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MOGONIE.

LA Cos- nous ne pensions. Nous avons vû les illusions étranges dont l'homme devient le jouèt quand l'amour de la justice et de la vérité ne régle point son cœur. Nous avons pu voir avec fruit la naissance et l'absurdité de plusieurs opinions pernicieuses, dont tant de personnes demeurent encore aujourd'hui fort entêtées. Enfin nous avons commencé à faire sentir l'excellence et le prix inestimable de la narration de Moise; puisqu'au travers de cette foule de fables > postérieurement ajoûtées à l'ancienne tradition, nous avons montré dans le Paganisme le même fond d'histoires, le même fond d'usages; disons plus, le même fond des premières vérités, qui s'est conservé dans le récit de Moise. Nous avons vû en effet de part et d'autre, long-tems avant la loi donnée au désert, les sacrifices, les néoménies, la dédicace des monumens et des autels par des effusions d'huile et autres libations, les honneurs funébres : l'attente d'une meilleure vie, et la persuasion universelle d'une justice qui traitera chacun selon ses œuvres. Nous avons retrouvé en Egypte les vestiges sensibles de la demeure de Cham. Dans les opinions des Orientaux, sur l'origine des dieux, nous avons vû des traces de l'histoire, tantôt d'Abraham, tantôt de Noë; le souvenir du partage de la terre entre les trois enfans de celui-ci: la connoissance du rétablissement du labourage par un homme sauvé du

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déluge; le souvenir de l'arche; la connois

LE

sance très-distincte d'une entière diffé- CHAOS.. rence d'état dans la nature et dans la société avant et après cet évènement; enfin ce qui est bien remarquable, et il suffit d'ouvrir les métamorphoses d'Ovide pour s'en convaincre, la double origine de l'homme que le Paganisme, comme l'Ecriture, fait venir tout à la fois du limon et du ciel ; du limon ou de la terre jointe à l'eau, parce qu'il vit dans un corps dont les élémens terrestres sont la première base; du ciel, parce qu'il a reçu une vie, une ame, et une intelligence toute céleste,

Ici mes Lecteurs se plaindroient avec raison, si je ne remontois pas jusqu'au chaos dont les poëtes et Moise ont parlé. C'est une vérité connue que les poëtes, les philosophes, les nations policées, et les peuples barbares, ont conservé le souvenir d'un état de ténébres et de confusion qui avoit précédé l'arrangement du monde que nous voyons: et nous ne pouvons disconvenir que ce précieux reste de l'histoire du monde naissant, malgré les idées accessoires que chaque nation et chaque philosophe y a peu-à-peu ajoûtées, ne soit encore une attestation universellement rendue à la vérité du récit de Moïse. Mais si nous comparons le chaos qui se trouve dans la tradition des Hébreux avec celui que les poëtes et les philosophes ont admis; nous ne verrons que

MOGONIE.

LA Cos- justesse et que vérité dans le premier : nous ne trouverons qu'erreurs et que conséquences absurdes ou même dangereuses dans l'autre.

I.

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Le chaos des Philosophes, ou la matière première.

Il n'y a personne qui ne passe ici condamnation sur le chaos poëtique. On est blessé d'y voir faire un personnage du silence; un autre d'Ereb ou de la nuit ; un troisième d'Yle ou de la matière ; d'entendre rechercher les filiations de pareilles gens, et de bien d'autres qu'on peut voir dans Hésiode et dans ce qu'Eusebe nous *Prop. Ev. a conservé du vieux Sanchoniaton *. Ce

lib. 1.

qu'on peut dire de plus vraisemblable sur ces anciennes Cosmogonies, c'est que de tout tems les hommes ont voulu pénétrer plus loin qu'il ne leur est permis de faire, et qu'on faisoit autrefois des systêmes sur l'origine du monde comme on en fait aujourd'hui au lieu de s'en tenir à la simplicité de l'histoire que nous en avons. Les maîtres apparemment resserroient leurs idées en petit, et leur donnant un air d'allégorie, et en faisant marcher ou agir les principaux objets de leur systême comme autant de personnages vivans et animés. Ils croyoient par cet air dramatique rendre leur doctrine plus sensible.

pour

Ils la mettoient en vers et en chant
être plus facilement retenue, et se réser-
voient à l'étendre suffisamment dans leurs
explications. Mais malheureusement ces
allégories, aussi-bien que toutes leurs fa-
bles, et même leurs plaisanteries sur les
anciens symboles, se perpétuèrent com-
me autant d'histoires dont s'est grossi peu-
à-peu l'horrible amas de mythologies
Payennes. Abandonnons toutes ces fic-
tions si mal assorties, après y avoir ob-
servé un assez grand nombre de vestiges
très-sensibles des vérités dont le peuple
de Dieu a été le fidèle dépositaire. Ce
n'est guères qu'en travaillant dans cette
vûe qu'on peut rendre l'étude du Paga-
nisme solide et profitable. C'est faire ser-
vir l'erreur et le mensonge même à notre
édification. C'est tirer l'or de la boue. Mais
présentement il ne s'agit plus de voir ent
quoi le Paganisme peut avoir rapport à
P'Histoire Sainte, ni comment les fables
contiennent les vestiges sensibles des
principales vérités, sans cependant que
Ecriture Sainte, ni la fréquentation des
Hébreux ayent donné naissance à ces
fables. Notre comparaison roulera dé-
sormais entre Moïse et les Philosophes.
Commençons par leur chaos. C'est le point
d'où nous les voyons tous partir l'un après
l'autre.

L'amour des biens du corps n'est pas
P'unique passion qui remue l'honime: le

)

LE

CHAOS.

Origine de toutes leser

reurs.

MOGONIE.

LA Cos- désir de connoître agit presqu'aussi puissamment sur son cœur. Dieu a bien voulu en sa faveur attacher un plaisir et des attraits, tant à l'égard des soutiens de sa santé, qu'à la connoissance des vérités qui l'intéressent. Mais ces dons de Dieu si salutaires, quand l'homme en use modérément et avec reconnoissance, se peuvent convertir en autant de poisons, quand l'homme n'en sait ni borner, ni régler P'usage. Un amour excessif des biens terrestres l'a rendu idolâtre, et lui a fait prendre tout ce qui l'environnoit dans le ciel et sur la terre pour autant de puissances respectables, ou pour autant d'oracles qui l'instruisoient à chaque instant jusques sur les plus petits intérêts. De même un désir démesuré de tout connoître lui a fait abandonner l'ordre des connoissances auxquelles Dieu l'avoit borné, pour courir après de vains systêmes qui n'embrassent rien moins que l'univers et ses parties; systêmes, qui, depuis le commencement du monde jusqu'à nos jours, se produisent et se débusquent l'un l'autre sans pouvoir ni se soutenir, ni se faire comprendre.

N'allons point chercher parmi les docteurs Chinois, Indiens, Arabes, ou autres Asiatiques, quelles sont leurs pensées sur l'origine du monde, et sur la fabrique des cieux. Notre Europe est assez abondante en sublimes conceptions sur cette

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