Page images
PDF
EPUB

Lors s'ouvrira l'écrain de forme exquife
Que Zirzimir forgea par grand favoir,
Et l'on verra le fens de la devise
Qa'aucun mortel n'aura jamais fû voir.

Pour fatisfaire à l'intention du Mage, & pour l'accompliffement de la Prophétie, mais plus encore pour attirer les Maîtresses de tous les Arts, & leur donner par ce moyen l'occafion d'embellir la maifon de Vaux, O ronte avoit fait publier que tout ce qu'il y avoit de favantes Fées dans le monde pou voient venir contefter le prix propofé; & ce prix étoit le portrait du Roi, qui feroit donné, par des Juges fur les raifons que chacun apporteroit pour prouver les charmes & l'excellence de fon art. Plufieurs étoient accouruës, mais la plupart ne pouvant contribuer aux beautez de Vaux, & par conféquent le prix n'étant pas pour elles apparemment, la plupart, dis-je, perfuadées que la Prophétie ne les regardoit en aucune for te, s'étoient retirées. Il n'en étoit demeu

que quatre, l'Architecture, la Peinture, PIntendante du jardinage, & la Poëfie; je les appelle Palatiane, Apellanire, Hortefie, & Calliopée. Le lendemain ce grand différent fe devoit juger en la préfence d'Oronte, & de force Demi-Dieux. Voilà ce que

Pun

l'un de mes deux guides me dit, & le fujet du fecond Fragment. Il contient les harangues des quatre Fées.

Et pour égayer mon Poëme, & le rendre plus agréable, car une longue fuite de defcriptions hiftoriques feroit une chofe fort ennuieufe, je les voulois entremêler d'épisodes d'un caractére galant; il y en a trois d'achevez, l'avanture d'un Ecureuil, celle d'un Cygne prêt à mourir, celle d'un Saumon & d'un Eturgeon qui avoient été préfentez vifs â Oronte; cette derniere avanture fait le fujet de mon troifiéme Fragment.

Le refte de ce Recueil contient des Ouvrages que j'ai compofez en divers temps fur divers fujets. S'ils ne plaifent par leur bonté, leur variété fuppléra peut-être à ce qui leur manque d'ailleurs.

in en inven

'AUTRE AVERTISSEMENT.

Dfont des Fragmens de la defcription de

Es piéces fuivantes les trois premiéres

Vaux, laquelle j'ai fait venir en un fonge, à l'exemple d'autres fujets que l'on a ainfi trai

tez.

*Les autres Ouvrages que contenoit ce Recueil, ont été mis dans cette Edition, chacun en leur ordre.

tez.

Ce n'est pas ici le lieu, ni l'occafion de faire favoir les raifons que j'en ai euës. L'Avertiffement les contient : il eft néceffaire de le lire pour bien entendre ces trois morceaux, & pour pouvoir tirer de leur lecture quelque forte de plaifir. Le premier eft le commencement de l'Ouvrage. Le Lecteur, fi bon lui femble, peut croire que l'Aminte dont j'y parle, repréfente une perfonne particuliere fi bon lui femble, que c'eft la beauté des femmes en général; s'il lui plaît même, que c'est celle de toutes fortes d'ob jets. Ces trois explications font libres. Ceux qui cherchent en tout du myftere, & qui veulent que cette forte de Poëme ait un fens allégorique, ne manqueront pas de recourir aux deux dernieres. Quant à moi, je ne trouverai pas mauvais qu'on s'imagine que cette Aminte eft telle ou telle perfonne; cela rend la chofe plus paffionnée, & ne la rend pas moins heroïque.

FRAG

286

FRAGMENS

DU SONGE

DE VAUX.

I.

Acante s'étant endormi une nuit du Printemps, fongea qu'il étoit allé trouver le Sommeil, pour le prier que par fon moyen il pût voir le Palais de Vaux, avec fes Jardins; ce que le Sommeil lui accorda, commandant aux Songes de les lui montrer.

Orfque l'An fe renouvelle,

En cette aimable faifon,
Où Flore améne avec elle
Les Zéphirs fur l'Horifon:
Une nuit que le filence

Charmoit tout par fa préfence,
Je conjurai le Sommeil

De fufpendre mon réveil

Bien loin par de-là l'Aurore.

Le Sommeil n'y manqua pas,
Et je dormirois encore,

Sans Aminte & les appas.

Cette fiére beauté, qui s'érige un trophée
Du cruel fouvenir de mes vœux impuiflans,
Souffrit que cette nuit les charmes de Morphée
Auffi-bien que les fiens regnaffent fur mes fens.
Il me fit voir en fonge un Palais magnifique,
Des grottes, des canaux, un fuperbe portique,
Des lieux que pour leurs beautez
J'aurois pû croire enchantez,
Si Vaux n'étoit point au monde:
Ils étoient tels, qu'au Soleil
Ne s'offre au fortir de l'onde
Rien que Vaux qui foit pareil.

C'étoit auffi cette maifon magnifique avec fes accompagnemens & fes jardins, lefquels Sylveftre m'avoit montrez, & que ma mémoire confervoit avec un grand foin, comme étant les plus précieufes piéces de fon tréfor. Ce fut fur ce fondement que le Songe éleva fon frêle édifice, & tâcha de me faire voir les chofes en leur plus grande perfection. Il choifit pour cela tout ce qu'il y avoit de plus beau dans fes magazins; & afin que mon plaifir durât davantage, il voulut que cette apparition fût mêlée d'avantures très-remarquables. Je vis des plantes, je vis des marbres, je vis des cri

« PreviousContinue »