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que', à Genève, en Angleterre. On le voit, c'est à peu près la même vie que celle de Bruno. Il doit avoir été engagé dans les ordres, car il avait fait des sermons'. Arrivé en France, il séjourna quelque temps à Lyon et à Paris avant son fatal voyage à Toulouse.

C'est à Lyon qu'il publia, en 1615, son premier écrit, avec ce titre pompeux : Amphithéâtre de la Providence éternelle, magique et divin, chrétien et physique, astrologico-catholique, contre les anciens philosophes, les athées, les épicuriens, les péripatéticiens et les stoïciens, par Jules César Vanini, philosophe, théologien, docteur en droit civil et en droit canon". Le livre est dédié à son excellence don Francisco de Castro, duc de Taurisano, ambassadeur d'Espagne auprès du saint-siége. Il est revêtu de l'approbation civile et de l'approbation ecclésiastique. Deux censeurs ecclésiastiques différents, l'un vicaire général de l'archevêque de Lyon, l'autre professeur en théologie, prédicateur et délégué par l'archevêque, déclarent que l'écrit de Vanini ne renferme rien qui soit con

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Ibid., p. 73: « Cum Germaniam peragrarem. » Dial.,

Amphith., p. 39: «Cum essemus Antverpiæ....»Dial., p. 121:« Dum apud Belgas immorabar. » — Ibid., p. 133: « Addamus... Hollandiam et Zelandiam... ut ex ipsorum locorum facie cognovimus. »-Ibid. p. 450 : « Flessingiæ cum essem. »

2 Dial.,

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p. 326.

Amphith., p. 117: « Cum anno præterito, Londini, ad agonem christianum destinatus. » Dial., p. 133 : « Nullibi nos in Anglia vidimus. » Ibid., p. 217: « Per id tempus quo Londini commoratus sum. » Ibid, p. 266 et 267 : «Per duos circiter annos illud nos incoluimus solum... »

Dial., p. 234: « Sic olim concionando.... »

Amphitheatrum æternæ Providentiæ divino-magicum, christianophysicum, nec non astrologo-catholicum, adversus veteres philosophos, atheos, epicureos, peripateticos et stoicos, auctore Julio Cæsare Vanino, philosopho, theologo, ac juris utriusque doctore. Lugduni, 1615.

traire à la foi catholique ; le dernier même y trouve « des raisonnements pleins de force et de finesse, fondés sur la saine doctrine des théologiens les plus autorisés, » et il s'exprime sur le ton de l'admiration. Suivent les témoignages de diverses personnes, et des éloges en vers de l'ouvrage et de l'auteur. Que dire, en vérité, de ce cortége d'approbations, si l'Amphithéâtre est un monument d'impiété et d'athéisme?

En apparence au moins, c'est tout le contraire. D'abord, quant à la religion, Vanini s'en porte partout le défenseur. Il prétend avoir composé une apologie pour la loi mosaïque et chrétienne, contre les physiciens, les astronomes et les politiques, ainsi qu'une apologie en dixhuit livres du concile de Trente contre les hérétiques 3. Ces écrits sont-ils réels ou supposés ? nous l'ignorons. Toujours est-il qu'il les cite assez souvent. Il s'appelle luimême « le fils de la sainte mère l'Église catholique. » Il prétend qu'il a failli en Angleterre subir le martyre pour la foi, et qu'il serait mort bien volontiers pour une si belle cause. Il fait l'éloge de la société de Jésus, qu'il nomme « le palladium de l'Église romaine, la colonne de toute religion, l'ancre de salut du genre humain 6. » Enfin, en

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«Sed cum peracutas, tum pervalidas rationes juxta sanam sublimiorum in sacra theologia magistrorum doctrinam (o quam utiliter!) contineri. >> Signé : De Ville.

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Amphith., p. 70, et passim.

P. 5 de la Préface de l'Amphithéâtre, et alibi.

Amphith., p. 70, et passim. «< Ego catholica matris Ecclesiæ filius, etc. >> Amphith., , p. 117-118. « Ego sane vel minimus militantis Ecclesiæ tiro, cum anno præterito Londini ad agonem christianum destinatus essem adeoque 49 diebus latomiis... exercerer, eo eram... effundendi sanguinis desiderio accensus et inflammatus...

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Pages 2 et 3 de la Préface: «... Tanquam Romanæ Ecclesiæ palladium,

parcourant attentivement tout le livre, je n'ai pas rencontré un seul mot qui démentît les approbations des deux censeurs lyonnais. Je n'y trouve de suspect que le ton emphatique ; quelquefois même on pourrait soupçonner une ironie mal dissimulée. Ainsi, après avoir cité cinquante versets de l'Écriture pour réfuter un athée, il ajoute : « Cette réponse est très-édifiante; par malheur, les athées ne se font pas grand scrupule de la rejeter, car ils accordent aux saintes Écritures la même foi que je puis accorder aux fables d'Ésope, ou à des rêves de bonnes femmes, ou aux superstitions de l'Alcoran '. » Il parle en ces termes de l'inquisition : « J'aime mieux attirer sur moi la colère d'Horace que celle de nos inquisiteurs, que je considère et que je vénère comme les gardiens de la vigne du Seigneur 2. »

En philosophie, Vanini se montre adversaire ardent de la scolastique. Il l'attaque partout, la tourne en ridicule, et n'épargne Albert ni saint Thomas. «Que d'autres, ditil, admirent les scolastiques; pour moi, je n'en fais pas le moindre cas3. » Il traite toutes leurs idées de «< chimères, nées de l'ignorance, nourries par l'obstination et par la sottise". » Voilà bien le philosophe du XVIe siè–

cæterarum religionum columen, totius universitatis anchoram hominibus esse concessam, etc. »

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' Amphith., Exerc. XVI, p. 109: « Malo namque mihi iratum Horatium quam nostrates inquisitores, quos tanquam vineæ dominicæ custodes suspicio atque deveneror. »

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Amphith., p. 27 : « Scholasticorum caterva, perplebeia quidem apud me licet senatoria apud alios, etc.»-« O acutos homines! O ingenia subtilia. nonne stultum dixerimus et amentem, etc. » P. 5 de la Dédicace, p. 11, 39, 136, 204, 226, etc.

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Amphith., p. 29: «Nuga sunt hæ, inscitiæ soboles, alumnæ pertinacia

cle, plein de mépris pour le moyen âge. Dans l'antiquité, il se sépare ouvertement de Platon et de Cicéron, qu'il traite à peu près comme les scolastiques. « Je ne m'appuierai pas, dit-il, sur les déclamations usées de Cicéron, ni sur les rêveries de vieille femme de Platon 1. » Il se prononce pour Aristote commenté par Averroës et par Pomponat. Il appelle Aristote a son divin précepteur, le coryphée des philosophes, génie abondant en fruits divins, le père de la sagesse humaine, le souverain dictateur de toutes les sciences, l'oracle vénérable de la nature 2. » Ce novateur, ce téméraire avoue qu'il a été <«< instruit à jurer sur la parole d'Averroës, à l'école de Jean Baccon, carmélite anglais, le prince des averroïstes 3. Pierre Pomponat est pour lui « le plus ingénieux des philosophes, » et « Pythagore aurait dit que l'âme d'Averroës était passée dans son corps*. C'est ici le langage

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atque supinitatis... »-P. 30: « Sed illæ nuga, in animis otiosorum disputatatorum educatæ, occalluere... » P. 101-102: « Respondent communiter doctores... sed nugæ hæ sunt nugacissimæ... » - P. 107 : « Quæro ab istis qui divinæ sapientiæ dictatores haberi volunt, etc.» - P. 109,: « His igitur scholasticorum distinctionibus non assentiens, neque assensurus... >>

Amphith., p. 5 de la Dédicace: «Non ex obsoletis illis quidem Tullianis declamationibus, neque ex popularibus illis et anilibus fere Platonicis deliriis et insomniis, etc, » Voyez aussi p. 124, 188, etc.

Amphith., Exerc. XXX, p. 197 : « Divinum Aristotelem, humanæ sapientiæ patrem, primum ac summum scientiarum omnium dictatorem, et venerabile naturæ oraculum. » Voyez encore p. 8, 137, 155, etc., etc.

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Amphith., ., p. 17 : « Nos qui... in Averrois verba jurare coacti sumus a Joanne Bacconio, Anglo Carmelitano, averroistarum principe meritissimo, olim præceptore nostro. » Par ces mots : olim præceptore nostro, il faut entendre que Vanini dans sa jeunesse avait beaucoup étudié les écrits de J. Baccon, et non qu'il ait jamais suivi les leçons d'un docteur qui florissait au milieu du XIVe siècle. Sur J. Baccon, voyez l'article de Mansi et celui de la Bibliotheca Carmelitana.

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Amphith., p. 36: « Petrus Pomponatius, philosophus acutissimus, in

diamétralement opposé à celui de la Ramée, de Bruno et de Campanella. Cependant Vanini s'accorde avec ce dernier pour combattre Machiavel, qu'il nomme « le prince des athées. » Il n'a pas assez d'invectives contre Cardan 2. Est-ce là encore une exagération calculée? Mais en mettant sous la parole d'un auteur d'autres pensées que celles qu'elles expriment, que fait-on autre chose que des conjectures?

Voici le plan de l'Amphithéâtre : il se divise en cinquante chapitres appelés exercices. Vanini établit d'abord l'existence et la nature de Dieu3. Il détermine l'idée de la providence, et il en donne les preuves tout au long". Après avoir posé les principes, il discute les objections; il réfute l'argumentation de l'athée Diagoras contre l'existence d'une providence, ainsi que celle de Protagoras et de ses modernes imitateurs. Il résout les difficultés que Cicéron élève sur la conciliation de la liberté de l'homme avec la divine providence. Il défend la providence et l'immortalité de l'âme attaquées par les épicuriens. Outre la providence générale admise par Aristote et par les aver

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cujus corpus animam Averrois commigrasse Pythagoras judicasset, ete. » Amphith., p. 35: «Nicolaus Machiavellus atheorum facile princeps... et p. 50, 51, etc.

2 Amphith., passim, et plus particulièrement p. 53 : « O os impudentissimum, o linguam execrandam, o sermones inquinatissimos, o voces detestandas! » et p. 57: « O sacrilegam doctrinam, et ex hominum consortio eliminandam, o impietatem nefariam et post homines natos inauditam, etc,»› 3 Exerc. I, II.

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