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Le 3 pour 100, qui est la véritable rente française, doit son origine à la conversion de 1825 par M. de Villèle. Créé par la loi du 1er mars de la même année, il prit un rapide développement, et, en 1870, il formait un capital de 10 milliards 700 millions, rapportant une rente de 365 millions 300 mille francs.

De nos jours, la rente s'est démocratisée. Réservée autrefois à certaines classes privilégiées de la fortune, elle s'est peu à peu divisée à l'infini et répandue dans tous les rangs de la société.

Il n'est pas de valeur plus populaire que cellelà. Elle circule partout avec la même faveur, se subdivisant à volonté et ne dédaignant pas plus l'humble échoppe de l'artisan que le secrétaire de l'opulent capitaliste.

Quand on parle du 3 ou du 5 pour 100, tout le monde connaît la portée de ces termes : c'est la rente par excellence, parce qu'elle repose sur le crédit de la France, qui est le crédit par excellence; c'est aussi la valeur la moins soumise aux caprices de la fortune.

Certes, la solidité de la rente est indéniable, mais sa sécurité exige deux conditions indispensables le travail et l'ordre public.

Pour que l'État puisse répondre à ses engagements et faire face au payement de la rente, pour que sa dette ne subisse pas une augmentation subite, dangereuse, il faut que la rentrée de ses revenus s'opère régulièrement et librement, que le travail soit abondant et qu'aucune secousse

n'en vienne déranger le cours normal et la puissance productrice.

Rien ne lui est plus funeste que le désordre et la révolution. En effet, que le bruit se fasse dans la rue, aussitôt les ateliers se ferment, le commerce languit, l'argent se resserre, les impôts ne rentrent plus, l'inquiétude envahit les esprits et les fonds publics subissent une rapide dépression.

Si vous voulez vous en convaincre, jetez les yeux sur les feuilles officielles et examinez le cours de la rente aux époques de troubles. Vous verrez quels écarts entre les prix de la veille et ceux du lendemain.

En 1847, la rente 3 pour 100 était cotée à la Bourse 80 francs; en 1848, après le renversement du gouvernement de Louis-Philippe, elle descend à 38 francs. Dès que l'ordre est rétabli et que l'assurance de la stabilité reparaît, elle reprend son essor, dépasse 60 francs, pour atteindre bientôt les hauts cours qu'il nous a été donné de constater sous l'Empire.

Aujourd'hui, de même qu'à l'origine du GrandLivre, la rente est inviolable, et nos gouvernements, jaloux d'en assurer le payement régulier, l'inscrivent en tête du budget général de l'État, dont elle forme le premier article.

V

La reconnaissance.

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La pension d'un général grec. L'ancienne monarchie et les gratifications. Corneille et Chapelain. - Colbert et la caisse des invalides de la marine. constituante et la loi de 1790.

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Les pensions de l'État.

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- L'Assemblée Suppression des caisses de reLa dette viagère.

Est-il un sentiment plus naturel que celui de la reconnaissance?

Assurément, non.

Cependant, il n'en est peut-être pas, dans la vie ordinaire, de plus souvent méconnu, de plus indignement outragé.

On laisse vivre, on entoure même de soins le vieux chien de chasse dont les forces épuisées refusent le service; on aime à se rappeler ses allures vives et coquettes d'autrefois, son intelligence à dépister le gibier et les émotions que causaient ses arrêts subits.

Mais s'agit-il d'assurer contre la misère ou contre le besoin les derniers jours d'un serviteur dont on a utilisé les aptitudes ou dont la vie entière s'est passée dans le dévouement le plus absolu, on hésite, on calcule, et souvent l'indifférence s'unit à l'égoïsme pour étouffer toute pensée 'de gratitude.

Et, pourtant, quoi de plus juste, de plus digne, que de reconnaître les services passés et de récompenser le mérite chez ceux que l'âge ou les infirmités rendent incapables de travailler?

C'est pour répondre à ce sentiment d'équité que l'État a institué les pensions de retraite, et c'est pour indiquer toute l'importance qu'il y attache qu'il en fait figurer le montant au budget général, à la suite des rentes perpétuelles.

Il n'en a pas été de même à toutes les époques, et si nous consultons l'histoire, nous découvrirons avec peine de nombreuses lacunes à cet égard. Ne nous hâtons pas, toutefois, de condamner l'antiquité: elle a connu les grands dévouements et elle a su aussi les récompenser avec noblesse; elle fut accessible aux pensées généreuses, et quelques-uns des hommes illustres dont elle est fière ont vu leur vieillesse entourée d'égards et de respects.

Les rois d'Orient, ces fastueux ancêtres des nababs de l'Inde et des souverains de la Perse, donnaient aux fidèles qui les entouraient des villes, et même des provinces, qui devaient leur fournir toutes les choses nécessaires à la vie; quelquefois diverses provinces, éloignées les unes des autres, étaient chargées de pourvoir aux besoins et au luxe d'une seule personne.

Artaxercès, voulant récompenser dans Thémistocle, général grec, les hautes qualités qu'il lui reconnaissait, lui donna, paraît-il, Magnésiesur-Méandre, pour son pain, Lampsaque, le meil

leur vignoble de l'Asie, pour son vin, tandis que Myonte, qui abondait en poissons et en pâturages, devait fournir au luxe de sa table.

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Or, d'après un historien du temps, Magnésie à elle seule donnait à son heureux propriétaire 50 talents, c'est-à-dire environ 150,000 francs. Six cents ans plus tard (fait assez curieux), les descendants de Thémistocle jouissaient encore de la munificence du satrape.

A Rome, les récompenses pécuniaires étaient peu en usage; cependant, dans certaines circonstances particulières et pour donner à un citoyen une marque éclatante de satisfaction, la république lui accordait une rémunération en argent qui tenait lieu de pension.

A l'expiration de son temps de service, un vétéran, fidèle à son drapeau, était gratifié d'une somme de 12,000 sesterces ou 2,000 francs environ. Plus tard, sous l'Empire, les prétoriens recevaient, au bout de seize ans de services, 20,000 sesterces ou 3,300 francs.

A mesure qu'une organisation régulière permit à certaines personnes de se vouer par état au service de la société, le système des retraites prit une plus grande extension.

En France, sous l'ancienne monarchie, les pensions étaient multipliées à l'infini; les rois et leurs ministres aimaient à reconnaître les services éclatants par des récompenses spéciales. Vauban, le célèbre ingénieur devenu maréchal de France, et Lebrun, peintre de Louis XIV, recevaient de la

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