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Et comment de chaque avanture
Se pourra-t-elle fouvenir;

Ne devant pas fi-tôt finir,

A ce qu'Apollon affure.

Elle doit, ce dit-il, entrer auparavant
Au corps du premier enfant,

Que fera certaine Belle,

Que Philis pour le présent
On appelle,

Mais quand le Cigne mourra,
L'Enfant, pourra-t-on dire, encor fait ne fera:

En ce cas, l'ame au plus vîte,
En attendant que ce gîte

Se rencontre en fon chemin,

Peut loger dans des corps, qui dès le lendemain,. Dans fix mois, dans une année.

Verront leur fin terminée.

Voilà ce qu'il m'en a dit.

Qu'on en faffe fon profit.

Cela me fuffit, dis-je à Lycidas; mais le Dieu que vous me donnez pour caution de vo tre Métempfychofe, auroit-il bien pris la peine de vifiter un Cigne malade? Comment (repartit Lycidas moitié en colere) y a-t-il quelque chofe dans Vaux, dont Apollon ne doive avoir foin? Sais-tu qu'il a fait réfolution de deman-der à Oronte le même emploi qu'il eut autrefois chez Admette? Car, pour t'en parler fran chement,

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Il eft las des vains travaux,
11 fe rit des beaux ouvrages,
Et veut par monts & par vaux
Dans nos prez, fur nos rivages,
Garder les moutons de Vaux,

Car on y gagne gros gages;

Aucun labeur n'y manque de guerdon. Ce ne font point les murs du Roi Laomédon, Qui voulut pour néant, fi j'ai bonne mémoire, Bâtir ces murs détruits par un decret fatal: C'étoit un Roi qui payoit mal.

Il n'eft pas le feul en l'Hiftoire.

Enfin Apollon a juré de ne plus faire de vers que quand Oronte & Sylvie le fouhaiteront. II gouvernera leurs troupeaux; il fera Contrôleur de leurs bâtimens; il conduira la main de nos Peintres, de nos Statuaires, de nos Sculpteurs; il t'inspirera toi-même, fi tu écris pour plaire au Héros ou à l'Héroïne, & non autrement. Je fouris la-deffus, & je priai Lycidas de me mener en des lieux où je pûffe voir encore d'autres merveilles.

V. Acan

V.

Acante au fortir de l'Apothéose d'Hercule eft mené dans une Chambre où les Mufes lui apparoiffent.

MEs Es Conducteurs fe laffant de me répondre fur tout, & voyant qu'ils n'étoient pas fortis d'une queftion que je les faifois rentrer dans une autre, me tirérent de ce lieu-là malgré que j'en euffe, & me firent paffer dans une Chambre voifine, dont les Peintures & les divers Ornemens me parurent encore plus riches que ceux qui venoient de nous arrêter. Il y avoit un alcove à l'oppofite des fenêtres : le haut de la Chambre étoit à l'Italienne, & formoit une espéce de voute ouverte par le milieu, où l'on voyoit un Tableau qui repréfentoit plufieurs figures s'élevant au Ciel. Aux quatre coins de la voute étoient comme quatre Choeurs de Mufique, compofez chacun de deux Mufes fi bien peintes que je crus voir ces Déeffes en propre perfonne. J'y fus moi même trompé, moi qui ne bouge de l'Hélicon. Ce lieu où je les trouvois, bien différent de leur féjour ordinaire, fit que je ne me pus empêcher de leur dire:

Quoi! je vous trouve ici, mes divines Maîtreffes! De vos monts écartez vous ceffez d'être hôteffes!

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Quel charme ont eu pour vous les lambris que je

vois?

Vous aimiez (difoit-on) le filence des bois;
Qui vous a fait quitter cette humeur solitaire?
D'où vient que les Palais commencent à vous plaire ?
J'avois beau vous chercher fur les bords d'un ruis-

feau:

Mais quelle fête cause un luxe fi nouveau?
Pourquoi vous vétez-vous de robes éclatantes?
Mufes, qu'avez-vous fait de ces jupes volantes,-
Avec quoi dans les bois fans jamais vous laffer
Parmi la Cour de Faune on vous voyoit danser?
Un fi grand changement a de quoi me confondre..
Pas une des neuf Sœurs ne daigna me répondre.
Oronte (dit Arifte) occupe leurs efprits.
Tantôt dans les forêts, tantôt fous les lambris,
Elles font réfonner fa gloire & fon mérite;
Voyez comme pour lui. Melpoméne médite;.
Thalie en eft jaloufe; & fes paifibles fons
Valent bien quelquefois les tragiques chansons.
Toutes deux au Héros ont confacré leurs veilles;
Elles n'ont ni beautez, ni graces, ni merveilles,
Que pour le divertir leur art ne mette au jour,
Et chacune a pour but de lui plaire à fon tour.
Melpomene pour lui peint les vertus Romaines;
L'autre imite toujours les actions humaines:
Ces couronnes, ce mafque expriment leurs emplois,

Pré

Préfentent à fes yeux ou le peuple ou les Rois.
La Scéne lui montrant les Héros fes femblables
Evoque leurs efprits enterrez fous les fables,
Des climats de l'Hiftoire en fait fouvent venir,
Et fe va chez les morts de fpectacles fournir.

Il y a ici une Lacune de quatre pages dans le Manufcrit de l'Auteur.

Pendant cela je confiderois toute la Chambre; & entre les deux objets, celui des Mufes. me rempliffoit l'ame d'une douceur que je ne faurois exprimer: elle étoit telle que celle que j'ai quelquefois reffentie, me voyant au milieu de ces Déeffes fous le plus bel ombrage de l'Hélicon, favorité comme à l'envi de toute la Troupe. J'étois ravi de les voir fi fort én honneur, & tellement confiderées chez Oronte: qu'on les avoit logées dans l'une des plus belles chambres de fon Palais. Ce n'eft pas qu'il y eût rien en cela qui me furprît, & qu'elles ne m'euffent entretenu dès auparavant de l'eftime que ce Héros avoit pour elles mais elles ne m'avoient point encore dit qu'il leur en eût donné cette marque: je témoignai la joye que· j'en avois à mes Conducteurs. Arifte qui croyoit être obligé de faire les honneurs de la maifon,. me dit qu'elles méritoient bien cet appartement. Nous ne favons pas (ajoûta-t-il) fi nous n'aurons point quelque jour befoin d'elles. Après tout elles font filles de Jupiter; nous ne voudrions, pour quoi que ce fût, qu'elles s'allaf fent plaindre de nous en plein Confiftoire des

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