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Les Mufes & les

auroient empefché

ques, ni fe fervir de cette langue dans aucune affaire serieuse & importante, trouvant qu'il eftoit ridicule d'apprendre & d'employer la langue d'un peuple affujetti.

Aprés fon fecond triomphe donnant au peuple des jeux à la maniere des Grecs, pour la dedicace d'un temple, il entra dans le theatre, mais il ne fit que s'affeoir, & fortit un moment aprés. On rapporte que Platon difoit souvent au Philofophe Xenocrate, dont les mœurs lui paroiffoient trop farouches & trop fauvages : mon ami, facrifie aux Graces. Si quelqu'un avoit Graces Grecques peu perfuader de mefme à Marius, de facrifier Marius d'eftre fo aux Muses & aux Graces Grecques, jamais il n'auroit adjoufté à tant de commandements d'armée si glorieux, à tant de charges si hoElles lui auroient norables une fin fi honteuse & fi malheureuse, efpargné tous ses s'eftant abandonné à une colere implacable, à une ambition importune & deplacée, & à une avarice insatiable, qui comme des vents impetueux, le jetterent dans une vieilleffe pleine d'injustices & de cruautez horribles, où il perit miferablement, comme on va le voir dans le détail de fa vie.

feroce.

malheurs.

Si quelqu'un avoit peu perfuader de mefme à Marins de facrifier aux Muses & aux Graces Grecques. ] Ce n'eft point par enteftement pour fon pays que Plutarque fait icy l'éloge des Mufes & des Graces Grecques; il eft cerqu'elles feules peuvent don

tain

ner la perfection à l'efprit, & que ni pour la vie civile ni pour les ouvrages il ne faut guere rien attendre de bien parfait de ceux qui ne les connoiffent pas. Il y a pourtant des naturels fi heureux qu'ils font au-deffus des regles.j

Il eftoit né de parents entierement inconnus, Naiffance obfcure pauvres & qui eftoient obligez de travailler de de Marius. leurs mains pour gagner leur vie. Son pere avoit nom Marius comme lui, & fa mere s'appelloit Fulcinie. Il ne vint que tard à la ville, & par confequent il ne commença que tard à connoiftre les mœurs & les manieres de Rome, & à avoir commerce avec les gens polis. Jufques-là il avoit tousjours vefcu dans un bourg appellé Cirrhajaton dans le pays des Arpinates, où il mena une vie trés-groffiere, fi on la compare à la vie douce & polie des villes, mais temperante, fage & trés-femblable à celle des an

ciens Romains.

gne de Marius, la III. année de l'Olymp. clxi. 133.. avant l'ere Chre

Sa premiere campagne fut contre les Celti- Premiere campaberiens, lorfque Scipion l'Africain affiegeoit Numance. Son Capitaine ne fut pas long-temps fans s'appercevoir qu'en force, en courage, es grandes qua & autres qualitez pour la guerre il eftoit fort litez pour la guer au-deffus de tous ceux de fon âge, & que la nouvelle discipline, que Scipion avoit introduite dans les armées en fubftituant une vie dure

Dans un bourg appellé Cirrhajaton. ] Il y a de l'apparence que ce nom eft corrompu, & qu'il faut lire Cernetum, comme Xylander l'a corrigé fur ce paffage de Pline liv. 3. chap. v. où en defcrivant la premiere region de l'Italie, il parle de Cernetum & adjoufte, Cernetani, qui Mariani cognominantur. Les habitants de Cernetum à qui on donnoit

le furnom de Mariani. Il y a de
l'apparence qu'on les nommoit
ainfi pour faire entendre qu'ils
eftoient compatriotes de Marius.
C'est une chofe affez estonnante
qu'on ne fçache pas plus certai-
nement dans quel lieu precife-
ment eftoit né un homme com-
me Marius, qui a tant fait par-
ler de lui dans le plus grand
theatre du monde.

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Combat fingulier qu'il fit à la veuë de fon General

que Scipion donna

& frugale à la vie molle & fomptueuse qui les corrompoit, il l'avoit embraffee fans peine, comme y estant desja formé & habitué.

foir

On dit qu'un jour il combattit un des ennemis à la veuë de fon General & le tua. C'eft pourquoy Scipion tafchoit de se l'attacher en lui faisant toutes fortes d'honneurs, & en l'appellant fouvent à fa table; & l'on raconte qu'un que Marius avoit l'honneur de fouper avec lui, la converfation eftant tombée par hazard fur les Capitaines qui vivoient alors, quelqu'un de la compagnie demanda à Scipion, foit qu'il doutaft veritablement, ou qu'il vouluft lui faire Grande louange la cour, quel Capitaine le peuple Romain auroit aprés au jeune Marius. lui qui puft le remplacer? Scipion frappant doucement de la main fur l'efpaule de Marius, qui eftoit affis au-deffus de lui, ce fera à l'aventure celui-cy, refpondit-il, tant ces deux hommes eftoient heureufement nez, l'un pour marquer dés fa jeuneffe combien feroit grand un jour, & l'autre pour bien connoiftre & conjecturer les grandes & glorieufes fuites qu'auroit un tel commencement. Il eft certain que ce mot de Ce mot de Scipion Scipion fut pour Marius comme une voix Difut comme une voix vine qui l'eleva à de hautes efperances. Ce fut ce mot qui plus que toute autre chofe, le porta à fe jetter dans le gouvernement de la Repu

divine pour Ma

rius.

Il eft certain que ce mot de Scipion fur pour Marius comme une voix Divine. ] Ce Jugement de Plutarque eft beau, ce mot d'un

grand perfonnage, comme Scipion, devoit faire fur Marius le mefme effet qu'un oracle.

Tribun du peuple.

blique. Il fut d'abord Tribun du peuple par la Il fut d'abord faveur & par la protection de Cecilius Metellus à la maison duquel il eftoit attaché de pere en fils.

Dans fon Tribunat il voulut faire paffer une loy fur la maniere de donner les voix & les fuffrages. Comme cette loy paroiffoit diminuer l'autorité des Nobles dans les jugements, le Conful Cotta s'y oppofa, & perfuada au Senat de la rejetter, & de citer Marius devant lui pour venir rendre raifon de la propofition qu'il en avoit faite. Le decret eftant donné, Marius entra dans le Senat, non avec l'embarras & l'eftonnement d'un jeune homme, qui avant que d'avoir fait aucune action d'efclat, s'ingeroit de reformer la Republique, mais avec l'affeurance & la confiance que lui donnoient par avance les grandes actions qu'il devoit faire un jour. D'abord il menaça Cotta de le traifner en prison, fi tout l'heure il ne revoquoit fon decret. Cotta s'eftant tourné vers Metellus, lui demanda fon avis, Metellus fe levant appuya l'avis du Conful. En mefme temps Marius fit appeller un Licteur qui eftoit à la porte, & lui commanda de mener en

Mais avec l'affeurance & la confiance que lui donnoient par avance les grandes actions qu'il devoit faire un jour.] Un grand personnage ne tire pas feulement l'affeurance & la confiance des grandes actions qu'il a faites,

à

mais auffi de celles qu'il doit fai-
re un jour; & la raison en eft
fenfible, car le principe,qui doit
operer ces grandes actions, eft
en lui, quelque jeune qu'il puiile
eftre, & produit ces grands ef-
fects.

La 11. année de Olympiade cxxv.

117. ans avant N.

S.

Les grandes ac

tions

qu'on doit fai

re un jour donnent

par

avance l'affen

rance & la confian

.

Marius Tribun entreprend de faire

prendre un Conful plein Senat, &

en

de le mener en priSon.

prifon Metellus. Celui-cy en appella aux autres Tribuns ; mais aucun d'eux ne vint à fon fecours, de forte que le Senat abandonna & annulla fon decret. Marius fortit du Senat, tout glorieux, & alla à la place, à l'Affemblée du peuple & fit paffer & autoriser fa loy.

Ce commencement le fit paffer d'abord pour un homme roide, qui feroit inaccessible à la crainte, qui ne demordroit jamais de rien par honte ni par refpect, & qui feroit tousjours prest à s'oppofer & à refifter au Senat pour fouftenir les interefts du peuple. Mais par une action toute contraire il effaça bientoft cette opinion, que l'on avoit conceuë de lui. Quelqu'un ayant propofé une loy, qui portoit que l'on diftribueroit gratuitement du bled aux Citoyens, Marius s'y oppofa de toutes les forces, & l'ayant emporté, Marius regardé il fe fit honorer & respecter également des uns comme un homme & des autres, comme un homme incapable de que celui de l'uti favorifer l'un des deux partis contre l'utilité pus lité publique. blique.

qui n'avoit de parti

Aprés le Tribunat il demanda la grande Edilité. Car il y a deux rangs d'Ediles, le premier eft celui des Ediles Curules, ainfi appellez de certains sieges à bastons courbez sur lesquels ils font affis quand ils rendent la juftice, & l'autre, qui eft beaucoup moindre, c'est celui des Ediles, qu'on appelle du peuple. On élit les Ediles Curules les premiers, & enfuite dans le mefme jour on procede à l'élection des autres.

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