurs baïonnettes, tuent des hommes et des chevaux, jusqu'à ce qu'enfin ils succombent dans ce sublime et dernier effort. Dévouement admirable que rien ne surpasse dans l'histoire des siècles! »

Vaincu, Napoléon se retire à Paris. Il a encore Grouchy les débris de l'armée battue à Waterloo. Il veut faire une dernière tentative pour sauver la France. Mais l'Empereur est abandonné ; les ennemis entrent pour la seconde fois dans Paris. Louis XVIII est de nouveau roi de France. Napoléon à Sainte-Hélène.

8. Sa mort (5 mai 1821). Que devint Napoléon? Ne trouvant plus d'asile, il s'embarqua près de Rochefort sur le vaisseau anglais, le Bellerophon. On sait de quelle rigoureuse façon l'Angleterre traita le lion abattu. Elle l'enferma dans l'île lointaine de Sainte-Hélène. Pendant cinq ans, l'Empereur, sous la garde d'un geôlier impitoyable, sir Hudson Lowe, attendit, avec une dignité sereine, une mort trop lente à venir.

Qu'il est grand là surtout, quand, puissance brisée,

Des porte-clefs anglais misérable risée,

Au sacre du malheur il retrempe ses droits.

Le 5 mai 1821 mourut le grand homme. Dans son agonie il eut une dernière vision de la bataille de Marengo et,

1. THIERS, Histoire de l'Empire.

au milieu des paroles entrecoupées du délire, on saisit ces mots : « Mon fils!... l'armée!... Desaix!... » Aujourd'hui, le fier conquérant qui a fait trembler le monde repose à Paris, sous la voûte du dôme élevé des Invalides.

Napoléon Ier aurait pu être le génie bienfaisant de la France; volontairement, il a été son mauvais ange. Il lui a ravi la liberté; il a fait follement massacrer sur les champs de bataille des milliers d'hommes pour satisfaire une funeste ambition. Français, nous ne pouvons oublier qu'il a laissé notre patrie amoindrie.

Souvenons-nous cependant, pour être justes, que Napoléon Ier a été un grand administrateur, un général hors de pair que la postérité élève au-dessus des capitaines les plus renommés, Alexandre, Annibal, César et Frédéric le Grand. Les belles victoires d'Austerlitz, d'Iéna et de Friedland, les merveilleuses campagnes d'Italie et de France seront toujours admirées par les hommes de guerre : ce sont « des blocs de granit » sur lesquels mord difficilement la dent de l'envie. Quand la France est vaincue, quand les hordes ennemies foulent le sol sacré de la patrie, l'Empereur personnifie l'idée de résistance! Seul il ne désespère pas du salut de notre pays. Les douloureuses épreuves du long martyre de Sainte-Hélène, si noblement supportées, font presque pardonner les fautes commises par l'impitoyable conquérant.

Tu domines notre âge, ange ou démon qu'importe !
Toujours dans nos tableaux tu jettes ta grande ombre;
Toujours Napoléon éblouissant et sombre

Sur le seuil du siècle est debout!

9. Traités de Paris (1814-1815).

L'Europe et

le Congrès de Vienne. Les traités de Paris (1814 et 1815) et le Congrès de Vienne, où se réunirent les ambassadeurs de tous les souverains, réglèrent la situation de la France et de l'Europe entière après cette lutte gigantesque de vingt ans.

Par les traités de Paris, la France restitue toutes ses con

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