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et peut-être un peu trop dangereuses dès là que nous ne pourrions pas y joindre les répliques de M. Arnaud. Nous n'y avons laissé que ce qui nous a paru nécessaire pour en indiquer l'objet et pour faciliter la découverte des réponses de M. Arnauld. » On voit que l'éditeur a précisément retranché ce qu'il y avait de plus important dans cette correspondance. Où sont allées les lettres originales de Leibnitz, que l'écrivain janséniste avait sous les yeux en 1776? Où les avait-il trouvées? dans un dépôt public ou dans une bibliothèque particulière? Pas un mot sur tout cela. Voilà comme on faisait alors et comme souvent encore on fait aujourd'hui des éditions. Du moins il semble impossible que les lettres originales de Leibnitz aient été détruites. Elles sont encore quelque part aujourd'hui. Comment leur possesseur ne se fait-il pas un devoir de les communiquer à ceux qui s'intéressent et se connaissent à ces sortes de matières? Il paraîtrait qu'au moins les minutes de ces lettres sont à la bibliothèque de Hanovre, car en 1809 1, on en tira une copie sur laquelle M. l'abbé Eymery a publié cinq lettres, ou du moins cinq fragments de lettres inédites de Leibnitz à Arnauld. On devrait donc retrouver ces minutes dans la bibliothèque de Hanovre 2, et la copie parmi les papiers laissés par l'abbé Eymery à la bibliothèque de Saint-Sulpice. Et pourtant M. Erdmann n'a rien trouvé à la bibliothèque de Hanovre 3, et, quant à celle du séminaire de

Voyez la préface de l'Exposition de la doctrine de Leibnitz sur la religion, suivie de Pensées extraites des ouvrages du mème auteur. Paris, 1819. Les lettres données par l'abbé Eymery sont écrites en latin, tandis que les lettres publiées par l'éditeur d'Arnauld sont en français.

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3 Leibnitii opera philosophica, etc. Berolini, 1840, Præfatio, p. xvII.

428 CORRESP. DE MALEBRANCHE ET DE LEIBNITZ. Saint-Sulpice, où sont déposés les papiers de l'abbé Eymery, tous nos efforts pour y avoir quelque accès sont restés inutiles. Il est une autre correspondance, moins philosophique, mais d'un grand intérêt encore, qui se trouve certainement tout entière à la bibliothèque de Hanovre, au témoignage de M. Pertz 1, celle de Leibnitz avec le P. Lelong, de l'Oratoire, de 1704 à 1716. Nous nous occupons en ce moment de la recueillir, et peut-être un jour la donnerons-nous au public.

Lettre à nous adressée le 18 mai 1841.

DU

CARTÉSIANISME ET DU SPINOZISME.

Nous l'avons déjà dit1: le cartésianisme, avec le jansénisme, a été la grande affaire intellectuelle du XVII° siècle ; il a occupé les savants et les gens du monde, l'Église, les académies et les cercles à la mode. Nous l'avons fait voir agitant un monastère de bénédictins et animant le salon d'une femme aimable, dans une petite ville de la Lorraine et au fond de la Bretagne. Le cardinal de Retz à Saint-Mihiel et madame de Sévigné aux Rochers, discutant les principes et les conséquences du cartésianisme, nous représentent à peu près ce qui se passait d'un bout de la France à l'autre. Ces deux brillants modèles ont eu bien des copies plus ou moins heureuses. En voici deux fort affaiblies, mais qui, par cela même, ont l'avantage de prouver que les spéculations cartésiennes n'étaient pas le privilége de quelques esprits d'élite, mais qu'elles attiraient presque toutes les intelligences cultivées. C'est à ce trait qu'on reconnaît si une philosophie, comme une pièce de théâtre, ou un roman, ou un ouvrage d'esprit quelconque, a réellement touché le cœur d'un siècle. Sans Plus haut, p. 99.

doute c'est à quelques hommes supérieurs qu'il appartient de donner le signal; mais tant que la foule n'a pas suivi, le génie n'a point remporté son plus beau triomphe: il n'a pas élevé jusqu'à lui la médiocrité, c'est-à-dire la plus grande partie des hommes.

Ce préambule était nécessaire pour nous justifier d'avoir tiré d'obscurs manuscrits deux morceaux qui y dormaient depuis cent cinquante ou deux cents ans, et que nous produisons à la lumière, bien moins à cause de leur mérite propre, que pour servir en quelque sorte d'objets accessoires, car il en faut aussi, dans le grand et vaste tableau du cartésianisme. Il s'agit de deux fragments philosophiques, qui ont pour auteurs un homme du monde, dont le nom n'était pas venu jusqu'à nous, et un savant théologien, qui a été fort mêlé aux querelles du jansénisme.

Madame la marquise de Sablé était une de ces femmes du XVIIe siècle, grave et aimable, d'une conduite irréprochable et du plus agréable commerce, sans fortune, et pourtant, jusqu'à la fin de sa vie, entourée d'une sorte de cour, recherchée à la fois par les solitaires et les gens du monde, par les scrupuleux et les raffinés en dévotion comme par les beaux esprits à la mode, et qui dans le nombre de ses amitiés en comptait des plus illustres, madame de Sévigné et madame de Lafayette, la Rochefoucaud, Arnauld, même Pascal. Quel trésor nous serait sa correspondance entière retrouvée! On en a du moins une partie dans les papiers du docteur Vallant, son médecin et son ami. Ces papiers sont conservés à la Bibliothèque royale dans des portefeuilles bien connus de tous les amateurs du XVIIe siècle, et dont nous-même avons tiré

plus d'une pièce intéressante. La Bibliothèque royale possède aussi, dans une collection appelée Résidu de Saint-Germain, paquet 4, no 6, un volume in-folio, qui peut être considéré comme une suite des portefeuilles du docteur. Il contient des lettres qui lui sont adressées, une petite notice de M. l'abbé d'Haly sur madame la marquise de Sablé, de petites pièces de vers et de prose qui se lisaient probablement dans le salon de cette dame, entre autres le fameux discours de Cléante sur les vrais et les faux dévots, que Molière ajouta, en 1669, pour bien expliquer sa pensée, et qui d'abord courut en manuscrit tout Paris 2. Au milieu de cet in - folio sont quelques pages sous ce titre : Pensées de M. de la Clausure sur les opinions de M. Descartes, 1673. Marquons l'occasion probable et le caractère de cet écrit. Parmi les accusations graves dont le cartésianisme était

1

Voyez dans notre ouvrage intitulé: Des Pensées de Pascal, une lettre inédite de Pascal à madanie de Sablé, p. 375 de la nouvelle édition.

* Cette copie manuscrite nous fournit plusieurs variantes qu'il n'est pas sans intérêt de relever.

Édit. Et comme on ne voit pas qu'où l'honneur les conduit,

Ms.

Les vrais braves soient ceux qui font beaucoup de bruit.
Ms. Les vrais braves soient ceux qui mènent plus de bruit.
Edit Les bons et vrais dévots qu'on doit suivre à la trace
Ne sont pas ceux aussi qui font tant de grimace.
Ne sont pas ceux aussi qui font plus de grimace.
Édit. Dans la juste nature on ne les voit jamais.
Ms Dans la juste nature ils ne restent jamais.
Édit. A prix de faux elins d'yeux et d'élans affectés.
Ms. A prix de faux clins d'yeux et d'hélas affectés.

Le manuscrit ne contient pas les quatre vers suivants :

L'apparence du mal a chez eux peu d'appui,

Et leur âme est portée à juger bien d'autrui.
Point de cabale en eux; point d'intrigues à suivre
On les voit pour tous soins se mêler de bien vivre.

Edit.es intérêts du ciel plus qu'il ne rent lui-même
Ms. Les intérêts du ciel au dela de lui-même.

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