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Ma chère confidente, et mes chers affidés, vous favez combien d'argent je vous ai fait gagner aux dernières fêtes de Cérès. Je me marie, et j'efpère que vous ferez votre devoir dans cette grande

occafion.

DRIX A.

Oui fans doute, Monfeigneur, pourvu que vous nous en fafficz gagner encore davantage.

AN ITU S.

Il me faudra, madame Drixa, deux beaux tapis de Perfe vous, Terpandre, je ne vous demande que deux grands candelabres d'argent, et à vous, une demidouzaine de robes de foie, brochées d'or.

TERPAN DR E.

Cela eft un peu fort: mais, Monseigneur, il n'y a ien qu'on ne faffe pour mériter votre fainte protec

tion.

Théâtre. Tome VIII.

Cc

ANIT US.

Vous regagnerez tout cela au centuple. C'eft le meilleur moyen de mériter les faveurs des dieux et des déeffes. Donnez beaucoup et vous recevrez beaucoup: et furtout ne manquez jamais d'ameuter le peuple contre tous les gens de qualité qui ne font point assez de vœux, et qui ne préfentent point affez d'offrandes.

ACROS.

C'eft à quoi nous ne manquerons jamais; c'est un devoir trop facré pour n'y être pas fidelles.

AN ITU S.

Allez, mes chers amis; les dieux vous maintiennent dans des fentimens fi pieux et fi juftes! et comptez que vous profpèrerez, vous, vos enfans et les enfans de vos petits-enfans.

TERPAN DR E.

C'eft de quoi nous fommes sûrs, car vous l'avez dit.

SCENE I I. .

ANITUS, DRIX A.

ANIT U S.

Eн bien, ma chère madame Drixa, je crois que

vous ne trouverez pas mauvais que j'épouse Aglaé; mais je ne vous en aime pas moins, et nous vivrons enfemble comme à l'ordinaire.

DR 1 X A.

Oh, Monseigneur, je ne fuis point jaloufe; et pourvu que le commerce aille bien, je fuis fort contente.

Quand j'ai eu l'honneur d'être une de vos maîtrelles, j'ai joui d'une grande confidération dans Athènes. Si vous aimez Aglaé, j'aime le jeune Sophronime; et Xantippe, la femme de Socrate, m'a promis qu'elle me le donnerait en mariage. Vous aurez toujours les mêmes droits fur moi. Je fuis feulement fâchée que ce jeune homme foit élevé par ce vilain Socrate, et qu'Aglaé foit encore entre fes mains. Il faut les en tirer au plus vite. Xantippe fera charmée d'être débarraffée d'eux. Le beau Sophronime et la belle Aglaé font fort mal entre les mains de Socrate.

ANITUS.

Je me flatte bien, ma chère madame Drixa, que Mélitus et moi nous perdrons cet homme dangereux, qui ne prêche que la vertu et la divinité, et qui s'est ofé moquer de certaines aventures arrivées aux myftères de Cérès. Mais il eft le tuteur d'Aglaé. Agaton, père d'Aglaé, a laiffé, dit-on, de grands biens; Aglaé eft adorable; j'idolâtre Aglaé; il faut que j'épouse Aglaé, et que je ménage Socrate, en attendant que je le faffe pendre.

DRIX A.

Ménagez Socrate, pourvu que j'aye mon jeune homme. Mais comment Agaton a-t-il pu laisser sa fille entre les mains de ce vieux nez épaté de Socrate, de cet infupportable raifonneur, qui corrompt les jeunes gens, et qui les empêche de fréquenter les courtifanes et les faints myftères?

ANIT U S.

Agaton était entiché des mêmes principes. C'était un de ces fobres et férieux extravagans, qui ont d'autres mœurs que les nôtres, qui font d'un autre fiècle et

d'une autre patrie; un de nos ennemis jurés, qui penfent avoir rempli tous leurs devoirs quand ils ont adoré la divinité, fecouru l'humanité, cultivé l'amitié, et étudié la philofophie; de ces gens qui prétendent infolemment que les dieux n'ont pas écrit l'avenir fur le foie d'un bouf; de ces raisonneurs impitoyables qui trouvent à redire que les prêtres facrifient des filles, ou paffent la nuit avec elles, felon le besoin : vous fentez que ce font des monftres qui ne font bons qu'à étouffer. S'il y avait feulement dans Athènes cinq ou fix fages qui euffent autant de confidération que lui, c'en ferait affez pour m'ôter la moitié de mes rentes et de mes honneurs.

DRIX A.

Diable! voilà qui eft férieux cela.

AN ITU S.

En attendant que je l'étrangle, je vais lui parler fous ces portiques, et conclure avec lui l'affaire de mon mariage.

DRIX A.

Le voici; vous lui faites trop d'honneur ; je vous laiffe, et je vais parler de mon jeune homme à Xantippe.

AN ITU S.

Les dieux vous conduifent, ma chère Drixa; fervezles toujours, gardez-vous de ne croire qu'un feul dieu, et n'oubliez pas mes deux beaux tapis de Perfe.

SCENE I I I.

ANITUS, SOCRATE.

ANIT US.

EH, bonjour, mon cher Socrate, le favori des dieux et le plus fage des mortels. Je me fens élevé au-deffus de moi-même toutes les fois que je vous vois; et je respecte en vous la nature humaine.

SOCRATE.

Je fuis un homme fimple, dépourvu de fcience et plein de faiblesses comme les autres. C'eft beaucoup fi vous me fupportez.

AN ITU S.

:

Vous fupporter! je vous admire je voudrais vous reffembler, s'il était poffible: et c'eft pour être plus fouvent témoin de vos vertus, pour entendre plus fouvent vos leçons, que je veux époufer votre belle pupille Aglaé, dont la destinée dépend de vous.

SOCRATE.

Il est vrai que fon père Agaton qui était mon ami, c'est-à-dire beaucoup plus qu'un parent, me confia par fon testament cette aimable et vertueufe orpheline.

AN ITU S.

Avec des richeffes confidérables ? car on dit que c'eft le meilleur parti d'Athènes.

SOCRATE.

C'eft fur quoi je ne puis vous donner aucun éclairciffement; fon père, ce tendre ami dont les volontés

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