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posséderons cette paix supérieure, vainement cherchée au dehors, cette béatitude pressentie qu'aucune volupté ne supplée et qui n'est, en quelque sorte, que l'épanouissement naturel de notre âme dans l'atmosphère idéale de la vérité.

Or, cette délivrance de l'entendement n'est autre chose que l'éveil de la conscience du bien et du mal.

CHAPITRE II.

DE LA CONNAISSANCE DE SOI.

• Celui qui s'ignore soi-même ignore le fondement de toutes les vertus, et par suite toutes les vertus. »

SPINOZA.

Sans la connaissance du bien et du mal, la liberté humaine ne trouve pas à s'exercer; rien ne la détermine; elle sommeille dans une indifférente ineptie, et les instincts bruts gouvernent seuls l'existence. Mais cette connaissance, où la chercher, comment l'acquérir? Connaistoi toi-même, répond la sagesse antique. En

effet, placé comme il l'est au sommet de l'échelle des êtres terrestres, la connaissance de soi devient pour l'homme le dernier terme et comme l'accomplissement de la science; car, s'il veut savoir quel il est, se rendre compte de ses besoins et de ses facultés, il est conduit à l'étude de ses rapports avec l'ensemble du monde phénoménal; il ne saurait s'isoler de la terre sur laquelle il marche, des astres qui l'éclairent, de l'air qu'il respire, des animaux et des plantes dont il se nourrit, de tout ce qui protége, menace, attriste ou charine son existence (15). Son entendement est comme le point d'intersection où se croisent les rayons les plus distants des vérités éparses, et, par un don vraiment divin, la science s'y métamor phose en sagesse. Les anciens le sentaient bien lorsqu'ils nommaient l'homme microcosme, toutes les forces élémentaires ont un rapport direct et des affinités intimes avec lui. Lorsqu'il dilate sa poitrine il respire l'haleine de la création tout entière; en mettant la main sur son cœur, il y sent battre la vie des mondes.

L'insouci de la plupart des hommes à l'en

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droit de cette science d'eux-mêmes a lieu de confondre. Combien il en est peu qui connaissent leur propre structure, le jeu de leurs organes, les diverses fonctions des muscles, des nerfs, du cerveau! Que le nombre est grand, au contraire, de ceux qui n'ont jamais réfléchi sur ce . travail de transformation perpétuel qui fait du germe le fœtus, du foetus l'enfant, de l'enfant l'homme de l'homme le vieillard, du vieillard le cadavre, et du cadavre la molécule insaisissable! Honteuse stupidité d'un être si superbe! triste bandeau d'ignorance au front de cette triste majesté! L'homme déclare qu'il est le roi de la création, et ne sait seulement pas par quelles lois il respire! Qu'importe, dira-t-on, s'il doit toujours arriver à l'inexplicable et se heurter contre le mystère (1)? Raisonnement de paresse, lâcheté d'esprit. Sachons être homme, et pour cela sachons comment nous le sommes. Poursuivons le inystère; forçons-le à reculer; avançons hardiment même dans les ténèbres; que chaque individu, que chaque siècle apporte son flambeau. Descendons dans les profondeurs de la vie, comme Faust chez les Mères! qui

sait si nous n'en ramènerons pas l'Hélène rajeunie, la Psyché éternellement vivante, le secret de l'âme universelle (")! La sublime vision du poëte, ou plutôt les superstitions de la magie, de l'astrologie, de l'alchimie, dont cette vision est le symbole, ne seraient-elles pas dans l'humanité un vague mais opiniâtre pressentiment de ses destinées futures, instituées un jour par la toute-puissance de la science? Le monde physique et le monde moral sont si étroitement unis par mille liens secrets que, si l'homme parvenait jamais à saisir l'ensemble des conditions de sa vie cosmogonique, les principes par lesquels il devrait gouverner ses destinées sociales lui apparaîtraient sans nul doute et comme par enchantement; il connaîtrait alors ce qu'il ne fait que pressentir aujourd'hui, c'est qu'il n'y a qu'une loi, qu'une science. L'ordre invisible du monde psychologique est semblable à l'ordre du monde visible. Celui qui en trouvera l'analogie exacte sera le véritable rédempteur de la vie terrestre; car alors l'unité de Dicu ne sera plus sculement une foi instinctive, elle deviendra une évidence

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