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DE

LA FONTAINE

NOUVELLE ÉDITION

Très-soigneusement revue sur les textes originaux

AVEC UN

TRAVAIL DE CRITIQUE ET D'ÉRUDITION

APERÇUS D'HISTOIRE LITTÉRAIRE

VIE DE L'AUTEUR, NOTES ET COMMENTAIRES, BIBLIOGRAPHIE, ETC.

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INTRODUCTION.

Lorsqu'on présente à des lecteurs qui n'ont pas beaucoup de littérature un fort volume contenant le Théâtre de La Fontaine, presque toujours ils manifestent de l'étonnement. La plupart avouent franchement qu'ils ne se doutaient pas que La Fontaine eût produit un aussi grand nombre d'œuvres dramatiques. Celles-ci restent effacées par les Fables et par les Contes. Elles n'ont pas une valeur égale à celle des Fables et des Contes. Elles ne forment qu'un ensemble de tentatives diverses, quelques-unes très-intéressantes sans doute, mais qui n'ont pas un développement suivi et qui n'aboutissent point à une création d'ordre supérieur.

Ce qui, dans l'art théâtral, séduisit d'abord La Fontaine, ce fut l'opéra. Il est évident que le spectacle, que la musique, les danses, les bergers, les bergères, tout ce poétique appareil exerça une certaine fascination sur son esprit, quoiqu'il en ait parlé d'un ton assez dégagé :

Des machines d'abord le surprenant spectacle
Éblouit le bourgeois, etc.1

Il se montra plus irrité qu'on ne s'y serait attendu de sa part, lorsque Lulli renonça à la malheureuse Daphné, et il fit contre

1. Épître à M. de Niert, 1677.

a

le musicien infidèle la pièce de vers où il a répandu le plus d'amertume. Il n'en persista pas moins dans ses essais de pastorales ou de tragédies lyriques, et il aboutit à l'Astrée, qui, soit par la faute du poëte, soit par celle du musicien, subit un échec décisif.

Il s'essaya dans la tragédie. Il composa laborieusement deux actes d'un Achille, et il s'arrêta. Il donna une preuve de son jugement en ne s'obstinant pas dans un genre de composition pour lequel la nature ne l'avait pas formé.

La comédie lui réussit mieux. Le Florentin, la Coupe enchantée, ont figuré assez heureusement sur la scène, et sont restés au répertoire. Mais ces pièces n'ont même pas fait à La Fontaine le renom d'auteur dramatique qu'elles auraient pu lui mériter. C'est qu'en effet il n'en a pas la possession incontestée. Il n'en est pas l'auteur certain. Une ombre demeure entre elles et lui. Et c'est cette question de paternité qu'il nous faut discuter en premier lieu.

Le Théâtre de La Fontaine est formé de deux parties: l'une qui lui appartient authentiquement, qu'il a publiée luimême; l'autre qui lui est attribuée par conjecture; et, circonstance assez remarquable, la partie qui lui appartient authentiquement n'a pas eu, à peu d'exceptions près, les honneurs de la représentation publique, tandis que la partie qui lui est seulement attribuée a de son vivant paru sur la scène.

La partie authentique de son Théâtre se compose des pièces suivantes : une traduction de l'Eunuque de Térence; les Rieurs du Beau-Richard, ballet; Clymène, comédie; Daphnė, opéra; Galatée, fragment d'opéra; Astrée, tragédie lyrique ou opéra; Achille, fragment de tragédie. De toutes ces pièces, il n'y a qu'Astrée, mise en musique par Colasse, qui ait été représentée à Paris, sur la scène de l'Académie royale de musique.

La petite farce, les Rieurs du Beau-Richard, avait fait le sujet d'un divertissement de société, à Château-Thierry, dans la jeunesse de l'auteur.

La partie de ce Théâtre dont il n'est que présumé l'auteur ou l'un des auteurs comprend : Ragotin, comédie; le Florentin, comédie; la Coupe enchantée, comédie; Je vous prends sans vert, comédie; et le Veau perdu dont on n'a que le titre et une courte analyse d'après Grandval. Toutes ces pièces ont été représentées sur le théâtre des Comédiens du roi, de l'année 1684 à l'année 1693.

Les deux premières sont inscrites sur le registre de La Grange1 sous le nom de Champmeslé, l'un des comédiens de la troupe royale, et mari de la grande actrice célébrée par La Fontaine et par Boileau. Les deux suivantes : la Coupe enchanlée et Je vous prends sans vert, ont été recueillies dans les OEuvres de Monsieur de Champmeslė, publiées par la compagnie des libraires en 1735 et 1742. J.-B. Rousseau, dans une lettre à l'abbé d'Olivet, et dans la préface du Florentin publié par lui à Amsterdam en 1735, assure que cette pièce, ainsi que Je vous prends sans vert, n'est pas de La Fontaine, mais de Champmeslé. Enfin, les frères Parfait, dans leur Histoire du Theatre françois, après avoir inscrit ces différentes pièces au nom de La Fontaine, reviennent sur leur première assertion en disant (t. XIV, p. 527): « Des personnes dignes de foi qui ont connu Champmeslé, nous ont assuré que cet acteur avoit eu beaucoup de part aux pièces suivantes : le Florentin, la Coupe enchantée, le Veau perdu, Je vous prends sans vert, quoique ces pièces passent pour être entièrement de La Fontaine. >>

Voyons d'autre part comment la tradition tendant à établir les droits de La Fontaine s'est formée :

En 1702, sept ans après la mort de La Fontaine, un an après la mort de Champmeslé (décédé le 19 août 1701), Adrian Moetjens, éditeur hollandais, fit paraître à La Haye un volume in-12 intitulé Pièces de théâtre de Monsieur de La Fontaine. Ce

1. Extrait des recettes et des affaires de la comédie depuis Pasques de l'année 1659 (jusqu'au 1er septembre 1685), appartenant au sieur de La Grange, l'un des comédiens du roi.

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