Page images
PDF
EPUB

de l'étranger, c'est-à-dire de ne rien lui acheter, de cesser toutes relations d'affaires avec lui, comme si les peuples n'étaient pas tous dépendants les uns des autres, au point de vue matériel, et n'avaient pas entre eux une communauté intime de besoins et d'intérêts.

Cette prétention, d'ailleurs vaine et ridicule, a été réduite à néant, lors de la ligue anglaise en faveur de la liberté commerciale, et un des orateurs les plus marquants de la Grande-Bretagne, M. W. J. Fox, dans un discours plein de finesse et d'une forme plaisante, a fait ressortir ce que l'argument de l'indépendance de l'étranger a de suranné.

((

«< Être indépendant de l'étranger, disait-il, c'est le thème favori de l'aristocratie territoriale. Elle oublie qu'elle emploie le guano à fertiliser les champs, couvrant ainsi le sol britannique d'une surface de sol étranger qui pénétrera chaque atome de blé, et lui imprimera la tache de cette dépendance dont elle se montre si impatiente.

<«< Mais qu'est-il donc, ce grand seigneur, cet avocat de l'indépendance nationale, cet ennemi de toute dépendance étrangère? Examinons sa vie.

« Voilà un cuisinier français qui prépare le dîner pour le maître, et un valet suisse qui apprête le maître pour le dîner. Milady, qui accepte sa main, est toute resplendissante de perles qu'on ne trouve jamais dans les huîtres britanniques, et la plume qui flotte sur sa tête ne fut jamais la queue d'un dindon anglais. Les viandes de sa

table viennent de la Belgique; ses vins, du Rhin et du Rhône. Il repose sa vue sur des fleurs venues de l'Amérique du Sud, et il gratifie son odorat de la fumée d'une feuille apportée de l'Amérique du Nord (tabac). Son cheval favori est d'origine arabe, son petit chien de la race du Saint-Bernard. Sa galerie est riche de tableaux flamands et de statues grecques.

«Veut-il se distraire, il va entendre des chanteurs italiens vociférant de la musique allemande, le tout suivi d'un ballet français. S'élève-t-il aux honneurs judiciaires, l'hermine qui décore ses épaules n'avait jamais figuré jusque-là sur le dos d'une bête britannique. Son esprit même est une bigarrure de contributions exotiques. Sa philosophie et sa poésie viennent de la Grèce et de Rome; sa géométrie, d'Alexandrie; son arithmétique, d'Arabie, et sa religion de Palestine. Dès son berceau, il presse ses dents naissantes sur le corail de l'Océan indien, et, lorsqu'il mourra, le marbre de Carrare surmontera sa tombe.

« Et voilà l'homme qui dit : « Soyons indépendants de l'étranger! »

Cette saillie eut un succès retentissant et elle contribua à faire condamner le régime, même adouci, des restrictions.

Aujourd'hui, la liberté commerciale a fait d'immenses et précieuses conquêtes. Depuis le traité de 1860 avec l'Angleterre, que la France doit à l'initiative personnelle et éclairée de l'empereur Napoléon III, elle est entrée dans nos mœurs.

et, bien que quelques nations, embarrassées dans leur situation financière, aient cru devoir en ajourner l'avénement, elle est appelée certainement à être partout adoptée un jour.

Les progrès qu'elle a d'ailleurs déterminés chez les peuples qui l'ont mise en pratique sont de nature à les engager dans cette voie; la concurrence y a développé l'esprit de travail et la valeur des produits en y créant par conséquent de très-grandes richesses.

Jetez les yeux sur les documents que le gouvernement publie périodiquement; examinez les résultats actuels de notre commerce extérieur ; comparez-les avec ceux des époques passées, et vous serez édifiés sur la puissance de la concurrence, en un mot, sur les bienfaits de la liberté du com

merce.

Au moment qu'éclatait la Révolution, l'ensemble des transactions internationales de la France était évalué par Necker à 530 millions environ; au commencement du siècle, alors que la prohibition la plus absolue était devenue la règle commerciale de l'Europe, notre pays ne comptait qu'un chiffre de 550 millions d'importations et d'exportations.

Peu à peu, les rigueurs de la protection se détendant avec le progrès des idées et la facilité des relations, notre commerce général se chiffrait par 1 milliard 200 millions en 1830, pour arriver à 5 milliards et demi en 1860.

Vous vous souvenez sans doute, chers lecteurs,

de cette époque de 1860, qui a marqué dans les annales de notre histoire économique. Une ère nouvelle de liberté fut inaugurée par le traité de commerce conclu avec l'Angleterre et bientôt suivi de traités spéciaux signés avec l'Italie, la Belgique, l'Autriche et la Suisse.

Les résultats en furent prompts et avantageux pour notre richesse. Nos industries décuplèrent leurs moyens de production, et nos transactions avec l'étranger, après avoir pris un développe-ment considérable, ont atteint, en 1874, malgré les malheurs que nous avons éprouvés, le total merveilleux de près de 7 milliards de francs.

Voilà les fruits de la liberté du commerce; bien qu'ils soient satisfaisants, nous avons lieu d'espérer que la limite de notre prospérité matérielle n'est pas encore atteinte et qu'elle sera reculée de nouveau lorsque les vérités économiques se seront fait jour dans les contrées qui les méconnaissent actuellement, que de nouvelles découvertes dans le domaine de la science auront permis d'accroître la production et que des marchés peu fréquentés ou fermés encore au commerce de l'Occident se seront ouverts et auront acquis une plus grande importance.

XVII

Ce qu'on entendait par péages.

Le portorium des Romains. La branchiete. Le roi concède le droit de péage comme une marque de bienveillance et de reconnaissance. - Multiplicité des droits au neuvième siècle.

Le droit de travers.

[blocks in formation]

des ponts. La monnaie de singe.

et les fleuves grevés de péages spéciaux. croissent pendant le moyen âge.

Le passage

Les rivières

Les péages s'ac

Parmi les obstacles sans nombre que l'ancien esprit fiscal avait élevés contre la libre circulation des marchandises étaient les péages.

On appelait ainsi des droits levés sur les ponts, sur les rivières et sur les chemins, en raison du poids des voitures chargées de marchandises ou de celui que portaient les bêtes de somme, et abstraction faite de la valeur et du prix de ces marchandises. Leur origine était fort ancienne, car dans l'histoire de Rome on en retrouve la trace dans un impôt dit portorium, établi sur tous les produits et objets qui débarquaient à un port de la république ou bien sur les marchandises qui traversaient un point quelconque du territoire.

En France, les péages ont été pratiqués au moyen âge. Le roi seul avait le droit de les établir et d'en fixer le tarif: ils se prélevaient d'ordinaire sur toutes les marchandises qui passaient sur les fleuves, près d'un pont ou d'une chaussée, ou traversaient un canal, et leur produit était destiné

« PreviousContinue »