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humain sera viciée à sa source. Il ne sera pas possible de tracer des règles précises et certaines. Il n'en est point pour l'individu quand une institution fondamentale comme le mariage manque de justesse et par conséquent de cette force supérieure devant laquelle toute conscience droite s'incline avec respect. Une confusion déplorable se fait dans les esprits. Il devient excessivement difficile de remonter aux rapports vrais dont nos devoirs dérivent. Le bien ne saurait plus être qu'un moindre mal, car nul ne peut agir seul. La solidarité sociale s'étend à tout et à tous. Nulle existence ne se peut abstraire des autres existences. Nul homme ne vit de soi, pour soi et soi et par soi; nul ne saurait se conduire bien à tous égards, être juste enfin, autrement que par le désir, sous l'empire de lois arbitraires et déraisonnables.

CHAPITRE XVII.

DE L'ÉDUCATION.

L'homme libre ne doit rien apprendre en esclave.

PLATON.

L'éducation doit avoir en vue l'homme en

tant qu'individu et l'homme en tant que membre de la société. Il y faut le concours de la famille et de l'État en des institutions qui la protégent et la dirigent vers un but unique, à travers les diverses phases de la jeunesse. J'ai

dit que l'action de l'éducation (en prenant ce mot dans le sens le plus étendu) commençait dès le sein de la mère, devenue jusqu'à un cer

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tain point coopératrice dans la formation d'un

être qui se nourrit de sa substance et ressent toutes les perturbations auxquelles elle s'expose (78). Mais, dans ma pensée, le devoir des parents remonte plus haut encore. Les circonstances qui voient s'accomplir la conception ne sauraient être indifférentes; les dispositions morales et physiques du père et de la mère durant cette opération mystérieuse des forces génératrices exercent, sans nul doute, une influence considérable sur l'être qui leur devra le jour. C'est forfaire à la dignité de l'espèce humaine que de ne point environner de respect l'acte qui la perpétue.

L'école de Pythagore recommandait

de ne

pas procéder pendant l'ivresse à l'acte saint de la génération (7) ». L'homme libre, aspirant à créer un homme libre, ne doit point s'accoupler comme la brute qui, dans un brusque transport, se livre à ses appétits aveugles. Il doit s'unir à la femme qu'il a choisie selon de particulières et intimes convenances, dans toute la liberté de sa raison, dans la plénitude de sa volonté et dans la concordance la plus parfaite

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de ses sentiments et de ses désirs. La santé de son âme ne sera pas moins souhaitable en ces étreintès de l'amour créateur que la santé de son corps; l'acte suprême de la puissance humaine, qui est en même temps sa volupté la plus vive, demanderait, pour être ordonné à sa fin auguste, le concours simultané et la perfection de toutes les forces de la vie ( 8o).

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Oh! qu'ils comprenaient mal la grandeur de l'homme, ces pâles ascètes, dont l'esprit morose n'a vu dans le tressaillement divin qui crée aux flancs délicats de la femme une intelligence immortelle, qu'un acte de concupiscence, une fornication, le soulagement d'un besoin impur (8)! Qu'ils se sont tristement égarés, ces docteurs dans la science d'anathème, eux dont la sombre sagesse a fait du tout-puissant amour une faiblesse honteuse et de la volupté sainte un péché ignoble! Quelle témérité, quelle audace de folie n'a-t-il pas fallu pour flétrir à ce point les sources

mêmes de l'existence; et quelles visions chimériques sont donc apparues à ces cerveaux en délire pour qu'ils aient ainsi frappé de réprobation l'attrait sacré qui unit l'homme à la femme,

ལ་མ

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