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que la tyrannie d'une passion, l'empire d'un vice, l'aveuglement causé par un préjugé, etc.

Dans les rapports d'infériorité, l'homme se trouve-t-il en présence d'êtres plus raisonnables, plus excellemment hommes que lui, il leur doit une déférence et une soumission, non point aveugles, mais fondées sur la certitude. qu'il lui est utile de se laisser conduire vers les régions supérieures de la connaissance par ceux qui les habitent. Cette obéissance réfléchie et volontaire est un acte de liberté, non de servitude; cette autorité naturelle, légitime, paternelle selon l'esprit, est celle de Socrate sur Phédon, de Jésus sur Jean, de Mahomet sur Ali, etc.; elle a sa raison dans la grande loi des inégalités qui, dans l'ordre moral comme dans l'ordre physique, préside à toutes les harmonics de l'univers.

Tels sont les trois rapports essentiels de l'hoinme avec son semblable, abstraction faite des lois, des coutumes, des rangs marqués par les conventions sociales. L'Etat, qui ne se peut asseoir sur des abstractions, à dû établir une hiérarchie factice mais déterminée, à

l'image de cette hiérarchie naturelle et occulte; il a créé des supérieurs, des égaux, des inférieurs devant la loi. Nous le suivrons plus tard dans les rapports établis par lui. Examinons en premier lieu la hiérarchie naturelle.

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CHAPITRE XI.

RELATIONS DE SUPÉRIORITÉ,

DEVOIRS DE PATERNITÉ MORALE OU D'ÉDUCATION.

a Personne ne peut être contraint par la force à suivre les voies de la béatitude. Des conseils fraternels et pieux, une bonne éducation et, avant tout, la libre possession de ses jugements, voilà les seuls moyens d'y conduire. » SPINOZA.

Faites silence; ici tout est sacré. En proie à un mal inconnu, la jeune épouse gît éplorée sur un lit de douleur. Une sucur froide mouille son front dont pas un pli n'offusque encore la virginale beauté; ses longs cheveux tombent en désordre sur sa poitrine haletante; de ra

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pides rougeurs et des pâleurs mortelles passent et repassent sur sa joue; son inquiet regard interroge le visage muet des matrones; ses doigts crispés cherchent avec égarement la main de son époux et la main de sa mère. Dans les courts répits de la crise qui se presse et redouble, elle demande d'un accent suppliant si la délivrance ne viendra donc point. On l'exhorte au courage, mais l'étreinte du mal est implacable et la brise. Bientôt ses lèvres contractées ne laissent plus passage qu'à de sourds gémissements; ses yeux se ferment, sa voix expire, les palpitations de son cœur s'arrêtent; tout son être demeure suspendu entre les affres de la mort et l'énergique convulsion d'une double vie en lutte dans ses entrailles. Enfin ses flancs brûlés se déchirent, son sang coule à grands flots. Porté par ce flot douloureux un enfant vient à la lumière, qu'il salue d'un cri plaintif. O mystère de la maternité! comment vous faire comprendre? A ce cri tout est apaisé, tout est oublié. Des larmes brillantes inondent les yeux, tout à l'heure voilés de ténèbres, de la jeune mère. Soudain ranimée, elle se sou

lève sur sa couche comme portée par d'invisibles mains et regarde, curieuse, autour d'elle. En ce moment l'homme de science tranche avec le fer le lien qui unit encore à elle le fruit de son amour en lui disant : Madame, un fils vous est né. L'orgucilleuse félicité des dieux descend dans le cœur maternel; d'ineffables ravissements le remplissent d'une religieuse ivresse.

Oui, cette heure est auguste et sacrée entre toutes, car un fils est né à la femme; un homme est né à la société; une créature libre est entrée dans la vie immortelle.

Mais cette créature, virtuellement douée de liberté, est dans la dépendance d'un organisme qui va se développer lentement, par degrés insensibles, durant une période qu'on ne peut évaluer, pour le plus grand nombre, à moins de quinze ou vingt années. Pendant la première enfance, être encore tout passif, l'homme reste assujetti à d'incessants besoins physiques qu'il ne peut satisfaire lui-même. Dans l'adolescence, ses besoins intellectuels, aussi instinctifs, aussi peu réfléchis que ses besoins phy

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